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Iittp://www.arcliive.org/details/mmoiressurlade03pouc
MÉMOIRES
SUR
LA DERNIERE GUERRE
D E
L'AMÉRiaUE SEPTENTRIONALE.
.TOME TROISIEME.
W;
MÉMOIRES
SUR
LA DERNIERE GUERRE
D E
L'AMÉRiaUE SEPTENTRIONALE.
E K T R E
La France et l' A n g l e t e r r e.
Suivis d'Obfervations , dont plufîeurs font
relatives au théâtre aduel de la guerre , &
de nouveaux détails iur les mœurs & les
ufages des Sauvages , avec des cartes to-
pographiques.
ParAI.PoucHOT, Chevalier de P Ordre Royal ^
Militaire de St. Lotiis , ancien Capitaiîze ait Ré*
gimeJit de Béarn , Commandant des forts de Nia»
gara ^ de Lèyis , en Canada.
TOME T R O I S I E M E/
Y V E R D O N.
M.DCa LXXXL
V
AVIS.
lA carte que M. Pouchot avoît le-
vée , étant trop étendue, nous avons
été obligés de la faire réduire, afin
qu'elle foit relative à la forme dans
laquelle fes mémoires font imprimés.
Quoique celle que nous offrons au
public n'ait pu conferver les mêmes
développemens, elle renferme néan-
moins les mêmes détails, & mérits
une attention particulière. D'ailleurs
les obfervations topographiques fup-
pléent en quelque forte à cstce ré-
dudion inévitable.
OBSERVATIONS
TOPOGRAPHIQUES.
Tome JIL
AVERTISSEMENT.
JVl, Poiichot n'avQit rien oublié j
pour cofmoître la topographie de
V Amérique Septentrionale, Nous
avons trouvé dans f es papiers , une
defcriptioit gé^térale de ce conti-^
iunt 5 à la vérité , imparfaite fur
pliifieurs points^ mais achevée ^
d'une rare exactitude , à regard des
pays qui ont été le théâtre de la der-
nière guerre. Il avoit extrait de
cette partie de fou ouvrage , les ob~
fervations qu'on va lire & qui fer--
vent proprement d'explication à fa
carte. Le foin particulier qu'il avoit
eu de les rédiger , prouve que h
defcripîion dont nous avons parlée en
étoit fhnplement les matériaux ;
c'ejî pourquoi nous n'avons pas cru
.devoir la publier.
4 ATERTîSSEMENTr
Nous ne dijjimtilerons cependant
pas que , dans cette même dejcrlp-
îion , on ne trouve des détails qui
ne fe lifent point dans les objerva-
tions uniquement confacrées à nous
faire connoître les principales com^
munications du Canada avec les
tolonies angloifes , & àfervir d'inf-
truBion aux militaires qui pour^
roient un jour être ejnployir'S dans
cette contrée. L auteur n'ayi>nt écrit
que fur les rapports d' autrui , tout
ce qui concerne les parties fepten-
trionales ^ orientales du Canada ,
on peut moins compter fur fon ré-
cit \ ainfi nous avons pu le fuppri"
772er , fans nuire à. fa réputation, .,
D'ailleurs il avoue lui-même que Pé- J
tendue êf la forme des lacs Huron,
Miêhigan & Supérieur ^ne font point i
connues , ^ qu'à peine a- 1- o?t de
foibles notions des pays fitués au
Nord 6f d /'O. N. O. de ces der-
niers ^ qui font habités par les Affi-
Avertissement. ç
niboels , les Monjouis ^ les Crif-
tin LUI X.
MlVL de la Fcnmderie , officiers
canadiens, pénétrèrent dans cespaySy
il y a environ quarante-deux ans.
Ils parvinrent jtifqn' à s oo lieues à
l'OîieJî du lac Supérieur , 6? dé-
couvrirent plujïeurs nouveaux lacs
qui fe communiquoient. F eut-être
Jeroie7n-ils arrivés jufqu'à la mer
du Sud , fans les objlacks qui s'op^
pofejit toujours à de pareilles ten^
tatives , les feules néanmoins dont
il f oit poffible de tirer des lumières.
Ces principales difficultés font , i *„
le défaut de vivres & de reffour-^
ces pour les approvifionnemens de
toute efpece ; 2". rimpqffibilité de
fe fan e entendre aux naturels du
pays 5 dont la langue devient à un
certain éloignement inintelligible
aux Sauvages même qui jervent de
guides-^ 3'. ledefintérejfement firare
à trouver dans les perfunnes char-
A 3
€ Avertissement.
gées de femhlahles enîreprifes , la
plupart 5 dès qu'ils ont rempli leurs
canots de pelleteries , fi abondantes
dans ces contrées , ne penjant plus
qu'à s'en retourner ; 4^ Les rap-
ports infidèles ou énigmatiques des
Sauvages , qui cherchent fouvcrtt à
îf omper & à égarer les voyageurs^
afin de les faire périr & de piller
enfnite leurs effets.
Il faut fans doute ejpérer que ces
ohjîaclês s'évanouiront , ou diminue-
ront 5 à mefure que l'Amérique Sep--
îentrionale fe peuplera , & que les
relations entre les différentes parties
du Nord deviendront alors plus né-
ceffaires. Cette révolution fera l'ou-
vrage de la liberté :, dont ce vafie
continent ne tardera pas de jouir ^
fi les vœux de toute l'Europe font
marnés.
"O"
J
OBSERVATIONS
TOPOGRAPHIQUES.
L
Es différentes, pofîtioiis où M.
Pouchot, capitaine dans le régi-
ment de Béarn , s'eil trouvé Se les
voyages qu'il a été obligé de faire
dans les principaux paifages de com-
munication 5 des polTeffions fian-
çoiies aux pofleiTions angloifes en
Amérique , l'ont déterminé à en
donner les détails les plus exads
qu'il lui fera poffible.
L'on y verra des parties incon-
nues 5 même aux Anglois , dans le
pays des cinq nations iroquoifes;
& les travaux immenfès qu'ils ont
A 4
8 Mêm, fur la dern. Guerre
été obligés de faire , pour parvenir
jufques aux poiTeffions françoifes,
M. Pouchot ne s'eft point atta-
ché à détailler , dans la carte qu'il
en a dreflee, la partie habitée par
les François en Lanada, que l'oiî
peut trouver dans d'autres cartes
particulières. II n'a point auffi dé-
taillé la partie habitée par les An-
glois , qui fe trouve bien dans les
cartes de iMitchel , & fur- tout dans
celle d'EvanSj quieit la meilleu-
re (a).
( o) La c?rte du Canada la moins
défeclueufe qui ait d'abord paru, eft
fans contredit celle de M, Delisle,
Après lui, Pople, géographe anglois ^
en publia une en %o feuilles , qui corn-
prenoit toute l'Amérique Septentria-
iiaîe. M. Belliii en a relevé toutes les
erreurs. Voyez fes rem.////r. de la Nou^
ndle- France 9 T. V. Quoiqu'il ait eu
à fa difpofitiorîîe dépôt de la marine,
il n'en cil pas lui-mèiiie exempt. On
lui a reproché d'avoir trop compté
ie T Amérique Septenfrl 3
Il s'efl feulement attaché à mar-
quer le cours des principales riviè-
res qui fervent de communications
aux frontières , & les principales
places qui y fervent d'entrepôts.
fur des obfervations douteufes & de
vieilles cartes, & de n'avoir pas fu
.profiter des découvertes des naviga-
teurs étrangers. Les recherches de M,
Banville ont été beaucoup plus exac-
tes. Quoique fes cartes de TAméri-
que Septentrionale nefoyent pas par-
faites, elles méritent néanmoins beau-
coup d'éloges. Il a rendu compte de
fon travail, dans une lettre adrelTés
à M. Folkes, & inférée dans le Mer-
cure de Mars ï7fi.p. ïjo. On ne peut
refufer à M. Gréen le mérite de la dif-
cuilion, dans fa carte de l'Amérique,
qu'il publia en ijf^. Son compatriote,
M. Mitcheî, n'a faitprefque que copier
fes prédécelTeurs, dans les huit feuilles
qu'il mit au jour, en îjff. M, Evans
avoit commencé avant lui fes excel-
lentes cartes, par celle ie la PenflU
vanie & du Nouveau Jerfey , dont
la publication remonte à l'année 1749,
A î
^ ^ Mém. fur la dern. Guerre
Le Canada , quoique d'une éten-
due très-coiifidérable, a très-peu de
communication avec les colonies
angioifes , foit par i'éloignement
des pays habités , foit à caufe des
contrées remplies de montagnes
qui s'y rencontrent.
Après les recherches les plus
exactes 5 M. Pouchot n'a reconnu
que cinq principales communica-
tions 5 dont il donnera des defcrip-
tions particulières.
î'o De la frontière du Canada,
par le lac Champîain.
2^ Du fleuve St. Laurent , de-
puis Mont-Réal jufqu'à Chouegen.
3\ De la rivière de Chouegen
4iux poîTeffions angloifes.
4^ Du lac Ontario aux fron-
tières angloifes 3 par la rivière de
Cafconchiagon,
5^ De Niagara à l'Ohio , & de
l'Ohio en Penfil vanie & en Virginie.
Avant que d'entrer dans tous
de t Amérique Septentr. 1 1
ces détails , nous croyons devoir
parler do fleuve St. Laurent , de-
puis fon embouchure dans le Gol«
phe de ce nom, jufques à Qué-
bec ; mais en peu de mots , par-
ce que cette partie du fleuve re-
garde plutôt la marine 3 que les
opérations de terre.
A Pentrée du fleuve St. Laurent,
à trois lieues au S. du cap des
Roziers 5 on ^trouve la baye de
Gafpé. Elle a près de deux lieues
d'ouverture. Se s'apperçoitde loin 3,
à caufe des terres blanches cou-
pées en écors, qui font entre
ion entrée & le cap des Roziers,
L'on peut approcher fans crainte
le rivage de Pentrée au N, où eft
un petit rocher, appelle Fotmllon^
qui de loin fembîe un bateau à
la voile, la marée portant hors
de la côte.
Dans la partie du S. dont îa
pointe s'avance davantage dans k
A 6
1% Mém.fiir la dern. Guerre
mer, & dont les terres font plus
baffes 5 il y a des roches fous l'eau,
à denii-lieiie de l'entrée , qui font
dangereufes ^ lorfqu'an ne les cori-
lîoît pas.
L'on mouille toujours dans le
N. à trois quarts de lieue dans
la baye, par les ^5^ braffes d'eau,
à la portée du fufil de terre. La
tenue n'eft pas trop bonne , parce
que le fond efl en penchant.
A 4 lieues dans l'intérieur que
l'on nomme Penotùlk , le mouil-
lage eil: très - bon , les plus gros
%?aiffeaux peuvent y mouiller par
les 12 braffes à toucher terre. Il
s'y trouve un plateau très - pro-
pre à y bâtir une bonne fortifi-
cation.
La fortie de cette baye efî: affez
difficile, parce qu'il faut attendre
des vents de terre affez fraix , fans
quoi la fortie eft dangereufe, à eau-
fe des courants 5 qui font dérivei
de r Amérique Septenîr, 1 3
f«r les roches dont il eft parlé
ci - delTus.
Lorfque l'on efl: forti de la baye^
& que Ton veut entrer dans le fleu-
ve St. Laurent , on peut fans crain-
te fuivre la côte à la portée de la
carabine pour tourner le cap des
Roziers. Quoique l'on dife qu'il y
a des batures dans cette partie ^
l'on n'en a point apperçu, malgré
que l'on ait louvoyé dans toute
cette partie , bien près des terres ^
toute une journée.
Les bâtiments qui hy vernent dans
cette baye , peuvent -difficilement
remonter le fleuve St. Laurent ^
avant ceux qui partent de bonne
heure d'Europe, parce que les vents
de N. E. qui font très-fréquents
dans le printems , font contraires
pour fortir de cette baye , & y jet-
tent les glaces qui débouchent
de ce fleuve.
La navigation du fleuve St. Laa«
14 31m. fur la dern. Gmrrs
rént, quoique belle en elle-mémes
eît cependant difficile , lorfque les
vents font dans la partie du N. E.
( le plus favorable pour remonter
ce fleuve ). La brume y eft très-
forte.
Il n'y a prefque point de mouil-
lages dans la partie du S. qui eft
la côte la plus faine. II faut arri-
ver à St. Barnabe ou au Bic , pour
mouiller.
Il eft très - probable qu'il y a
dans la partie du N , quantité de
bons mouillages & des beaux ports;
mais CQitQ côte nous étant con-
nue très-imparfaitement, nous n'en
avons guère que des fondes don-
nées au hafard , & très-imparfaites.
On donnera, pour exemple, le
goufre que l'on craignoit comme
Caribde ; les Anglois y ont mouil-
lé : à la travejfe que l'on donnoit
comme prefque impaflable, les An-
glois ont trouvé i^oo toifes de pat
de f Amérique Septentr. i f
fe ; & des bâtiments de loo pièces
de canon y ont paffé le paffage
au N. de Tisle d'Orléans , où les
plus fortes frégates ont paffé , &
de très-gros bâtiments marchands
font montés jufques au rapide fous
Mont - Real. Cela fuffit pour faire
juger combien les côtes de ce fleu-
ve font mal reconnues s puifque
les fautes ci-deffus font dans des
endroits les plus fréquentés.
M. Fouchot a remarqué que l'isle
aux Coudres eil de bonne défen-
fe pour empêcher les bâtiments de
monter-, en plaçant des batteries
aux éboulements qui font vis-à-
vis la paffe la plus étroite.
En conftruifant auffi des batte-
ries de gros canons au cap Tour-
mente, cet endroit feroit le feul
capable d'arrêter des vaiiTeaux. Le
courant les oblige d'en pafTer très-
proche. Ils ne fauroient néanmoins
s'y arrêter ^ à caufe de ce même
i€ AJcm.furladern. Buerre
courant, foitquela marée montea"
foit qu'elle defcende , pour battra
cet endroit. Ils feroient très - en-
dommagés à leur paffage. Ce pot
te, par fa pofiti'on , peut être rendu
fort refpedabîe, étant fur un ro-
cher vif & très-peu abordable dans
fes alentours.
La pofition de Québec eft très-
bonne ; elle reiTemble à celle de
î^amur. Elle eft même meilleure;
mais les fortifications ont été mal
deflînées, relativement à cette po-
fition. Llle n'a aucun commande-
îîient qui la gèn^.
Les habitations françoifes com-
mencent à Cap-tViouraska, fans
interruption julques à Québec. 11
y a trois lieues d'un village à l'au-
tre , prifes du milieu d'un village
au milieu de l'autre. Aucun villa-
ge- en Canada n'eft de défenfe ,
toutes les maifons étant éloignées
l'une de l'autrt' de deux arpents.
de t Amérique Septentr, Ch. I ï 7
C'eil tout ce que l'on dira de
l'intérieur du pays , pour s'attacher
aux pays moins connus & aux
frontières.
CHAPITRE L
De la frontière par le lac Cham-
plain.
L y a deux communications
des habitations du Canada au lac
Chaaiplain ; l'une par la rivière
Forei , qui eft fon écoulement dans
le fleuve St. Laurent; & l'autre ^
après avoir traverfé le fieuve i^t
Laurent, de Mont-Kéàl à la Prai-
rie, allant par terre de la Prairie
à Chambly ou à St Jean. Le
fleuve bt. Laurent a trois lieues
de largeur de Mont-Keal à la
Prairie 5 Yiliage fitué ^is-à-yis
î 8 Mem, fur la dern. Guerre
Mont- Real De la Prairie à St
Jean il y a trois, lieues.
A trois quarts de lieiie de ce
village , on paffe une petite riviè-
re encaiffée de près de 20 piedsg
"& au fortir de là on entre dans
des prairies noyées , que l'on nom-
me Savannes , d'une lieue de lar-
geur dans cet endroit. On s'y en-
fonce jufqu'au genou dans l'eau
& dans la boue. Au defibus , le fond
en eft bon. Le refte do chemin
jufques à St. Jean eft à travers des
bois remplis de fources , qui ren-
dent le chemin prefque imprati-
cable 5 fi on ne le tient pas réparé.
Cette Savanne fe vuideroit à peu
de fraix, S on donnoit un écou-
lement à ces eaux dans la rivière
de Sainte Therefe, Se dans celle de
Soreî. Le chemin du bois s'écou-
leroit de même par cette opéra-
tion.
11 y a trente lieues de Mont-
de P Amérique Septentr, Ch, I. t^
Real à St. Jean , par eau. L'on def-
cend le fleuve St Laurent, îf
lieues, pour arriver à Sorel , où eft
rembouchure de la rivière de ce
nom. Elle eft auffi grande que la
Saône auprès de Lyon , & plus
profonde , lorfque les eaux font
hautes , dans le printems. Le cou-
rant en eit rapide. Les barques
venant du fleuve St. Laurent, re«
montent jufques dans le bafiin de
Chanibly. La direclion générale de
fon cours eft N. N. O. & fes fî-
nuofités font de l de lieue, ou
de I lieue de longueur. Elle forme
un coude confidérable à 4 lieues
de Chambly , où elle court un peu
plus au N. E. Dans fa grande cour-
bure eft fon plus grand courant
Au deffus de Chambly eft un
rapide de deux lieues. Sur^tout ini-
ques au petit village de Sainte The-
refe , la rivière eft fort plate, rem-
plie de gros cailloux. 11 faut y être
20 Mem.fur la dern. Guerre ^
bien guidé, pour ne pas échouer
fon bateau, iiu deffus de Sainte
Therefe , on la remonte à la per-
che , jufques auprès de St. Jean,
les bateau.^ VLiides. Le portage eft
de trois lieues , de St. Jean à Cham»
bly. Depuis St, Jean jnfques au
lac, la rivière eft beaucoup plus
largejfort douce3& profonde à pou-
voir porter d'aiïez gros bâtiments.
Les terres des environs de cette
rivière font très-bonnes. Celles au
deffus de St. Jean le feroient auffi ,
fî elles étoient cultivées. C'eft un
pays bas, rempli de fources , quife
noyé dans les grandes eaux ; une
partie l'eii même prefque toute
l'année. k.es fources font que cette
rivière gelé difficilement , & les
glaces en font toujours mauvaifes.
A cinq lieues au deffus de St.
Jean 5 on trouYe l'isle auxlSoix,
que les François ont retranchée en
17 )S^. La rivière autour de cette
de P Amérique Septentr. Ck. I. 2t
isle eft d'une portée de faiîl de lar-
ge , tout alentour. Les terres
& les bois des environs font
noyés, au moins deux pieds, lorf-
que les eaux font bafles. On avoit
feniié la rivière par une eilaca-
de défendue par le retranchement
de l'isle. C'eil; le feul poite capa-
ble de couvrir la colonie , dès que
l'ennemi eft maître de St. Frédéric.
11 ne peut tourner ce pofte par au-
cun endroit ni y mener de l'ar-
tillerie par terre. M. Fouchot, en
defcendant de Carillon , en 1 75 8 »
en avoit défigné la poiîtion à M.
le chevalier de Lévis. Elle peut
contenir deux à trois mille hom-
mes , dans un cas de nécefiîté.
Une lieue au deffus on trouve
quelques isles remplies de joncs;
mais la pafle eft toujours belle
pour des barques. La Prairie à
Boyieau, & la pointe au Moulin
Foucautj font les feuls endroits
%% Mêm. fur h dern. Guerre
fecs à pouvoir former des camps
avantageux.
Lorfqu'on veut entrer dans le
lac Champlain en bateau, ron
prend la droite pour gagner la
pointe au Fer ^ & de là à la poin-
te Skenonfton, d'où l'on fait la
traverfe aux isles Valcourt. L'on
peut fuivre la côte de l'Oueft ;
mais elle fait une grande fin uofité,
qui fait perdre plus de deux lieues.
Un peu au deiïus des isles Val-
court 5 dans cette côte, eft la riviè-
re au Sable. On peut mettre à ter-
re par-tout dans la première isle
Valcourt ; dans la féconde , il y a
plufieurs bons ports du côté du
large très-à l'abri. Dans ces diffé-
rentes cales , on mettroit plus de
200 bateaux. Le refte des côtes de
cette isle font des rochers efcarpés.
A 4 lieues- plus haut, eit une
cfpece de cap de rocher, où il y
a une petite ance pour deux ou
de l'Amérique Septentr. Ch. L 2 |
trois bateaux, en cas de mauvais
tems.
Vis-à-vis eft Tisle au Chapon,
li y a un petit crochet de terre ,
du coté du cap ci-deflus , fort com-
mode pour mettre à terre, & y
tenir les bateaux à l'abri. Le refte
du tour de cette isie n'eft que des
gros cailloux. On y peut cepen-
dant atterrer en fe mettant à Tabri
du vent.
Le cap dont je viens de parlei
termine les montagnes dans cette
partie la plus avancée.
De Pisie au Chapon , on va à h
pointe des isles des Qiiatre-¥ents ,
& s'il fait beau , on fait la tra-
verfe fur ces isles. En 17^*9 » le gé-
néral Amherft , voulant faire une
attaque à Plsle aux Noix, vint avec
un détachement de 5 à <^ mille
hommes camper a cette pointe ;
il y fut pris d'un coup de vent du
N. 0. qui l'y retint cinq à fix jours^
s 4 Mêm.furïa dern. Guerre
& y perdit une douzaine de ba*
teaux. La mauvaire laifon qui coiii-
îîiença alors, Tobligea de s'en re-
tourner.
Un peut camper auprès d'une
rivière qui eit dans le tond de l'an-
ce 3 auprès du rocher Fendu, dans
le b. Lette rivière prend fa fource
auprès du lac St. Sacrement. Des
partis ennemis ont quelquefois pris
cette route , pour fe porter fur le
lac Champlain.
Depuis le rocher Fendu, le lac
reflemble à une rivière , & le con-
tour des montagnes forme un joli
baflîn jufques à St. Frédéric. Le
côté de rO. ell fort montagneux;
l'mfpedion de la carte défignera
mieux la figure du pays , que les
defcriptions. 11 y a dans la partie
de !'£. plufieurs bonnes ances pour
camper.
Un fuit rarement la côte de TE.
du lac, foit en montant ou en
defcendant ;
de l Amérique Septentr. Ch.T. 2t f
defcendant ; Ton doit même obfer-
ver en defcendant de tenir la gau-
che, ou le côté O. fans quoi Toti
courroit rifque de s'égarer dans la
baye de Miflîskouit. Les bords du
lac Champlain font des grandes
plaines qui ne font point habitées.
Les terres y font très-bonnes à cul-
tiver 5 & les bois fort beaux &
propres aux condrudions de ma-
rine.
Avant la guerre les environs de
St. Frédéric étoient habités. Ce fort,
ti dans unt prefqu'isie , comme
on le peut voir dans la carte , étoit
ant redoute en maçonnerie, à la-
quelle on avoit ajouté uns en-
idntQ en pierre s fans terraffement.
Le mur de l'enceinte avoit au plus
îeux pieds d'épaiffeur. M. de Boui-
amaquefit fauter ce fort en 1759,
n fe retirant de Carillon à l'Isle
ux Noix.
Les Anglois y ont fait un fort
ToîM ni. ij
S,^ , Mém, fur la dern. Guerre
GonCdérable fur l'emplacement où
étoit un moulin à vent. C'elt un
pentagone d'environ go à loo toi^
fes du côté extérieurs tout bâti ^en
bois. Les pièces du revêtement ex-
térieur ont trois pieds d'équarriffa-
ge, liées par des corps morts, &
Tentre-deux rempli de terre battue
& un bon foOe.
Ils ont fait furies petits rochers
qui font aux environssdes redoutes,
ou blachoufes , fuivant le fyftéme
du Maréchal de Saxe. Ces rochers
forment unt efpece d'enceinte au-
tour de la place. Le plus haut peut
avoir 30 pieds d'élévation ; les re-
vers tombent en glacis, du coté de
la campagne^avectrès'-peu de terre.-
L'intervalie depuis la baye jut
ques à îa rivière , efi fermé avec
des blachoufes, à 100 toiles l'^u ne
de l'autre 5 & un retranchement en
bois entre deux. Ce pofte eft bien
plus avantagsufenieiit fitué pour
de l'Amérique Septentr. ,Ch, I. %*f
les Anglois que pour la colonie
françoife, par la difficulté qu'il
y auroit de mettre a terre des trou^
pes pour l'attaquer.
Deux lieues au àtSu^ de St. Fré-
déric, & du même côté, eft la rivière
à la Barbue. Cette rivière e il fond
de fable; fa profondeur eft de 4
Diêds dans les baffes eaux , & dans
e printemps au moins de 7. 5 on
it eft tout couvert de joncs &
^mbarraffé d'ouers très-fourrés. Il
l'y a qu'un chenal très-étroit, qui
foit découvert. La largeur de la ri-
riere eft de plus de la portée du fufîL
.e bord , du côté de St. Frédéric,
it élevé fur l'eau de plus de 43
?ieds. Le terrein en eft uni , les
ois font fi'ancs & aiTez clairs.
En remontant une lieue cette
iviere, du même côté, on ren-
ootre une montagne fort liante^
fort roide.. Le cours de cette ri-
iere eft tout à'àïi% ces m.ontagnes
B z
ig Mem.furh dern. Guerre
impraticables pour une armée. Son
cours eft de 7 à 8 lieues.
Le côté oppofé e(t une langue
de terre. Les montagnes viennent
y aboutir. Un n'y fauroit camper
un corps un peu confidérable.
La rivière de Carillon , dans cet
endroit, n'a pas plus delà portée
du fuîil de large. C'eft l'endroit
le plus étroit de cette rivière , de-
puis Carillon jufques à St. Fréde-'
rie. Ce poite ne peut être tourné,
& couvre 5t. Frédéric. Par fes der-
îieres , il a fa communication par
terre avec ce fort. Il y a une ance,.
ou baye , qui y aboutit, venant de'
St. Frédéric, par ou les bateaux
peuvent y arriver fans être vus. i
Des batteries placées dans l'anJ
glc de l'embouchure que je viens'
de décrire ,. peuvent battre le cours,
de ia rivière de Carillon jufques à
la prefqu'isle. Au deffus c'eft la
'•aiieilleiire pofition qu'il y ait dans,
de P Amérique SeptentTi Ch, I. tS
tout le cours de cette rivière, poui:
empêcher le paffage au lac Cham-
plaiu. Des bâtiments affez gros re-
montent jufques à Carillon , & les
bateaux vont jufques fous la ChuteSé
Les Anglois ont fait un chemin
par terre , depuis la Chutes jufques.
à St. Frédéric. On y pourroit me-
ner du canon. Ils ont auffi fait un.
chemin depuis Carillon jufques au
fort appelle n", 4. fitué dans la
Conneâicut. 11 peut avoir 3 5 lieues
de long , qu'ils font en 4 joursJ
Les milices qui ont rentré dans la
Nouvelle-Angleterre de leur camp
fous St. Frédéric, en Ï7f9, ont
pris cette route ; & pendant Tété
ils ont tiré par cette route les bœufs
venant de ces provinces , pour 1©
fervice de Tarmée.
Le fort de Carillon (n:) efl
(û) En anglois Ticondero^a ^ & esî
fcuvage TeaonUao^en,
B 3 ■ ■"
3o Mêm,ftir ladcrn. Guerre
%n quarré de 4^ toifes de côté
extérieur, conftruit en pièces fur
pièces de 14 à 15 pouces d'équar-
rlIFage. Les parapets ont 1 2 pieds
^'épaiffeur remblayés en terre &
cailloutage du déblai de la mon-
'tagne. Une demi4une fur la faca-
,'de de l'arête du coteau ; un foffé
-^e s h- 6 toifes de largeur , avec fou
•chemin couvert , & un glacis fur
•le derrière du fort, à l'extréaiité de
Ja butejfont fes ouvrages extérieurs,
-Il y a encore une redoute, qui com-
mande fur l'eau.
' Ce fort eft bâti fur un rocher
mî efcarpé prefque par -tout. Le
tôté le plus fufceptible d'atta-
que eft commandé par la hauteur,
jDÙ eft conftruit le retranchement,
^éloigné de 400 toifes. Auprès dj3
la place, fur le front que j'ai décrit,
il n'y a point de terre pour y ou-
vrir la tranchée, parce qu'on l'a;
«nlevée pour former le glacis.
de l'Amérique Septeiitr. Ch. I. 3 r
En occupant la hauteur dure-
tranchenient, & en ouvrantja tran-
chée dans ie bas de la rivière, on^
-pourroit former avec fuccès une
attaque , y ayant de la terre pour
fe couvrir ; & de la pointe au Dia-
mant il ett très^poffible de battre
avec de l'artillerie le fort. Ce pofte
.défend auili bien que Carillon , le
.paffage de la baye & celui, de. Ja
rivière de la Chutes; mais il ^ue
peut empêcher de fe rendre,. à. ,à.
Frédéric par terre.
Vis-à-vis Carillon eft la monta-
gne du Serpent à Sonnette, d'où
l'on peut encore battre Carilloiti
avec de l'artillerie. A l'entrée de
^îa baye, il y a un paffage à pied
affez difficile 3. dans la montagne
du Serpent à Sonnette , qui com-
munique avec le lac George ou
St. Sacrement.
. Les Anglois ont bâti un jolî
moulin à fcie à la Chutes , & conf-
B 4
^2 Jfîém. fur la dern. Guerre
truitune blachoufe à pouvoir con-
tenir 100 hommes & 4 pièces de
canon. Us ont auffi racourci ie che-
min du portage de près d'un quart
de lieue.
Le chemin efi bon & peu fuf-
€eptib!e de chicane ; c'eft un re-
vers de montagne dont la pente
cft très- douce , borné d'un côté
par la montagne du Serpent à Son-
nette 5 & de l'autre par la rivière
de la Chutes.
Avant que d'arriver à la Chutes,'
partant de Carillon, on rencon-
tre un ravin qui règne fur prefqus
tout le travers de la hauteur de
cet ifthme. Il efl; fort profond &
fort efcarpé du côté de Carillon.
A la gauche il y a un mame-
lon (a) qui bat le paffage de la
Chutes ; & fur la droite, ie rideau
C«) C'eft, je crois 3 le /no/it rfeTl/î-
de l Amérique Septenh\Qii.l. 33
commande à une rivière, &à une
ance de la rivière de Carillon,
C'e(t la meilleure pofition à oc-
cuper avec un corps d'armée ; l'an
couvre Carillon , tout le cours de
la rivière , & l'on ne peut y être
vu de revers , comme dans les re-
tranchements qui exiftent. Les An-
glois ont abattu prefque tous les
bois dans cette partie, fur la rou-
te du portage , au pied de la mon-
tagne du Serpent à Sonnette, &
fur le cap au Diamant.
£n allant au lac George par la
droite de la rivière au deffus de
la Chutes , l'on trouve la rivière
de Bernes , étroite , mais profonde
& affez difficile à paffer pour pou-
voir être chicanée. En la remon-
tant, on va gagner la coulée des
Arbres Matachés.
Le lac George n'a guère plus
d'une lieue & demie de largeur,
; fur une dixaine de longueur. Il e|l
B ?
34 Mêm.fur la dern, Giierrt
entaurfé de montagnes fort efcar-
pées, fu^tout celles de la gauche.
En allant de Carillon au fort Geor-
ge, elles font prefque impaffables
aux gens même à pied. Celles
de la droite, quoique fort mau-
vaifes, font paffables. Le détache-
ment, aux ordres de M. le cheva-
lier de Lévis,y apaffé pour aller
invertir le fort George en 1757.
. Nous avions un camp d'obfer-
vation, à l'entrée de ce lac, appel-
lé le camp de Contre- Cœur, lln'é-
toit pas bien fitué, parce qu'il pou-
Toit être tourné par les Arbres
Matachés & par le lac, C'eft l'en-
droit où les Anglois ont mis pied
à terre en 1758. Il n'étoit pas
alors occupé,
La pofition auroit été meilleur
le , fi elle eût été un peu plus en
avant, au pied de la montagne
Pelée. Un pofte fur cette monta-
gne auroit été avantageux. Ob
de l'Amérique Septentr, Ch.I. 5^
n'auroit pas pu être tourné par
terre; mais on couroitfort rifque
d'être dépaffé par le lac, à moin$
d'y avoir des bâtiments fupérieurs.
La pointe du Nord de la baye
de Ganaouské , feroit une pofition
fort bonne pour défendre le pafla-
ge de ce lac. Le camp y eft très-fur
& ne peut point être tourné. Le
lac eft fort étroit dans cette par-
tie ; en occupant avec de i'artille^.
rie les deux petites isles qui y fonÈ
tout proche, l'on peut bien croi-
fer tout le lac,
La pofition du fort George, que
"nous avons pris & détruit en 1 7 5 7^
eft dans une efpece de col. Lçs
Anglois avoient retranché le^ fon^-
mités, pour former un camp retran-
ché , crainte d'être tournés paria
baye, laquelle a un pofte de d^-
fenfe, le rocher à la Reine. ■
. Les Anglois ont commencé, en
17 )S, un fort quarré d'environ 8.0
B c
Si^ Mêm.fiirliX dern. Guerre
toifes du côté extérieur. Le bas
du rempart à plus de i8 pieds
d'épaiffeuren maçonnerie. Le para-
pet eft en pièces fur pièces, travail-
lées fort proprement, remplies de
terre de douze pieds d'épaiffeur.
11 y avoit en 17599 au mois de
Décembre,' un bâillon fini, tout
cafematé comme une redoute. Sans
doute les autres font projetés dans
le Blême goût. Au delTous , pour
protéger les ambarquements , il y
a un autre fort quarré , beaucoup
plus petit, que les Anglois ont
bâti depuis la démolition de l'an-
cien. 11 eft fait de pièces fur piè-
ces : dans le haut , une fraife qui
cft un peu penchée vers le bas ,
& une pièce de bois qui regric
tout le tour & couvre le deflus
du parapet, pour tenir lieu de cré-
neaux. La pofition de l'ancien fort
démoli eft ponfluée dans la carte.
Le chemin du portage eft ï6ï%
de P Amérique Sepîentr. Ch. I. 3 7
bon pour toutes fortes de voiture^^
I quoique le pays foit affez mon-
tueux; ce qui le rend fort favo-
I rable aux embufcades des partis que
; nous y envoyions & qui paiToient
par la baye.
Vers le milieu du portage , où
eft la hutte , il y a un petit fort
en pieux debout , pour fervir
d'entrepôt àfavoiifer les convois ^
lequel peut contenir 100 hom-
mes. A une lieue & demie de ce
fort , le chemin fuit la rivière
d'Hudfon ou d'Orans:e. Sur la
fomrnité des coteaux à une lieue
& demie au àdï, on trouve le fort
que nous appelions Lydius , & les
Anglois Edouarit
Ce fort efî un quarré d'envi-
ron 40 à 42 toifes de côté exté-
rieur , dont un côté eft fur le bord
de la rivière. Le foiïe a environ
5 toifes de largeur, peu profond.
Le rempart de la place eft partie
3 8 Mêm. fur h dern. Guerre
en terre revêtu en fauciffons, &
l'autre partie en terre revêtu en pie-
ces fur pièces. Le parapet eit en coi>
fres de bois remblayés en terre, avec
une fraife au cordon du canon, dans
les flancs & fur les pointes des
baillons. Les embrafures étoient
fermées avec des chevaux de frife»
Un petit ruiffeau coule tout le long
de ces fortifications dans la partie
inférieure de la place , qui eft com-
mandée tout le tour à la bonne
portée du canon. On y a bâti des
blachoufcs pour le couvrir, & cela
forme ainfî un camp retranché.
Dans l'isle, devant la place, eft un
mauvais retranchement auffi com-
mandé de par-tout. Il y a quel-
ques corps de cafernes.
Ces blachoufes dont nous ve-
nons de parler, font des redoutes
en bois contenant deux parties,
quarrées. (Les mieux faites font cel-
les de St Frédéric), Elles oiic ua
de l'Amérique Sepfentr, Ch. I. 3 9
;îûffe de r > pieds de largeur. Les
terres jetées en dehors font mifes
en glacis. On fait une paliffade obli-
que fur la crête. Le rez de chauf-
fée, qui eft crénelé, fert de corps de
garde. Dans la partie fupérieure ,
Iles angles du quarré répondent au
milieu des faces du quarré de def-
fous; ce qui donne un oclogone.
lll y a ordinairement des embra-
Ifures de canons dans le haut, ou-
tre les créneaux.
Le pays autour du fort Edouard,
jquoique montagneux , feroit pro-
pre à être cultivé. Le payiage en
eft aiTez riant , fe trouvant far la
foaiQiité des- terres.
La rivière n'eft point naviga-
ble 5 une lieue au delTus de ce fort,
à caufe de fa rapidité ; c'eil où elle
fort des grandes montagnes. Elle
y a une bonne portée de fufil de
largeur , & eit profonde.
A un quart de lieue au deffoiîs
40 Mêm,fur la dern. Guerre
du fort Edouard , on paOTe la ri-
vière fur un pont de bois , & le
chemin continue dans un pays bas
& marécageux , pendant une lieue.
Les deux autres lieues de là, juf-
ques au fort Millier , l'on contour-
ne le bas d'une côte dont on a
coupé les terres pour y pratiquer
le chemin. Ces terres mouvantes ,
à caufe de la rivière , ont obligé
de le couvrir de rondins, pour raf-
fermir. C'eit un travail coniîdérable.
Le fort Mûller eil un petit quar-
ré à contenir 200 hommes, bâti
partie en terre , partie en pièces fur
pièces. 11 paroît nouvellement conC-
truit, & n'étoit pas encore fini,
lorfque M. Pouchot y paflTa. 11 efl
dans un pays bas, marécageux 8c
plein de boue. On joint la rivière
à une portée de fufil de ce fort,
& c'eft là le commencement du |
chemin décrit ci-deffus.
On compte douze miUeSpdu ÎQit
de fAmériqus Sepîe'dtr. Cn. L 43
Vlùller à Saratoga ou Sarafto. A
} ne lieue & demie, avrint d'arriver
i ce fort , la rivière paffe entre
îeux collines affez élevées ia'):,
:e qui forme un bon pofte. Les
iiontagnes à droite & à gauche de
':ette vallée, font fort élevées, & les
eaux de la rivière y font belles,
; Saratoga eft à l'extrémité d'une
'.jprairie, dans un recoude de la ri-
rtiere. 11 eft bâti en terre , revêts
de fauciffons , & peut contenir
300 hommes de garnifon. Il y a
un rideau , à une portée de canoîî
du fort, qui le commande, c'eft une
jpeloufe, gravois & roches.
De Saratoga on fuit toujouts
la rivière, dans des efpeces de prai-
(a) Ceft par ce défilé, que l'infor-
tuné Bourgoyne comptoit faire fa
retraite; mais les Américains ayant
paru à la tête, il fut obligcdefigner 5
|le 16 Oclobre 1777, la capitulation
iqUe tout Is monde eonnoit.
42 Mêm. [urladern. Guerre I
ries ou pacages. L'on rencontre!
deux chutes fur cette route, jufquesi
à Stil-^x'v^arter. A la première, il y !
a des moulins a fcie. On y conf-
truifoit des bateaux. On peut arr
-river tout près de la Chutes paj:
eau , & au defibus on s'embarqupl
.tout de fuite. Il en efl: de mén>e
de la féconde.
Stil- Water efl un peu plus pe-
tit que Saratoga, & conltruit de
-niême. Ce n'eft qu'une grande re-
doute à étoile en terre , revêtue en
Jauciffons, avec un fofle de i8
pieds de largeur, fraifé. Ce fo^t
efl dans une prairie, & comman-
dé à la portée du fufîl par un ri-
deau qui l'environne , derrière le-
quel on pourroit placer 3^4 mille
hommes, ce qui rend ce pofle fort
mauvais. C'ed l'entrepôt des vi-
vres & autres effets qui montent
d'Albany , pour être tranfportés au
fort George. L'on y vient de cette
de - fJviériû'ie Sepîentr. Ch.L 4s
riîle par e^u , dans des bateaux
plats qui refîemblent à des bacs ^
& qui vont cependant à la voile,
La marée remonte jufques-ici.
Les charrois depuis ce pofte fe
font par terre , à caufe des deux
chutes 5 & quelques batures qui fe
trouvent dans le cours d;e la rivière.
■D'ailleurs elle eil; large, a un bon
courant & de la profondeur.
L'entrepôt des voitures qui char-
rient les effets de Stii-Water au
jfort George, eft un pofte appelle
Halfmund , ou la demi-iune. 11 y
avoit, en 17 î^, 400 charriots en-
tretenus pour le fervice de l'arniéf,
payés à 1 2 1. par jour , les hom-
mes & les chevaux nourris , qu'ils
fuflent employés ou non.
Depuis le fort Edouard jufques
à Stil-Water, la vallée eft ferrée,
les montagnes fort hautes , fur-
tout du côté de la Connedicuts
les penchants roides & cependant
44 Mêm. fur h dern. Guerre ■ \M
fufceptibles de culture. 11 y a un
chemin depuis le fort Edouard,
qui communique dans la Con-
neflicut & à Bofton,
Les montagnes commencent à
s'abaiiîer à Stil-Water, & le pays
à y être cultivé, llalfmund eft une
mauvaife redoute , au bout d'une
prairie , au confluent de la riviè-
re de Mohack, qui forme un de-
mi - cercle , ce qui lui a donné ce
nom.
A l'extrêaiité de la prairie, qui
peut avoir un quart de lieue , on
monte une côte affezroide, à deux
milles de laquelle on pafîe la ri-
vière des Agniers ou de Mohack,
dans un bac , demi-lieue au deiïus
de la chùce de cette rivière. Sur la
rive oppofée au bac ^ étoit une
redoute commencée en pièces fur
pieces,pour couvrir ce paOTage con-
tre nos partis. La chute de cette
rivière eft belle; elle à 75 pieds
j
ie-r Amérique Septeiifr. Ck.I. 4f
de hauteur ( a ) prefque à pied.
Le chemin, pendant deux lieoes^
bontourne dans des coteaux, pour
regagner le fond de la vallée d'Hud-
ifon. Cette partie efi très-propre à
favoriler des enibufcades.
Dès qu'on arrive au pied de la
defcente , l'on fuit toujours la ri-
vière d'Hudfon au pied des petits
coteaux, qui font allez roides. Ils
font plus élevés de l'autre côté de
la rivière.
Prefque au bout du faux-bourg
d'Orange , l'on paiïe far un pont^
un ruiffeau fur lequel il y a beau-
coup de machines. Albany , ou
Orange, eft bâti fur le penchant
d'une colline qui aboutit fur la rl-
Tîere d'Hudfon , autrement appel-
lée Albany ou Orange. Elle a, la
forme d'un triande dont la bafc
(a) Et non pas fo, comme M. de
Buffoii l'a cru. Jrlift. nat. T. H. p. %9.
4<^ Mân. fur la dern. Guerre
cft un beau quai le long de la ri-
vière , avec des jetées , ce qui
forme un joli port. Les b:îrques ;.
feoaux & goélettes , montent de la
mer à Albany , où il le fait un boa
commerce.
Au ibmmet du triangle eft une
citadelle revêtue en pierre; c'eft uti
quarré de 40 toifes de côté exté-
rieur , avec un flmple foITé d'en-
viron 20 pieds de largeur, fans
glacis. Elle eil commandée , & Ton
peut en approcher du côté du S.
par des cavités, jufques à la portée
du piftolet.
11 y a à côté de la ville un très-
bel hôpital 5 bâti en bois par le gé-
néral Loudon, où l'on pourroit lo-
ger environ i >oo malades. Les rues
d'iilbany \ont belles , larges , bien
percées & bien alignées , mais fans
pavé, ce qui les rend boiieufes.
Les maifons ïont proprement bâ-
ties à la flamande. Cette ville peut
de Mmériqus Sepfentr. Ch.I. 47.
:ontenir cinq à fix mille ames^'
brefque tous Hollandcis d'origi-
le ou Flaiiians.
Du côté du nord de la ville^ il
a un ravin profond qui prend
laiffance près de la citadelle. On
l'eft fortifié fur fes bords par un
3on foffé & une paliiïade. Le reftc
le la place eft entourré de gros
3ieux debout, de près d'un pied
le diamètre , & de 1 1 à 16 pieds
îe haut. Malgré tout cela cette.
}lace n'eft point à l'abri d'un coup
le main : de l'autre côté de la ri-
riere, il y a un chemin qui eft a(îez
)on. 11 communique d'Orange à la
Conneclicut & à Éofton.
La rivière d'Hudfon a un bon
juart de lieue de largeur , qu'elle
:onferye jufques au delà des raon-
agnes d'iffenglafs. Elle a un cou-
'ant doux, & une bonne profon-
ieur , fans prefque aucune bature.
.1 n'y a peuc-é^re point de navi-
4 s Êléni. fur la dern. Guerre
gation plus fùre ; auffi les bâdnieRts
qui montent de la Mouveile-Yorck
à Albany , n'ont ordinairement que
trois hommes d'équipage. Il y ai
prefque par -tout bon fond pour
mouiller dans l'E. ou i'O. L'on
choifit fuivant les vents.
Les rives de chaque côté font
élevées , & forment une chaîne
de coteaux couverts d'affez mau-
vaifes terres. Les habitations font
féparées les unes des autres, d'en-j
viron trois quarts de heue. Hor-
mis quelques maifons de quelques
particuliers aifés , le pays a un air
pauvre & défert , comme les mau-
vais pays dans nos montagnes d'Eu-
rope.
On trouve quelques embouchu-,
res de rivière dans le cours de cci
fleuve, qui ne paroiffent pas na-
vigables , <k quelques mauvais vil-
lages. L'on dit l'intérieur des ter-
res, le long de ces rivières, mieux.
habité ,
I
de f Amérique Septentr. Ch. I. 49
habité , fur-tout le long de la ri-
fiere Sopus. Le pays ne promet
cependant rien de beau , étant fort
montueux & rempli de gros cail-
loux ou roches détachées.
A iîx lieues au deffous d- Albany,
pn trouve deux isles qui forment
jtellement des batures fur tout le
icravers de la rivière, que les bâ*
ciments chargés ne peuvent paiïer
:|u'en pleine marée. 11 y a deux
Dafiliges , l'un allant droit fur Tisle
\q la gauche, & la contournant
ont court, c'eft le plus mauvais
)air3ge; Pautre entre Tisle de la
koite & la terre de l'Oueft , où
ft un village. L'on va droit fur
e village , retournant fur i'isle
I n'en fuite l'on cotoye.
Quoique cette navigation foit
rès -fréquentée, il y échoue ce-
pendant fouvent des bâtiments,
nais fans danger , fur de la vafe.
3n l'appelle la bature du Diable.
Ti)77ie IIL C
f I Mém. fur la dern. Guerre
C'efl: la feule difficulté remarqua-
ble que l'on rencontre dans cette
navigation, dont une curiofité eft
de voir une quantité prodigieufc
d'éturgeons qui fautent perpétuel-
lement hors de Peau pendant Tété.
A douze lieues au deifous de ce
paffage , on voit fur la droite un
grouppe de grandes montagnes,ap-
peliées Kaatshilis 5 qui s'étendent
bien avant dans le haut de la Fen-
filvanie. Ce font les plus hautes
de ces contrées , & ne le cèdent,
point à nos Alpes , excepté qu'elles*
île confervent pas de la iiQig^ Tété.
Elles font fort roides , & de fimples
rochers couverts de bois.
A une quinzaine de Heues au
delà, l'on entre dans des monta-
gnes , appellées Ifîoglas , qui fans
être bien élevées font roides pref-
que à pic dans la rivière ; ce font
généralement des chaînes de ro--
ciers couverts d'aGbz m.tavais bois,, i
de l'Amérique Septentr, Ch. L ^ ï
dont on fait un grand commer-
ce à la Nouvelle-Yorck.
I On contourne dans les finuo-
Qtés de ces montagnes l'eipace de
If. lieues. 11 y a cependant des
bouillages dans quelques racros»
pour fe mettre à l'abri. Si on ne
!s attrapoit pas , on feroit en dan-
er dans des gros tems. La rivière
" conferve toujours à-peu-près fa
îême largeur. Le courant eit affez
;)rt , ce qui fait que l'on n'y na-
igue qu'avec les marées , qui y
lontent & defcendent affez rapi-
ment. On mouille , lorfque la
larée n'eft pas favorable , ainfî
iQ dans tous le cours de* cette na-
gation, à moins d'avoir un bon
""Tit qui faiTe refouler le courant.
' Il fe forme là une féparation
e pays , que l'on pourroit appeiier
i.s pays à't:ï haut & à'tn bas. Il y
¥roit de fort bons poiles, pour
:uper la communication avec k«
■ ■ C S
i[
fi Mim, fur la dern. Guerre
pays bas & la mer. Il y a fur-tout
à l'entrée de cette gorge une petite
isle, qui barre bien la rivière & n'eft
point commandée par les terres.
A là fortie des montagnes , à la
gauche , la rivière forme une pe-
tite baye, que Ton prendroit faci-
lement pour le chenal de la riviè-
re en remontants à juger de fon
entrée dans les rochers. A la for-
tie, fur la droite^ le pays offre deux
ou trois lieues d'écors fort élevés.
Le pays ne s'ouvre pas moins
agréablement à la fortie de ce dé-
troit, & ne paroït qu'une belle
pleine avec un payfage fort riant,
bien cultivé , & couvert de niai-
fons bien bâties. La rivière a pres-
que toujours une lieue de largeur,
depuis cette fortie jufques à la
Nouvelle- Y orck.
Cette chaîne de montagnes que
Ton vient de décrire , court E. &|
O, tout le long des provinces an-j
de l'Amérique Septmtr. Gh. I. ^ S
gloifes , à- peu-près à la même dif-
tance de la mer ; elle empêche les
autres rivières de ces contrées de
communiquer de h mer avec l'in-
térieur du continent, comme on
le verra ci- après.
La feule rivière d'Hudfon procuire
une navigation avantageufe avec
l'intérieur des terres. Où finit la ma-
rée dans cette rivière , l'on trouve
fur les montagnes au delTus les
fcurces de la Delaware & de la
Sufquehana (a).
Le cours de cette rivière forme
fans contredit la plus belle entrée
de cette partie du continent de
l'Amérique , nommée Canada , qui
ipourroit communiquer par là toute
l'année avec l'Europe ; ce que l'on
ne peut pas faire par le fleuve St.
(a) Cbrervation importante, pour
juger de l'élévation & de la pente des
terres du Goiitinentde l'Amérique Sep-
tentrionale.
C 3
f4 Mem.furîadern. Guerre
Laurent. Par le moyen de la riviè-
re des Agniers , vous vous trouvez
fans aucune difficulté confidérable
au milieu des terres & des lacs.
La province de la Nouvelle-
Yorck contient , tout le cours de
îa rivière d'Hudfon , vingt milles de
chaque côté de ce fleuve , tout le
cours de la rivière des Mohacks, ou
des Agniers, & la Longue-Isle ou
Long-Island. La Nouvelle- Yorck,
ou New-Yorck , ou la Menade , eft
une fort jolie ville , dans une efpe-
€e d'isle formée par un petit bras
de la rivière d'Hudfon, qui tombe
dans le bras de mer qui féparc
la Longue-lsle de la Terre Ferme,
Les rues de cette ville font fort
larges, toutes pavées, quelques-
unes garnies d'allées d'arbres ; les
maifons font bâties à l'hollandoift,!
beaucoup en bois , & de jolie conf
trudion : elle eft riante & forl
commerçante 3 tout le monde y si
de l'Amérique Septentr. Ch. I f T
un air aile. Elle peut avoir 1 5 à
18 mille âmes.
Le grand port , qui eft du côté
qui regarde la Longue-Isle, eit tou-
jours plein de bâtiments marchands
qui partent & arrivent continuelle-
ment ; il y en a ordinairement 2^0
à 300 dans le port. II ne peut
pas y mouiller des vaiffeaux de
plus de 30 pièces de canon. Il y a
jun peu plus de fond , du côté de la
iriviere d'Hudfon. Le port de ce côté
eft cependant beaucoup moins fré-
quenté, parce que Ton n'y eft pas à
l'abri des vents de S. Lesbaturesque
l'on rencontre depuis Sandy-Houc
empêchent fans doute des bâti-
ments d'une plus grande force de
remonter cette rivière.
Il y a à New-Yorck des pilotes
côtiers , entretenus pour conduire
les navires depuis la'pafle de Sandy-
Bouc (^) jufques à New- Y orck »
(a) L'ortographe de ce. nom eft ici
C4
ii
ç^" JHém.fur la dern. Guerrt
qui font payés aOTez chèrement.
On a fait le long des quais de cette
ville des petits éperons pour fervir
de loge aux bâtiments qui mouil-
lent tout à fait à terre, & on les
décharge avec des planches ou
ponts volants.
Cette ville n'eft point forti-
fiée (a). Elle a feulement une ci-
tadelle fur la pointe de la terre des
(deux paffes. C'eft un quarré d'en-
viron foixante toifes de côté exté-
rieur, revêtu en bonne maçonne-
rie , fans foffés ni chemin couvert.
Elle eft bien munie de canons.
Au front qui eft fur la pointe
delà terre , on a conftruit fur des
félon la prononciation. Sandy-Hock
fîgnifie proprement un crochet de fa-
ble i ce qui eft relatif à la figure de
eette pointe- de terre.
(a) On doit toujours fe rappeller
que fauteur parle de l'état de ces
contrées , tel qu'il étoit dans la der-
nière guerre. j
de l'Amérique Septentr. Ch J. f 7
crans de rochers un mur de 13
pieds d'épailTeur, qui forme un re-
tranchement, & une efpece de faut
fe braye a la citadelle , dans la-
quelle il y a 90 pièces de canon
en batterie, depuis 12 jufques à
24. livres de balles. Les plate-for-
mes font toutes en grandes pier-
res plates. Ces pièces font toutes
montées fur des affûts marins. Elles
Dattent bien l'entrée du bras de mer
& une petite isle qui fert de laza-
ret pour la quarantaine.
Les bâtiments pourroient remon-
ter la rivière , en rangeant un peu
la côte de TO, & l'on pourroit
venir débarquer au deflus de la
ville, qui n'eil: fermée du côté
de terre que par des pieux de-
bout , comme Orange. Cette place
ift fufceptible d'être très- bien forti-
Rée, n'ayant qu'un front fur la terre,
^ui eft même avantageux. Il don-
le naturellement des feux croifés
f 8 Mem. fur la dent. Guerre
fur des bas-fonds qui fe trouvent
en avant, & fes côtés étant élevés
commandent fur la rivière de 30
à 40 pieds.
Les vaiffeaux de guerre ne vien-
nent qu'à Sandy-Houc ( a ) , fitué
à dix ou douze lieues au detfous
de -'New-Yorck. Le mouillage y
cft très - bon , a l'abri des vents de j
S. par des petites montagnes qui !
forment un cap. Il fe trouve là
une grande bature , qui s'étend
aiTez au large dans la mer. Klle
Tient delà Longue-Isle, & oblige
les bâtiments en entrant pour ga-
gner ce mouillage , à des précau-
tions, auffi bien qu'en fortant.
£n venant de la mer , on porte
le Cap droit fur ces petites mon-
tagnes ; après quoi Ton arrive fuir
{a) L'amiral Howe a montré, ea
3778> qu'ils pouvoient mobilier beau*
^oup plus afant.
de f Amérique Septentr, Ch. I. f 9
la pointe de fable, que l'on rafe à la
iportée du fufil , toujours la fonde
là la main. Dès que l'on a paffé cette
ipointe 5 il y a toujours bon fond,
Qiiand on veut monter la ri-
vière pour gagner l'isle des Etats ,
il y a auffi quelques détours à pren-
dre ; il faut ranger un peu la côte
de la Gerfey, fuivre celle du N-
E. de l'isle , & de là l'on tient
le milieu de la rivière jufques à la
hauteur du bras de mer j ou de la
citadelle : enfuite on eoire dans ce
bras de mer, qui efl: le port. En ve-
nant du Khode- Island à la Nou-
velle - Yorck par ce bras , l'on
trouve un petit détroits appelle
Heltgat , que Ton ne peut paiTet
qu'en pleine marée , à caufe des
courants & des tourbillons qui s'y
forment & qui jettent fur des ro-
chers. 11 eft à trois lieues au def-
fus de la Nouvelle - Yorck.
Au defflis dé l'isle des Etats,: il fe
C ^
C6 Mêmjurladern. Guerre
trouve une petite isle où il y a une
maifon de campagne. On y pour-
roit former un dépôt.
Le pays à l'Ê. d'Yorck , en al-
lant dans la Connedticut, eft rem-
pli de monticules. Tout y eft bien!
cultivé. Je n'entrerai dans aucun
détail far ces contrées. Je dirai
feulement qu'elles font toutes gé-
néralement divifées en comtés ou
fchires , que les habitations font
toutes éparfes : chacune eft de 900
arpents de terres ; elles confinent
les unes aux autres 5 en tout fens.
Les villes , ou chefs - lieux de cha-
que comté, font des amas de quel-
ques niaifons, fans avoir rien de
çonfidérable.
Lorfque le gouvernement de
chaque province levé des milices,
elles ne font fur pied que fix mois.
Ils ne, donnent les lettres aux offi-
ciers que pour ce tems , ce qui ne
leur donne pas une grande confî-
de t Amérique Septentr, Ch. 1. Cî
■S
dératioii parmi eux. Souvent tel a
été officier une campagne , qui y
retourne foldat la fuivante , enfui-
te il redevient officier, &c-
Tout le peuple de ce pays eft
clafle en compagnies de loo hom-
mes. Lorfque l'on forme des ba-
taillons , on les compofe d'un cer-
tain nombre d'hommes de ces
compagnies. Chaque habitant peut
mettre un milicien à fa place ,
qu'il ioue pour les fiK m.ois de
campagne , depuis Mai jufqoes au
1^^ Novembre. Des habitans ont
donné jufques à 80 piaPa'es à leurs
reprélentans. Qjielques uns ont af-
furé à M. Pouchot d'avoir reçu juf-
ques à IX & i <;co livres. Les mili-
ces font prefque toutes compofées
de gens loués dans ce goût.
Un pourra juger de la popula-
tion de ces pays, par le détail fui-
vant. Pendant la guerre contre le
Canada , on a levé à 2, hommes par
^2 Mém.fur la dern. Guerre
compagnies. La Nouvelle- Angle-
terre & la ConneclicLit fournif-
foient .... 7000 hoiii.
La Nouvelle - Yorck, 2900,
La Nouvelle - Gerfey, 3000,
âinfi des autres provinces pro
portîOEinellenient.
La Longue-isle a 2 , 3 , 4, &
cinq lieues de largeur, fur trente de
long. La moitié de cette isle , fur-
tout du côté de la Nouvelle- Yorck,
eft unie , très - riante . bien habi-
tée , & quoique le terrein y foit
d'un fable graveleux , elle ne laifTe
pas que d'être fertile. L'autre par-
tie eît plus montueufe & n'eft pas
auffi fertile ; on y feme peu de fro-
ment, mais beaucoup de bied d'In-
de. On y élevé beaucoup de bef-
tiaux ; ce qui fait un commerce
confidérable de falaifons, deftinées
pour les ides de l'Amérique. 11 y
a autant d'habitans dans cette isle
de P Amérique Septentr. Ch. l, 6^
feule que dans tout le Canada ( a ).
L'on ne feme pas beaucoup de
bled, dans les provinces de la Nou-
velle - Angleterre & de Connec-
ticut; mais on y élevé une quanti-
té prodigieufe de beftiaux , dont
ces pays font un grand commerce
avec les isles.
La Nouvelle Gerfey eft leur ma-
gafin à grains. Cette province eft
prefque toute dans un pays plat,
remplie de petites rivières où la
marée monte ; ce qui favorife ex-
trêmement rimportation & l'ex-
portation des denrées. On y élevé
aiiffi beaucoup de beftiaux. lly a
des mines de fer & de cuivre; on
y fabrique de l'artillerie à Tufage
{a) Cela n'eft; point vrai. M. Pou-
chot avance, dans une note manu fcri-
te , qu'il y, a près de ^oooo âmes dans
Long - h'jfid^ OU Longue- Isle. Or
dans le Canada on comproit à la fin de
laderaiere guerre plub de ^ooooames^
€4- Mêm, fur h dern. Guerre
de leurs vaiffeaux marchands. Il
n'y a aucune rivière confidérable
dans cette province , niais plu-
fieurs bons ports, fur- tout en
bois , où l'on dit que les plus gros
vaiffeaux peuvent mouiiler.
A l'égard de la rivière de Con-
nedicut , quoiqu'elle foit alFez pro-
fonde & ait un courant facile pour
la navigation , elle leur eft cepen-
dant de peu d'utilité, la marée
n'y montant guère avant dans les
terres. D'ailleurs , il y a 4 à f
chûtes, ou rapides, dont plufieurs
obligent à faire des portages.
La Delaware fert pour la naviga-
tion intérieure de la Penfylvanie.
Elle îi'eit cependant pas m'oins dif-
ficile que la rivière de Connedi-
cut , & n'a de communication avec
aucune frontière du canada , de
même que la rivière Schuilkill, qui
eft peu profonde , & a auffi plu-
fieurs rapides.
de f Amérique Septentr. Ch. I. 6"^
Dans la province de Penfylva-
ie , les gros bâtiments montent
jjufques dans le fond de la baye de
iDelaware , cinq lieues au deffoas
|de Philadelphie.
La nation des Loups defcen-
doit près des fources de ces deux
rivières, pour attaquer les habita-
tions angloiies de cette province ^
& y avoit fait beaucoup de dé-
gât 5 étant très - écartées les unes
des autres fur - tout fur les frontiè-
res des pays habités.
>'
€6 Ment, fur la dern. Guerre
CHAPITRE IL
Du jîeuve St. Laurent , depuiv
Mont 'Real jufqu'à Chouegen,
V^uoiauE le fleuve St. Lau-
rent loi t fort connu, l'on n'a ja-
mais parié que fuperficiellement de
fa navigation , depuis Mont- Kéal,
où commencent fes rapides , juf-
ques au lac Ontario. Un donnera
des détails particuliers de cette na-
vigation & des difficultés que l'on
y rencontre.
On obfervera d'abord que ce
fleuve n'efl navigable au plutôt
que vers le i ^ Avril , tems où les
glaces partent ou fondent. C'efl;
ordinairement le plein de la lune
de Mars, qui décide de cette faifon ,
de P Amérique- Sepîentr.CBÀÏ. &j
liivant qu'elle fe trouve avancée.
Les rivières commencent à gê-
er en Canada, vers le i^^ Décem-
re , quelquefois plutôt , lorsque
les vents font dans le N. O. ; mais
les glaces en général ne font bien
prifes que vers les Rois.
On peut , pendant la grande
gelée , charier depuis Québec ,
Mont -Real, juR]uesaax Cèdres^
toutes fortes de cliofes , même de
l'artillerie , fur les glaces de la ri-
vière, excepté dans les rapides
qui ne gèlent jamais. Mais dans
ces endroits on a pratiqué des
bons chemins par terre.
Ces voitures faites dans l'hyver
peuvent faire gagner quinze jours
de tems , pour la navigation des
pays d'en haut, parce que le lac
St. François ( ^ )" déprend avant le
( a ) Ce lac n'eft proprement qu'une
cxtenfion du fleuve 5 en largeur.
C8 Mhn.fur- la dern. Guerre
fleuve 5 & que dès que ce lac ef
libre 5 ce qui arrive quelquefois er
48 heures , ia navigatioîi jufquesi
Frontenac l'efl auffi, à caufe di|
la différence du clim?it. " j
De Qiîébec à Mont- Real, lii
navigation ne rencontre de diffi-
culté un peu conlidérable 5 quel(|
rapide de Richelieu, où les maréeî|
finiffent d'être fenfibles. On le re-i
monte par un vent frais. 1
Les vents étant généralement 1
plus fouvent dans le S. O. que|
dans le N. E. en Canada , cela
rend la navigation encore plus lon-
gue, pour monter en quelque en-
droit quecefoit de ces contrées,
que pour en revenir. On peut
mouiller par -tout dans le fleuve,
parce qu'on y rencontre fréquem-
ment des isles , pour fe mettre à
l'abri des vents.
Les frégates peuvent monter*
jufques àSorei, & les gros bâti-
Ide I" Amérique Septentr. Ch.II. 6'^
ents marchands jufques au pied
u rapide de Ste. Marie, un quart
le lieue au deffbus de Mont- Real.
is peuvent mouiller entre Tisle
■te. Héleine & la terre du nord.
! Les bâtiments font quelquefois
[uinze jours & même un mois , à
ttendre un vent de N. E. aOfez
rais pour refouler ce rapide. La
lavigation ordinaire de Québec
[Mont - Real fe fait avec des goue-
etes.
I Mont - Real , par fa pofition fe-
îOit fufceptibie d'une bonne forti-
ication , à caufe d'un riiiffeau Se
|d'un bas-fond qui fe trouvent entre
a montagne & la ville. Elle etl
bependant commandée à la bon*
ne portée du canon, par un ri-
deau qui eft au bas de la monta-
gne. Mais cette place étant au cen-
tre de la colonie, n'a pas befoin
d'autre fortification que l'isle.
Cette place eft ceinte d'un miir^
ye 31 é m. fur k dern. Guerre ' ^
fans terraffènicent jde $ k 4. pieds
dans le bas, réduit à 18 pouceg
dans le haut. Son deffein ne figni-
fie rien. 11 a tout au plus l'avanta-
ge de la mettre à l'abri d'un coup
de main.
L'isle de Mont - Real eft fufcep-
tible de défenfe, parce que l'on
ne peut pas y mettre à terre par-
tout , à caufe des rapides & des
courants qui fe trouvent autour
d'elle.
Sa pcfition eft admirable à cau-
fe de la beauté de Ton payfage & de
fes environs , o/ai font des plaines
très «grandes. Elle eft elfentielle ,
parce que c'eft un entrepôt nécef-
faire , à caufe du changement de
navigation du fleuve ht. Laurent
à la rivière des Outaouais ( ou la
grande rivière).
Le fécond rapide que Ton trou-
ve eft leSault St. Louis, à deux
lieues au delfus de Mont -Real. 11
de ^Amérique Septeritr. Cn.ll, 71
ure une lieue. Les voyageurs le
bgardent comme le plus mauvais
e ce fleuve , jufques à la Préfen-
ition. L'on monte les bateaux
iuides , à la côte du nord , & on
îs fait palFer avec peine dans un
igolet pratiqué auprès d'un mou-
n, qu'on appelle de la Chine, ap-
artenant aux Sulpiciens. On les
onduit à une lieue piushaut, où
on a fait un entrepôt général,
\rec des magafins , où l'on dépofc
îs effets que l'on eft obligé de fai-
i venir par terre, de Mont-iiéal
L3 vill?.ge de la Chine,
Le chemin de ce portage eft très-
lauvais , à cauie des boues, fur-
)ut dans le printems que ce font
;s plus grands charrois. Ce che-
lin auroit pu fe rendre fort bon ,
1 y pratiquant des foffés pour l'é-
3ulement des eaux. Ce défaut a
ccafionné beaucoup de fraix de
7^ Mém. fur la dern. Guerre
Toitures, des retards, & des em- !
barras coniidérables. j
Si le pays étoit plus habité, l'or I
pourroit faire un canal qui pafie|
roit de la Chine fous Mont - Kéal
par ce petit ruiiTeau qui eft entre 1(
rideau & la ville , & iroit jufquc
au deflbus du rapide bte. Marie. 1
éviteroit ce portage qui eftdetroi!
lieues.
Les bateaux dont on fe fer
pour la navigation du haut de C{
fleuve, peuvent, porter fîx milliers.
Ils font d'une cooftruclion particu.
liere , propres à réfiiier aux eifortî
que l'on eft obligé de faire er
îîiontant les rapides. Ceux que les
ânglois avoieot coortruits en der-
nier lieu, font plus grandi & plus
légers ; mais ils ne peuvent pas
foutenir cette navigation après
leurs premiers voyages. Ils font
toujours pleins d'eau, par les efforts
qu'ils font obligés de foutenir. Cens
dei
de l'Amérique Sepfentr. Ck.II. 73
ks François font d'un bien
iiîeilleur fervice. Les Anglois ne
burniffent point de voile pour
eurs bateaux , ce qui eft cepen-
iant très - effentiel dans bien des
3CCafions ; mais ils font fournis de
3onnes rames de frêne ; celles des
François ne font que de fapins très-
nal faites & mauvaifes , ce qui en
Dccaiionnoit une grande confom-
nation.
Les bateaux partant de la Chine
uivent la côte du nord , jufques à
me lieue de i'églife de la Pointe
laire. L'on monte toujours à k
3erche , à caufe des courants, qui
ont forts , fur -tout près des poin-
ts de terres.
Si l'on veut paffer par Chateaii-
2ay, Ton traverfe dans cet en-
iroit : fi l'on veut paffer à la pointe
ie rïsle Ferraut , on gagne l'égli-
"e de la Pointe Claire ; de Plsle
? erraut , on fait la traverfée aux
2'ome IIL D
74 Mêm.furïa dern. Guerre
Cafcades. il la première que l'on
rencontre , la rivière y forme une
petite chute fur toute fa largeur.
Auprès de terre, dans la partie
de rO. où eft placé le chiffre ( i )
dans la carte , il y a un rigolet
danslerocher qui forme cette chu-
te, par où paffeiit les bateaux pour
les monter. Des hommes fur le
rocher tirent à eux à bras le ba-
teau , étant dans Peau jufques à la
ceinture. De là , on le conduit à la
traîne & à la perche à une por-
tée de fuiîl plus haut, où eil un au-
tre rapide moins mauvais que le
premier.
En defcendant , on peut fauter,
lorfqu'on connoît les deux paffa-
ges, dans la côte de Ph. au delà
de l'isle. Ordinairement on vient
fauter parle rigolet, où Ton mon-
te les bateaux.
Le 3^. rapide eft le Trou, On
décharge à moitié les bateaux , & !
de t Amérique Septentr, Cmlï, 7f
on porte les effets à 150 pas an
jdefîus de cette pointe de roche.
iOii le paffe en montant le bateau
itout - à - fait contre la pointe de
Iterre , marquée ( 3 ). Il faut rete-
jnir le bateau avec une corde te-
nue par plufieurs hommes. D'au-
Itres le mettent dans l'eau jufques
jaux épaules pour le faire avancer
|& contourner cette pointe,
La rivière, embarraiTée dans ceÊ
endroit par de greffes roches fous
l'eau , fe précipite en bouillonnant
comme dans des gouifi'ês. il y en
a un fur - tout qui forme une gran-
de cavité ; à côté elt un filet d'eau
quis par fa compreffion, foime ua
dos fur lequel on paffe en defcen-
dant Si on manquoit ce paffage ,
on tomberoit dans ces gouffres,
dont bien peu réchappent 5 ce qui
lui a fait donner le nom de Trou.
|Ces différents rapides fe nomment
\ks Cafçades.
I D a
7<^ Mim.fur la dern. Guerre
A une lieue au deffbus du villa-
ge des Cèdres 3 eft une pointe de
terre où la rivière bouillonne ex-
trêmement. Il i^ut monter les ba-
teaux tout près de terre. On y
avoit pratiqué un rigolet, pour évi-
ter les grands courants; mais com-
me il n'a pas été fini , il eft fouvent
fans eau , & embarraiïe plus qu'il
n'eft utile. Ce paffage marqué (4)
& nommé le Èuijjon , eft un des
plus flitiguans pour les canoteurs
à caufe de ce manque d'eau. De là
on monte les bateaux à la perche
Jufques au deflbus des Cèdres, où
l'on débarque les effets , pour les
porter à demi- lieue par terre dans
le haut de ce village. De là , on
mené les bateaux à la traîne. Des
hommes fe mettent dans l'eau pour
les contenir; fur - tout autour d'un
moulin appartenant à M. de Lon-
gueiL Ce font des batures fort
mauvaires . parce que la rivière n'y
de f Amérique Sepfentr.CnJl. 77
a pas de profondeur , & coule fur
de gros cailloux ou rochers ; ce
qui rend ce paflage dangereux &
difficile en defcendant.
Au deiïus du moulin , il y a une
féconde bature moins mauvaife que
la précédente. Si à la place de ce
moulin , on avoit fait un petit ca-
nal en deçà de i'islot fur lequel il
eft; placé , on auroit évité bien de
ila peine aux voyageurs.
I L'endroit où eit fituée l'églife
jdes Cèdres, eft très - favorable pour
un pofte fortifié à la tête de ces ra-
pides. Le terrein y forme une for-
tification naturelle. Il s'y trouve
beaucoup de terre aifée à re-
muer (a).
(a) Les Anglois ont bâti depuis un
fort aux Cedres^ou le major Sherburne
ne put rédfter long-tems à leur atta-
que, en 17765 après la levée du ilege
'de Québec par les Américains, qui
s'étoient auparavant rendus maîtres
de ee fort.
D 3
^S Mém.furïadern. Guerre
Un camp placé en cet endroit
défendroit bien l'entrée de la co-
lonie. Les ennemis ne pouvant pas
abfoloiiient - defcendre la rivière
fous ce poite , ils feroient obligés
de le faire un paffage à travers les
bois, au moins de 4 lieues , du côté
de Vaudreuil. 11 n'eil pas à croire
qu'ils oraffent l'entreprendre , laif-
fant ce polie derrière eux.
Depuis le lieu du rembarque-
ment, on monte à la perche jufques
au portage du coteau du lac mar-
qué (O-C'eil une pointe de terre où
Teau eft fi agitée , & bouillonne fi
fortjque l'on y eft obligé de déchar-
ger les bateaux. Ce portage eft de
foixante pas.ll faut fe mettre à l'eau,
pour monter le bateau & le~ faire
tourner cette pointe.
On fait après cela une traverfe
à la rame, pour gagner une autre
pointe 3 appellée la Pointe du Dla^
bk 5 cjue Ton paffe à la traîne. Si
de l'Amérique Septenîr.CuJJ, 79
maîheiireufement le bateau s'em-
barde ( a ) à cette pointe , îe cou-
rant porte dans de gros bouillons
où l'on périt infailliblement ; ce
qui eft arrivé à des voyageurs qui
ont voulu pafler cet endroit à la
perche.
L'isle marquée ( ^ ) au deffus de
cet endroit dangereux , eft extrê-
mement avantageufe pour défen-
dre ces rapides à droite ou à gau-
che, en montant ou en defcendant
Elle eft abordable par le haut &
par le bas ; c'eft encore un des
meilleurs endroits pour défendre la
colonie. L'ennemi ne pouvant pas
fe fervir de la rivière , il lui feroit
impoffible de porter des bateaux
de là à travers les bois jufques au
(a) On appelle embarder, lorC-
que îe courant de l'eau fait virer au
large le devant du bateau. Alors on
n'eft plus maître de le retenir 3 il
faut le lailTer aller au courant.
D 4
8o Mem. fur la dern. Guerre
pied des Cafcades. Cette isle eft
bien boifee & a aiTez d'étendue.
Les bateaux vont à la perche
tout ie long du coteau du lac , & à
la rame dans quelques endroits. L©
courant eft très- fort, & la côtô
cmbarraiïee d'arbres qui font tom-
bés dans Teau. L'isle marquée ( 7 )
eft remarquable , parce qu'en des-
cendant le coteau du lac , il faut al-
ler chercher un courant qui eft
tout- à- fait contre cette isle, où
eft le paffagc pour defcendre aux
Cèdres; autrement on iroit tom-
ber dans des gros bouillons 011 l'on
périroit fans reffburce.
L'armée du général Amherft, en
defcendant àMont-Kéal, faute
d'avoir affez de guides , a perdu
dans ce paffage 80 bateaux ordi-
naires , & 4 .bateaux appelles car-
cajfieres , portant chacune un ca-
non de fonte de 12. Quand il n'y
auroit eu dans chaque bateau que
'de P Amérique Sept entr.Cu.U. §f
4 hommes pour les defcendre , ce-
la feroit au moins 336 hommes
qui auront péri.
Le lac St. François a fept lieues
de longueur, & trois ou quatre de
largeur. A l'entrée du lac, on trou-
ve Tance au Bateau fur la partie du
|N. qui eft celle que l'on fuit tou-
Ijours. On va de là à la rame, ou à la
ivoile. Deux lieues plus avant , on
Itrouve la pointe au Banc , qui ed
Ile campement ordinaire. Les tet-
|res y font bonnes, & on y feroit de
jbelles habitations.
I Si on ne s'arrête pas dans cet
endroit, il faut traverfer tout le
lac, pour trouver à camper , parce
que ce font des ances profondes ,
& le pays eft tout noyé. La Pointe
Mouillée, marquée ( 8 ) , eft une
pointe de prairie qui avance dans
Ile lac. Le pays eft rempli d'eau : on
y fait halte quelquefois.
Plus avant 3 on trouve la Pointe
D 5
s Z Mêm. fur la dern. Guerre
à la Moraîidiere , marquée ( 9 ).
C'eft une langue de terre où Pou
peut caoïper , mais avec peu de
monde , remplacement étant fort
petit. Les bois dans cette côte du
N. font des Cèdres & des Fins,
dont le pied eft toujours dans l'eau.
Tout cet intérieur des terres eft
extrêmement fourré d'arbres morts
& renverfés.
Depuis la Pointe à la Morao-
diere , l'on navige toujours dans
des joncs. Il faut obferver de tenir
toujours le N. fans trop approcher
des terres , pour trouver le bon
chenal de la rivière» On paffe de
ces joncs entre des belles isles, que|
l'on appelle des Chenaux, Au bout |
de ces isles on traverle au S. iî|
l'on veut aller à la miffion de St.
tégis , nouvellement établie par
les jéfuites, & fort peu nombreufe.
Les terres aux environs feraient ad-
ie VAmmqtie Septenîr, Ch. II. 8 3
mirables à cultiver. C'eft un très-
beau pays de cliaffe.
Vis - à - vis St. Régis , qui efl îe
côté que l'on fuit toujours , les
iterres en font fort élevées , & l'on
trouve en montant une pointe très-»
rude & double , appellée la Fomte
\ M aligne , marquée (lo). 11 faut s'y
jmettreà la Iraine. De là on gagne
4es Mille Hoches marquées (ii),
IC'eft la chute des eaux du Long
|Saut par le chenal écarté , & de la
jpafie du N. Le fleuve qui fait uîi
grand recoude dans cet endroit ^
s'y trouve embarraffé de greffes ro-
|ches. On a fait un rigolet pour
■n'être pas obligé de les contour-
ner.
A l'entrée des Mille Roches =, on
trouve le bas de l'isle , au N. de la
paiTe du S. en defcendant le Long
Saut. On peut entrer dans cette is-
ie par la partie inférieure. Cette is-
le garnie de fufiliers empêcherait
D 6
8 4 Mêm. fur la dern. Guerre
très - bien les bateaux de defcen-
dre.
Des MilîeKoches, on va au
Moulin et,marqué (12). L'on eon^
tourne deux petites isles ( l'eau y
eft très -douce), d'où l'on entre
dans un bras de rivière qui eft fort
rude. Outre Pufage des perches,
on eft obligé de fè mettre à l'eau ,
jufqaes aux épaules , pour faire
avancer le bateau. On y a pratiqué
un rigoîet pour j paffer. De là on
gagne une petite isle, à la droite,
pour arriver au pied du Long Saut.
Le Long Saut a un bon quart de
lieue de longueur dans le N. Se
trois lieues de longueur , en le def-
cendant au S. L'eau bouillonne
comme celle de la mer dans une
tempête. Quoique le courant foit
très - rapide dans la paffe du N. on
y remonte néanmoins les bateaux
à la traîne ^ avec 4 ou fix hom-
îï\es fur la corde , & deux hom-
dô P Amérique Septentr.C^.ll. 8 f
mes dans le bateau, pour le guider,
IHeureufement les courants portent
[toujours à terre. Il y a quelques
j roches dans ce courant,qui rendent
ice paffage difficile. On pourroit
les enlever & faire un chemin le
long de la côte , qui diminueroit
beaucoup la peine du tirage. On
campe ordinairement dans le haut
du Long Saut; Ce pays e(l rempli
de beaux bois francs , & feroit très-
propre à être cultivé.
La rivière au deflus du Long
Saut , a un courant fort rapidejfur-
tout aux arrêtes des terres , que
l'on rencontre fréquemment, &
où il faut toujours percher vigou-
leufement. Le n°. ( i 3 ) eit la poin-
te Ste. Marie , une des .plus remar-
quables.
Len^-C 14) eft l'isle au Chat^
remarquable , parce que c'eft fous
cette isle qu'on traverfe au S. pour
defcendre le Long Saut,
%6 Mim.fîir îadern. Guerre
Dans Pisle au deflbus^il y a
une pointe qui battroit bien avec
de rartiilerie les paffages du N.
& ,du S. & l'on y pourroit former
un camp.
Le n". ( î O eft la Pointe au
Cardinal , également remarquable
par fon grand courant; outre ce
courant , il y a des arbres tombés
du rivage, qui embarraffent beau-
coup cette navigation.
Le n°. ( î 5 ) eil le K apide Plat ,
le plus grand des courants fur ces
arrêtes; mais il n'eft dangereux
ni en montant, ni eh defcendant.
îl y a un grand remoux , qui vous
mené jufques au pied d'où l'on
monte à la perche, pour ne pas em-
barder.
Le n°. (17) ed la Pointe aux
ïroqaois. Elle n'eit pas extrême-
mentrude. C'eft un endroitremar-
^uablre , parce que Ton s'y arrête
de PAmêrlqtÂe Septenfr.Cnll. 87
prefque toujours , foit en montant s,
ibit en defcendant.
Les Galets font deux arrêtes fort
roîdes. La rivière dans tout foa
Itravers defcend en bouillonnant
On range la terre de la première
arrête, & Ton vient auprès d'u-
ne efpece de jetée de pierre , ou
l'on met à la traîne. Il faut bien
avoir attention de tenir le devant
du bateau à terre , fi l'on ne veut
pas fe laiffer emporter au courant.
Le fécond au deiïus n'eft pas tout-
à - fait auffi lon^, A la Dortée du
fufil , au deffus, eil Tance appel lée
aux Perches , parce que c'efi: là
où on les quitte. N'y ayant plus de
rapide, on n'abefoin que de la ra-
me ou de la voile. En defcendant
les Galets, on fuit les courants aiî
large.
Le n\ ( î 8 ) ? vis - à - vis cette
ance , eft l'isîe aux Galots, qui peut
avoir 70Q toifes de tour. Elle n'eft
s 8 IHem. fur h dern, Guerrs
prefque pas abordable que par le
haut fur un front de i so toifes , à
caufe que les courants fe réuniffent
au deffbus. Cette isle bat bien la
paffe du N. On l'avoit retranchée
en 1JS9'
Le n". (19)5 à côté, eft l'isle
appellée Fiqtiet , parce que ce mil-
fionnaire s'y étoit réfugié avec les
Sauvages établis à la Préfentation.
Si on avoitun camp avec de l'ar-
tillerie dans cette isle , & l'isle aux
Galots étant occupée, l'on ne pour-
roit pas defcendre la rivière.
Ce pofte elt le meilleur pour
arrêter les ennemis , pourvu qu'il
y eût du monde fuffifamment pour
garder ces isles. L'isle Piquet a une
lieue de tour. Elle n'eiî aborda-
ble que par quelquics endroits ai-
fés à défendre. On peut y arriver
par le haut & par le bas ; elle eft
bien boifée.
On peut monter & defcendre
de T Amérique Sepfenfr. Ch. IL 8 f
)ar le S. de la rivière affez com-
inodément. Cette paiTe n'eil con-
me que depuis 1719. Les Anglois
' avoient campé un détachement
ile leur armée, en 1760, lort
[u'ils ont fait le fiege du fort Lévis,
l'y a quelques petites isles entre
.'isle Piquet Se celles dont on par-
iera bientôt, qui ne font pas de gran-
le conféquence.
Le n°. (20), l'isle à la Cuiffe
un quart de lieue de tour , élevée
lans fon milieu & capable de con-
eniruncamp de 1200 hommes,
ufceptible d'être bien retranchée»
lllebat à la demi-portée du fufilja
ôte du N. & avec le fort Lévis^
léfendroit bien le paffage de toute
rivière. C'eft d'où les ennemis
voient dirigé leur principale at-
aque contfe ce fort, ils y avoient
nis 14 pièces de canon en batterie^
|vi lix mortiers ; elle commande
u moins de 34 pieds l'isle Ora-
90 Ment, fur la dey n. Guêvre
kointon , dans laquelle eft bâti li
fort Lé^k.
Le n^ ( 2 1 ) , l'isle Magdelaim
eft un peu plus grande que la pré
cédente. Elle commande auffi li
fort Lévis, & enfile toute l'isle
les ennemis y avoient mis 8 pièce!
de canon 5 8 mortiers & deux an
buts.
Le n°. ( 23 ), la pointe à h
Corne feroit fufceptible d'un bor
retranchement, pour couvrir cette
frontière , en occupant auffi l'isle
à la Cuifle & celle du fort Lé vis.
Le n'. (2â) eft la pointe à
l'Yvrogne; c'eft fur cette pointe
qu'étoit le principal camp des An-
glois, & le quartier du général Am-
herft.
Urakoioton eft une petite is-
le baffe , r.as de l'eau , dont le fort!
Lévis occupe les deux tiers. Cci
fort eft une redoute de io8 toifes,
de tour; le front où eft la porte
ie t Amérique Septentr, Cuil. ^i
ft une tête d'ouvrage à corne de
[2 toiles de côté extérieur. La
fborte eil: enfilée parfaitement par
risie à la Magdeiaine. Ces deux
(•grands côtés font inégaux. Celui
t!u N. eft le plus long, ils fontter-
Ininés par un petit flanc d'environ
I) toifes. Le derrière eft conipole de
tïols faces , comme les trois côtés
extérieurs d'un exagone.
1 Le rempart eft de 27 pieds de
jiargeur dans le bas, réduit à 18
jdans le haut , revêtu en fauciffons»
jLa hauteur extérieure du rempart
eu de 7 pieds, & l'intérieure de
onze.
On a ajouté au deffus des coffi'es
en bois,pour former un parapet de
neuf pieds de largeur dans le bas.,&
fept dans le haut ; la hauteur inté-
rieure eft de 6 pieds, il y a une fraife
entre le parapet & le rempart. Le
folle a cinq toifes de largeur (§:
deux pieds de profondeur, dont un
$^ Mém.fur h dern. Guerre
pied fous l'eau. Sur le côté de l'on
vrage à corne , ce foffe eft bord
d'une palifTade oblique attachée fu|
des corps morts avec des cheville j
en bois de peu de tenue,parce qu'el
les font peu enterrées ( fl ).
L'on a pratiqué autour de l'isle
dans la partie du N. un épaule
ment de 9 pieds dans le bas, ré
duit à 5 & 6 pieds dans le haut, il
la pointe au N. E. on a voit tait um
redoute de pièces fur pièces, de 18
pouces d'équarriffage, percées poui
cinq pièces de canon.
Le côté S. où eft le port , étoit
fermé par une paliffade , jufques
au pied du glacis, qui étoit formé
d'un chantier de bois à l'ufage du
fort.
( a ) Toutes ces fortifications ont
dû fubiiiief peu de tems. Nous
croyons même que depuis la dernière
guerre, les Anglois ont abandonné
«e fort , qui leur deveaoit inutile.
ie r Amérique Sepfentr. Cn.lL 9%
La pointe du S. O. étoit un épau-
Iment comme un parapet de che-
i[in couvert. Tout le tour de i'islc
in avoit placé un abattis de bran-
iies de têtes d'arbres,qui s'étendoit
^ pieds en avant dans l'eau. On
mitlaiffé un paffage pour abor-
sr dans le N. de 40 toifes, & tout
epuis le fort jufques au bout de
isle.
Ce fort eft auffi commandé par
ne pointe de terre dans le fud ,
ppellée Ganataragoin , éloignée
e l'isle de 450 toifes ; les ennenris
avoient placé 4 pièces de canon ,
mortiers , & deux aubuts , qui
nfiloient toute l'isle du S. O. au
î. E. Sur la même terre, à la hau-
ur de Pisie Orakointon , il y a
me petite rivière du nom de la
lointe que nous venons de nom-
|ner. £lle a aiTez de largeur & de
|)rofondeur, pendant plus d'une
ieue & demie. Si on y plaçoit une
9 4 Mém. fur la dern. Guerre
redoute & un camp, ils défen-
droient bien la partie du S. du
fleuve.
Les isles qu'on vient de décrire ,
étant occupées avec la pointe à la
Corne, font les lëuls polies foute-
nabîes à la tête des rapides. Le
courant, à la Pointe de Ganatara-
goin , eft fort & fuit cette côte.
La rivière a un bon courant,
devant l'isle Orakointon , & forme
dans le bas de cette isle un grand
remoux du côté du S. qui donne
un bon mouillage à terre. Les bâ-
timents peuvent y hyverner très-
commodément; mais il faut un
vent de N. E. bien fraix, pour leur
faire refouler le courant, qui coîîi-
mence à la pointe de Ganatara-
goin.
Les bâtiments pourroient abfo-
lument defccndre jufques fur le
front de Tisle Piquet ; mais les
mouillages n'y valent rien , & le»
i'
l'Amérique Septentr.Cn.ll. 9f
rants à droite & à gauche font
t j;s - forts.
iLa Préfentation, ou Chouégat-
c|i, eft un établi flTeaient d'iroquois,
fjrmé par M. I'abl5é i iquet , Suîpi-
cjni. On y avoir bâti un fort
carré , dont les bâtiments for-
roient les battions ; les courtines
Éjient en gros pieux debout de
j; à i6 pieds de haut. Les miffion-
ires 5 le commandant , fa petite
rnifon & le garde magafin , pour
fervice des miffionnaires établis
X le roi , occupoient les quatre
>rps de ce bâtiment. En 1759»
tte miffion , qui étoit affez nom-
eufe , fe retira dans l'isle Piquet ;
le fort fut démentelé , pour qu'il
î fervit pas de poile aux ennemis.
a miffion y étoit très - bien, parce
ae les terres y font très - bonnes à
iltiver.
On va très - avant dans les terres
ar la rivière de Chouei^atchi. L'iu-
$6 Mem.fur la dent. Guerre
térieur de ces pays eft très-pea
connu de nos Canadiens. Les Sau-
vages ne les fréquentent que pour
îa chaffe.
Il y a une bature de rochers dans
îa rivière , prefque au bout du vil-
lage fauvage , où l'abbé Piquet
avoit fait des moulins à fcie. Les
bâtiments peuvent mouiller devant
ce village ; mais ils n'y font pas en
fureté, à caule des vents , & que la
rivière eft fujette à des crues d'eau
qui entraînent des arbres.
Cette rivière a une vingtaine de
ÎLeues de cours , dont la navigation
feroit affez - belle ; le refte ne fe
peut faire qu'en canot & avec des
portages. Elle approche de la hau-
teur des terres. N os partis paffoient
quelquefois par là pour aller fur les
frontières angloifes.
Derrière le fort de la Préfenta-
tien , il y a une butte fort propre
\ de P Amérique Septentr. CnJL 97
! bâtir une ville ou un village. La
)OÛtion en eft avantageuie.
Le fleuve St. Laurent eft beau,
fe fes côtes font très - belles dans
iette partie , juiques à deux lieues
u deffus de la Pointe au Baril , foit
iîour cultiver s foit pour la clialTe
t la pêche , qui y eft très - abon-
ilante.
La rivière n'y a pas plus d'oa
0 Fi quart de lieue de largeur, 8c
pu canal efi: fort droit pendant
fnze lieues , depuis les isles au
leffus des Calots , jufquesà Tonia-
i. Elle n'eft point embarraffés
l'isles , & a une profondeur d'eau
iSez coniîdérable.
, A trois lieues au de (Tus de la
l'réfentation , dans la terre du N.
1(1 une pointe de terre appellée la
i ointe au Baril. Elle découvre bien
i rivière , & protégeroit des bâti-
lents qui y feroient en ftatioii
fOur la défendre. Un camp peut y
Tome IIL E
98 Mém. fur la dern. Guerre
être avantageufementplacé, parce
qu'à une lieue & demie plus haut,
les terres font des écors de rochers
où l'ennemi ne fauroit fe placer
en force. Ces écors continuent
jufques à l'ance au Corbeau.
Très - proche de la pointe n\
( !Z4 ) , eft une ance appellée VAîtce
à la Co?iftru&lon , depuis les bâ-
timents qui y ont été faits en
1759. Elle efl: très - commode
pour y conftruire ; l'eau fur le de-
vant eft profonde ; les bois font;
à portée ; 8c Ton y peut faire un
bon retranchement pour couvrir les
chantiers.
Une lieue & demie au deiTus de
la Pointe au Baril,eft une petite isle, \
marquée ( 2 5 ) , qui peut avoir!
500 toiies de tour. C'eftun rocher ]
fur lequel on pourroit bâtir un fort.
11 découvre la rivière depuis To- j
niata , & la croiferoit bien par fou '
artillerie. 11 y a un fort bonmouil
de P Amérique Septentr. Cn.Il, 9^
jîge dans fa partie inférieure. C'eft
itii l'on envoyoit les bâtiments on
;atîon pour obierver la rivière.
Depuis la hauteur de cette isle.
Il côte do fud du fleuve , jufques
[la baye de Niaouré, eft balle, rem^
jlie de rivières , de bayes maréca-
leufes , & de bois très - fourrés.
A cinq lieues de la Pointe au Ba-
il, eitrisiede Toniata. Le grand
tlienai de la rivière eft entre cette
ie & la terre du S. La partie du
;, de la rivière eft couverte de
jncs. C'eft où fe fait uuq fameufc
pdïQ d'anguillesdans l'été.
L'isle de Toniata ( «) a trois
Iriies de longueur, demi & un
(iart de lieue de largeur. Ses ter-
(a) M. de Frontenac avoit cédé
tte isle à mi Iroquois. Celui-ci la
ndit bientôt après, pour quatre pots
c|:au=.de~vie, à un Canadien, qui Fau-
r'it fans doute rétrocédée pour une
f îu de csftor.
E z
i
îoo 3Iêm.fur la dern, Guerre
tes font bonnes à cultiver , ainfi
que celles d'une autre isle qui ert
fituée entre la terre au N. du lleuve,
& Toniata. Cette première a une
lieue de longueur, & un quart de
lieue de largeur.
A leur extrémité fupérieure efl
un petit palFage avec peu d'eauji
rempli de joncs ; on l'appelle le Pe\
fit Détroit. C'ell le chemin quçj
tiennent toujours les bateaux er!
montant , pour éviter les courants!
On doit faire attention de m
pas s'égarer dans les petits che
iiaux qui fe rencontrent dans fe
joncs, où l'on ne trouveroit poin
d'iffue, & où l'on échoueroit fur L
vafe. L'on fait au Petit Détroit 1;
cérémonie du baptême à ceux qu
n'ont jamais monté cette rivière.
A une lieue & demie , au de);
commencent les Mille- Isles, qu
durent au moins trois lieues. C'ei
une infinité de petits rochers cou
k P/lmerîque Scptentr,CnM. loi
/erts d'arbres quilaiffent entr'eux
m chenal affez large en quelques
endroits. En d'autres, les bâtiments
paffent entre deux prefque à tou-
:her. Elles font fort faines, il y a
ou jours bon fond tout le tour ,
& très - peu de courant.
Au bouc de trois lieues , on trou-
j/e les isles plus grandes. On doit
bien faire attention à ne pas s'éga-
er. On fuit en bateau le chenal
e plus proche de la terre du N.
rà il faut obferver que plufieurs
3e ces chenaux finiffent par des
iîiarais qui font près des terres.
11 faut tourner prefque tout
ourt au N, pour entrer dans l'/in-
e au Corbeau , qui eft grande &
oelle. On paffe entre fa pointe du
B. qui eft très-étroite, & une pé-
pite isle où il y a un courant aflez
|Fort. Delà on cotoye l'isle au Ci-
tron, qui a une bonne lieue de lon-
gueur. Elle eft belle & bien boifée.
I
ïoz Menh fifr la dern. Guerre
On y fait une traverfe de deux
lieues, pour gagner Tisle Cochois.
Cette isle a trois lieues de long, &
une demie de largeur.Elle efl abon-
dante en gibier & en poiffons.
La perfpedive du bas de cette
isîe avec les isles voifines & la côte
du N. forme un coup d'oeil des
plus gracieux, paria beauté du ca^
nal. Cette partie paroît très - pro4
pre à être cultivée, Si bonne pour
la cliafTe & la pêche.
De là au fort Frontenac, il y a
trois lieues. On trouve une. baye af-
fez profonde & allez bonne, un
peu avant d'arriver à la Pointe
de Mont - Réaî , qui elt la pointe
S. de la baye de Cataracoui.
La Pointe de Mont-Kéalfe-
roit un camp avantageux. Elle n'eit
acceflîble que fur un front qui oc-
eafionneroit un grand détour a l'en-
nemi pour y arriver. C'eil une co-
te qui vient en s'^baiffant fur la
pointe.
fie l'Amérique Septefttr. Ch. IL 103
I Cataracoui, ou Frontenac(a ) ,
jétoit un fort quarré en maçonne-
irie, fans terraflement , les murs de >
115 pouces d'épaiffeur, le côté ex-
Itérieurdu quarré de 42 toifes , les
flancs très - petits , un échafaud en
bois pour terre - plein. Ce fort elt
commandé du côté de la campagne
à la demi - portée du fufil ; & les
ferres aux environs font des ri-
ideaux les uns fur les autres, qui
font autant de commandemens qui
.pmpéchent d'en faire jamais un boa
ijpofte qu'à grands fraix (6).
Le mouilîage,qui eft tout contre
le fort , y eit excellent pour les bâ-
(a') Cataraeoui eit le nom de la
oaye Frontenac, celui du fort bâti
m 167a par les ordres de M. le com-
j:e de Frontenac, enfuite abandonné,
buis rétabli, en i<59f , fuivant les in-
tentions de ce gouverneur de la Nou-
velle- France.
(b) Ce pofte n'avoit été établi
j^ue pour tenir en bride les Iroquois»
£ 4
104 Mhî.J'ur la dern. Guerre
timens & pour les hyverner. 11 y a
aufli près de l'entrée de la baye du
côté^du N. une ance propre à la
conftrudion. Le fond de cette baye
cil une efpece de marais extrême-
ment peuplé de gibier d'eau. Le ter-
rein des environs a peu de profon-
deur de terre,mais bonne à cultiver;
l'intérieur des terres efi: fort bon, |
Cette baye a le défaut de n'étrej
point fur le lac, & de ne pouvoiri
découvrir ce qui s'y pafle. La côtej
bors de la baye efl: toute de roches,
très - mal aiféea y mettre à terre, llj
faut chercher la baye du Petit Ca-
taracoui, fi l'on ne peut entrer dans
la grande baye.
Le petit Cataracoui a la mémej
ouverture que la grande Baye , &|
n'a qu'un quart de lieue de profon-i
deur. Le fqnd en efl plein de joncs.j
Cette première baye eft de confé-j
quence, parce que l'ennemi peut;
y venir mettre à terre, fans être vu!
j^ t Amérique Septentr, Cn.W. 105:
e Frontenac , & s'y porter facile-
bent, n'y ayant qu'une petite lieue;
j;e qu'a exécuté Bradllreet , eu
|[75§ , qui vint avec 4000 honi-
jnes attaquer ce fort , qui n'avoit
|[ue 50 hommes de garnifon, &
îrente voyageurs qui s'y trouvèrent
}ar hafard.
A un quart de lieue du petit Ca-
aracoui, il y a une ance large»
nais peu profonde , que l'on noni-
jne VAnce au Sable. C'eil l'endroîl:
!)ù l'on venoit le chercher pour la
lonftruftion de Frontenac.
A une lieue & demie plus loin ,'
:fl; une autre baye formée par rem-
pouchure d'une rivière. Les côtes
ïn font élevées & couvertes de
jroffes roches. Des bateaux n'y
Dourroient pas refter en fureté,
A deux Heues, en fuivant la côte
du N. de Frontenac , on rencontre
trois petites isles, appellées TonégU
gnon , défertées par les Sauvage^
E %
îo^ Mim, fur h àern. Guerre
On palTe difEcilement entre ces
iiles & celle de Tonti , à caufe d'u-
ne bature confidérable qui en tient
prefque tout le travers. On paflTe
cotre les deux petites isles qui font
N. & S. pour gagner celle de
Tonti : cette isie a trois lieues de
long, & une lieue & demie de lar-
geur en quelques endroits.
On fuit en bateau fa côte du N.
jufques prefque au bout Les bâti-
mens paiîent au large de cette. isk
en defcendant , & viennent droit
fur le petit Cataracoui. il y a un
islot de roches , couvert d'arbres ,
qu'il ne faut pas trop approcher, |
parce qu'il y a des batures , fur-l
tout dans fa partie fupérieure. I
Les bateaux font la traverfe à Ia|
€Ôte de la baye de Quinte, qui ai
une lieue -d'ouverture. On laiflel
cette baye à droite , il l'on neveutj
pas faire fon portage, qui efta
«|uiaze lieues dans le fond de cette
de f Amérique Septenîr.CïiJir j 07
baye. Ce paffage évite de faire îe
tour de la grande - prefqu'isle , qui
jî'eft pas trop bon. Ce portage eft
de près d'une lieue toujours fur da
fable.
On fiiit deux lieues §c demie la
côte de la prefqu'isle , après quoi
l'on fait la traverfe de la baye qui a
trois lieues d'ouverture &; cinq de
profondeur. On ne connoit pas fi
elle feroit propre à mouiller. La
pointe du N. eft un rocher. Tou-
te cette prefqu'ile eft remplie de
beaux bois.
A un quart de lieue de la pointe
du S.fe forme une efpece de détroit
On pafle auprès de l'isle d'Ecoui ,
jderriere laquelle il y a bon mouil-
jlage. Du côté du large du lac, il
ly a deux bancs à fleur d'eau , ap-
pelles les Goëlmis.
Toute la côte du nord du lac
ipntario forme des pointes tous
les quart ou demi-lieues , qui pro*
I E ê
I o 8 Mêm. fur la dern. Guerre
duifent des batures affez au large;'
difficiles à doubler , lorfqu'il fait ua
peu de vent. Ce font des roches
plates.
A deux lieues des Ecouis , il y
aunelînuofité de deux lieues d'ou-
verture , & de près d'une lieue de
profondeur , dont la partie du N.
eft fabionneufe , mais n'ayant pas
affez de fond pour fervir de mouil-
lage aux bâtimens. Le refte eft ro-
che plate ou galets.
A fon extrémité S. O. eftla Poin-
te aux Gravois : on y mouille.
Pendant deux lieues , la côte court
N. E. & S. O. On cotoye toujours
la Pointe aux Gravois qui eft Ro-
che plate. i
Dans le retour de cette pointe |
au S. O. & dans la partie du O.;
à la première finuofité , il y a fond'
de fable où l'on peut mouiller : Ia|
féconde fmuofité eft fond dega-^
kt 1
t Amérique Septentr.Qn IL i o^
Delà on paflela Pointe du Dé-
)ur. C'eft celle qui porte le plus
Il large : fon fond eii; de roche
late ; elle eft fort diiSciie à doû-
ler, lorfque le vent devient un
jeu fraix. Les roulins y font fort
iiauvais , à caufe du bas- fond.
On rencontre, après cette poin-
,e , de grandes finuoiités d'une dé-
lai - lieue de profondeur. Il y en a
jine , avant d'arriver à l'Ance des
punes , dont le fond a demi - lieue,
bndde fable ; mais la côte de i'O.
îft rocher , ainfî que toutes les au-
res pointes dont les ances ont
bnd de galet.
i L'Ance des Dunes a trois lieues
id'ouverture. Le vent y a formé
jdes dunes de fable , comme à Dun-
kerque,qui féparent le lac d'un ma-
rais qui a trois lieues de profon-
deur. Il eft plein de gibier d'eau.
La côte du lac jufquesà la Poin-
te de Quinte eft par -tout de ro-
1 1 o Mêm. fur la dern. Guerre
ches. Dans les raerocs qui font au:;
pointes, il y a fond de fable oi
l'on peut mouiller. Il y a auf
de bons mouillages autour de l'islj
de QiKnté ; cette isle peut avoij
trois quarts de lieue de diamètre.
Delà Pointe de Quinte, on en
tre dans une ance qui a cinq lieuei
d'ouverture jufques à la prefqu'ii.
le. La côte du fond de Tance efll
toute de iabîe.
A près de deux lieues de la preC
qu'isle, on trouve le portage du
fond de la baye de Quinte. On
doit paffer au large de cette pref-
qu'isle , parce qu'en palTant en
dedans^ on entre dans des joncs;:
êc de là , il faut faire un portage
fur du fable de 300 pas, pour req*
trer dans le lac.
La prefqu'isle de Quinte étoît
«ne isle qui a été jointe à la grande
terre par les fables & gravois que
ks ^euts de S. O. ont jetés dans
le l'Amérique Septentr.CuAl. m
] 'ance du S. O. On trouve aux en-
trons de bonnes terres. Les fonds
. ufques aux montagnes , qui font
I )eu élevées , font de très - belles
hrairies arrofées par les deux ri-
vières marquées dans la carte. Ce
3ays feroit charmant à habiter. II
f a une grande quantité de gibier
& de poiffons ; auffi eft - il conti-
luellement fréquenté par les Sau-
nages Miffifakes.
Depuis la prefqu'isle jufques à
a rivière de Ganaraské , les ter-
res fur la côte feroient plus pro-
3res à être cultivées , que tout ce
que l'on rencontre depuis Fronte-
nac. Ganaraské & la rivière au
Saumon, ne font remarquables que
parce qu'elles font fort poiffonneu-
fes.
Les Petits Ecors font des terres
coupées de 40 à 50 pieds prefque
îi pic. Elles forment des petits caps
& des an-ces ^ ou il y a dans le fonà
lis Mîêm.fur la dern. Guerre
des embouchures de rivières ou des
marécages ; on ne peut mettre à
terre que dans le fond des ances.
après avoir doublé les Petits
Icors , on rencontre une grande
aoce qui a deux lieues d'ouverture.
La rivière qui eft dans le fond pa-
loît aîTez confidérable. Son em-
bouchure eft toute couverte de!
joncs jufques dans le lac ; ce qui
cit fort rare , parce que tout le
tour elles font prefque toutes bou*
chées par des gravois qui ne laif-
fent ordinairement qu'un petit ca-
nal qui communique avec le lac.
C'eft là où Ton prend une quantité
prodigieufe de poiiïbns qui dans
certaines faifons paffent du lac dans
les rivières.
Au commencement des Grands
Ecors , il paroit une embouchure
de rivière affez confidérable. Ces
Ecors font des terres coupées pref-
que à pic de 80 à loo pieds de
<' t Amérique Septentr.CnAI. 113
iut. Ils continuent pendant cinq
■feues. Au bout de cet efpace eft une
îjointe de fabîe boifée , qui forme
Ine Frefqu'isle, & derrière une
rande baye couverte en partie de
)ncs. Les bâtimens peuvent mouil-
r dedans & yliyverner.
A la pointe de la prefqu'isle , il
a un bon mouillage, & au fond
e la baye une rivière fort propre
oor y bâtir des machines ; il fe
Hrouve de très = beaux bois de pins
ans les environs. On fait un por-
age, lorfqu'on va en canot du fond
le cette baye aux Ecors,
Le fort de Toronto eft à l'extrê-
nité de la baye , fur la côte qui eft
iffez élevée & couverte d'une ro-
:he plate. Les bâtimens n'en peu-
vent pas approcher à la portée du
canon. Ce fort ou polie étoit un
Iquarré d'environ 30 toifes de côté
lextérieur; les flancs avoient if
pieds : les courtines formaient les
114 Mém.fur la dern. Guem
bâtimens du fort. 11 étoit fait d
pièces fur pièces affez propremen
k ne pouvoit être utile que pourl
traite.
A une lieue dans l'O. du fort, c!
l'embouchure de la rivkre de Te
ronto qui eft aflez confîdérabhj
Cette rivière communique aveclj
lac Huron , en faifant un portagj
de 15 lieues, klie elt fréquenté j
par tous les Sauvages qui vienneni
du nord.
Les autres rivières qui fe ren
contrent jufques au fond du lac
paroiffent aiTez confidérables. £1
les font avantageufes, fur- tout pou:
la chaffe & la péclie.
Le fond du lac forme une bar
re en gravois de deux lieues. I
fépare le grand lac d'un petit qui
eft prefque tout couvert de joncs.
A fon extrémité eft une rivière
qui y forme une chute. Cet en-
droit eft curieux, par la quantité
? P Amérique Septentr.CnJl. î f f
e gibier d'eau qui y pafle , corn-
jie canards , farcelies , outardes ^
yes & cygnes. L'on peut les ti-
trés-faciiement à leur paffa-
je, fur les rochers de cette chute.
I Cette rivière va fort avant dans
'S terres , & communique à deux
vieres avec portage ; l'une tom-
e dans le lac Erié ; l'autre par un
ours d'une foixantaine de lieues ,
jefcend dans le lac Ste. Claire, au
elTus du détroit. Ces pays font
es - beaux & très - bons pour la
haffe. La rivière dont M, Fouchot
'a jamais pu être informé du nom,
ft fans aucun rapide Se très-navi-
able dans tout ion cours. Les
auvages ou les Canadiens que l'on
nvoye i'hy ver de Niagara au dé-
roit , prennent cette route & réf.
ent ordinairement àix jours pour
rriver d'un endroit à l'autre. Un
;ompte cent lieues par cette routt
le Niagara au détroit.
Jî6 Mém. fur la dern. Gtierre \
On trouve plufieurs rivierei
depuis le fond du lac jufques i
îviagara, où i) y a 15 lieues. Ce;
rivières fortent preique toutes di
rideau des terres que l'on nomm^
les totosqui viennent aboutira cet
îe rivière du fond du lac. L'inter-
valle entre les Côtes eftune plain^l
fort belle & bien boifée. 11 y a deî.
pins vers le grand Marais & iq
Marais aux Trois ."^ orties, à rufagei
du fort de Niagara. \
Cette efpece d'arbres efl rare
dans ces quartiers , où il n'y 2
pour l'ordinaire que des chênes de
pluiîeurs efpeces 5 des noyers ; des
châtaigniers, du bois jaune, qui
eft très - propre à la bâtiffe , pour
iambriifer. On y trouve encore
une eipece de noyer noir^fbrt beau!
pour des meubles , du hêtre , dU|
plane & de l'érable. On tire de;
ces deux derniers du fucre fort bon
& moins corrofif que le blanc/
:f,
t Amérique Septenty^Cn.lL iif
Dans la partie du N. du côté
Toronto, on trouve plus com-
unéinent du pin & du cèdre , à
lufe du voiflnage des montagnes,
lies ne font pas aufli hautes que
;s Vauges , mais couvertes de
eau bois & de bonnes terres. El-
!S ne font point froides comme
slles du côté de Carillon.
Avant 17^4, les voyageurs ne
iivoientprefque jamais dans leurs
oyages la côte du N. où il y a
;ependant plus d'abris que dans la
iôte du S. pour un nombre con-
idérable de bateaux. La route eft
m peu plus longue pour fe rendre
'.Niagara, depuis qu'on a mieux
limé fuivre cette route par le N.
quoique Chouegen n'exiftât plus.
Nous renverrons la defcriptioîi
ie Niagara au chapitre de la lielie
iRiviere , afin de fuivre la côte du
S. du lac.
la côte depuis Niag^.ra jufques
I î 8 Mêîm fur la djrn. Guerre
à la grande Rivière aux Bœufs
court £. & O. près de 24 lieues
Cette côte eft droite , fes bord
étant généralement élevés de 5c
340 pieds. Les rivières que Ton]
rencontre ne pénétrent pas bier.
avant dans les terres.
Le Petit Marais éloigné de Nia-
gara d'une lieue & demie , eft une
petite baye où il peut entrer 2 à
300 bateaux. Les Anglois y mi-
rent à terre en 1759. Les Rivières
aux Eclufes , & des Deux Sorties ,
éloignées de 5 & 6 lieues de cette
place, ne font remarquables que
parce qu'on y trouve des pins.
On voit au deffus de la Kiviere
aux Bœufs, dans les terres au det
flis des côtes, une petite montagne
qui paroît ronde , appeliée la Bu-
te à Gagnon. C'eft une marquc^^
pour connoître que l'on fe trouve^
iur le lac à la diftance de r 5 lieues
de Niagara. Lorfqu'on eft par foa
P Amérique Septentr, Ch. II. 119
tivers , les bâtimens tiennent aii-
tjiit qu'ils peuvent le large , pour
r: point dépaffer rembouchure de
1 rivière de JSiagara, que l'on
rlîpperçoit qu'après l'avoir dépaf-
fp; les bâtiments feroient fort em-
l:|rraiïës s'ils ne pouvoient pas en-
[;n Les vents de N. E. étant ordi-
niirement bien fraix, on ne trou-
^roit point d'abri depuis Niagara
[îfqu'au fond du lac, ce qui les obli-
ïjroit de fe tenir dans le N. du lac.
[ms cette navigation les coups de
nit d'O. & fur-tout de N. O. qui
rfont furieux, les jetteroient fur la
te du S.
Les côtes formant un rideau uni
t - tout , on n'a pas d'autre mar-
jeponr fe reconnoître que cette
te.
La navigation de Frontenac à
agara , avec des bâtiments , eft
iJinairementde 4, 6", ou 8 jours»
'on ne rencontre pas un vent de
120 Mém.furh dent. Guerre
N. E. qui n'y règne ordinaireniier
qu'aux phaies de lalune. Four a!
1er àt Niagara à Frontenac, on n
refte guère qu'une nuit dehors. Le
vents font prefque toujours dans 1
S. O. & fraix.
L'embouchure de la Rivière au:J
Bœufs eil bonne pour mettre à ter
re ; mais en venant de Niagara , i
faut en doubler la pointe au large |
à caufe d'une longue &: mauvaifj
bature qui e(l dans i'O. Depui
Niagara jufques à cette rivière , i
y a très - peu , & même point d'à
bri pour un nombre un peu confi
jdérable de bateaux. Depuis cetti
rivière , les côtes du lac font plu
balles. Elles tournent au S. E. S
forment des efpeces d'ances pei
profondes , d'environ une lieu(
d'ouverture.
Un peu avant d'arriver au fon
des Sables^ on trouve l'embouchu-
re de la rivière de Cafconchia-
e f Amérique Septentr, Ch.II. izx
jon. Son entrée forme une affez
grande baye, affez profonde, il fc
rouve à fon entrée une mauvaifa
lature à palier.
C'efi: la rivière de ce côté qui
itle plus long cours dans les ter-
es. lille forme trois chutes , au ri-
eau dans les cotes , prefque auf5
elles que celle de Niagara.
On entre dans le fond de la
^•yi^ des Sables , pour commencer
i navigation du Caiconchiagon.
l y a un portage de 3 lieues, qui
il: la route la plus commode. On
onnera des détails de cette navi-
ation dans un chapitre féparé,
our ne pas interrompre la det
ription des côtes du lac.
Le fort des Sables n'eft que des
unes de fable fort hautes , qui fe
•ouvent autour de la baye de ce
om. Elle a trois lieues de profon-
cur , bon fond d'eau* Depuis cet-
: baye , les terres jufques au pied
, l'orne IIL F
0
I2Z Mém. fur h dern. Guerre
du rideau des côtes , font fort baf
fes , marécageufes ; le bois en e(
fourré.
La baye des Goyogoins efl al
fez belle & profonde. Les Bou
cauts font une baye remplie depe
tites isles , ou plutôt des grande
dunes de fable couvertes de boi:
Les côtes en font à pic jufque
dans l'eau. Si cette partie étoit forj
dée, il eft à croire que l'on y troij
veroit de fort bons mouillage
pour les bâtiments , entre ces isle
Les terres des environs font élevée
&: fabîeufes ; le rideau des côtes e
c(t aifez proche.
La côte du lac efl pierreufe (
mêlée de rochers , depuis cet
baye jufqu'à Chouegen , dont noi
parlerons dans le chapitre fu
vant.
Les terres depuis Chouegen , e
defcendant toujours le lac, fo!
plus élevées , & le^ côtes du laçi
' VAmêrîqtîe Septentr. C h. îl. 125
îint généralement que des roches ,
Ifqiies à la Pointe au Cabaret. C'eft
lie pointe de rochers affez lon-
ae à pic dans l'eau , de 30 à 40
jeds de haut , qui forme le cap
jplus avancé.
à demi-lieue dans TE. de Choue-
!n , il y a une petite ance fond de
3ie,où M. deMontcalm mit à terre
fe campa,lors du iiege de Choue-
n,en 1756. Les Anglois y ont faiÇ
puis un défert ou découvert , 8c
\s des redoutes quivoyent cette
îce.
Dans cette navigation , on peut
trer en bateau dans la rivière à
Planche , en fauvage Tenfaré
hgoid , & dans celle à la Groffc
orce 5 ou CaffontacbégoncL Ces
ieres n'entrent pas bien avant
isles terres.
La rivière à la Famine ( a ) , ea
a ) Ainfî appelles depuis que M»
F Z
124- Menu fur h dern. Guerre
fauvage Keyouanouagué , enti
fort avant dans les terres , & ^
afiez près du portage de la hautei
des terres. C'eit où paffoient o
dinairement nos partis pour ail
fur cette frontière, & le long du 1
& de la rivière des Onoyotes, po
n'être pas découverts.
Depuis la Pointe au Cabaretji
ques à la rivière à M. le Comte ,
côte forme un grand arc de ceri
en fable , avec des dunes couvi
tes d'arbres. Les derrières font c
prairies marécageufes , jufques a
côtes dans lefquelles des riviei
ferpentent.
Entre la rivière au Sable & a
de la Famine , eît une petite ri^
re appeliée en fauvage Canogi
ron, La rivière aux Sables , en i
de la Barre, gouverneur du Cana
faillit perdre ^oute fon armée,en i6
fuï fes bords , par la faim , en ail
faire la guerre aux Iroquois. ' '
T Amérique Septentr. Ck.II. i 2 f
ge Bcataragarenrê, eit remar-
[lable , en ce que dans le haut de
ij branche du b. appellée Têca-
\nQtiaronefi , eit Tendroit que
Il tradition des Iroquois donne
[pur le lieu d'où ils font tous for-
t , ou plutôt, fuivant leur penfée,
:i ils font nés.
i Entre la rivière aux Sables & cel-
[à M. le Comte , eft la petite ri-
re à: Outemjjonéîa, La rivière
M. le Comte a un bon abri pour
î bateaux, à caufe d'un raccroc de
jle que fait l'embouchure de la
tnere.
On peut naviguer dans toutes
[S rivières en canot, & leurs en-
trons font de bons pays de chaffe.
Il Baye de Niaouré, ou Neyaouln^
a cinq lieues de profondeur ; il
)\ pluûeurs rivières confldérables
ii s'y déchargent. On y trouve
forts bons mouillages pour les
sitiments. Le meilleur eil entre
F 3
1.26 Mém. [tirhdern. Guerre
les islots , & cette terre prefquî
ronde , où M. de Montcalm vin!
camper avec fon armée avant d'al
1er à Chouegen.
Il paroît que c'eft le meilleui
endroit pour faire un établiffemeni
dans TE. du lac ; ce pofte ne tien;
à la terre que par une chauffée de
gravois. Le lac a affez peu de fond
pour ne laiffer approcher de la cô«
te tout au plus que les bateaux.^
31 feroit très - facile à fortifier , &
protégeroit les bâtiments au mouil-
lage. Les terres autour de la baye
font admirables pour la culture. La
pêche & la chaffe y font abondan-
te».
Il y a deux grandes rivières , pai
lefquelles on peut fe porter facile-
ment fur les routes des Anglois 2
Cliouegenj & les bien mieux obfer-
ver, qu'étant porté à Frontenac
11 y a un bon mouillage en de-
hors aux isles aux Galots , & tou-
k V Amérique Septentr.Cn.lL 127
es les commodités pour le pot
le 3 & pour favorifer la navigation
iu lac. De là on fe trouve toujours
Il portée d'aller fur la rivière de
phouegen , lorfque i'occafion le
|lemande.
Les bâtiments qui de la côte du
?. du lac , veulent entrer en rivière,
)airent entre la Grande Terre & la
:.ongue- Isle, que Ton appelle //?
7he^al delà Galette, il faut auffi
}u'ils paiTent par là pour aller à
Frontenac, ou entre l'isle à la fo-
êt & l'isle Tonti.
Les bateaux qui partent de Fron-
:enac, pour aller à Chouegen, paf-
ent entre l'isle à la Forêt & la
ongue - Isle, que Ton cotoye avec
3eine du coté du large , parce que
a lame y eil: toujours dure. Lort.
^u'il fait du vent , il n'y a pas d'a-
bri. On traverfe de là à l'isle au
[Chevreuil & à la pointe de la
3aye de Niaouré. Il y a une bonn©
F 4
î28 Mem.fiir ladern. Guerre
ance dans la partie inférieure de
l'isleau Chevreuil.
Les pointes de la Longae-Isle fur
le lac, font des roches plates ou
galets.Toutes ces isies feroient très-
bonnes à cultiver.
il y a un raccroc dans la partie
inférieure de i'isle aux Galots ,
près de terre, où l'on peut fe met-
tre à l'abri dans des gros tems. On
trouve une bature tout - à - fait fur
là pointe de TE. qu'il faut dou-
bler au large, & revenir enfuite
fur I'isle, Le mouillage y efl; très-
J)on pour les bâtiments.
^%4«-
îe té^nèrique Septentr.Cw.UL 1 2 f
CHAPITRE m.
De la communication de h rivière
de Cbouegen aux pojJeJJiQns qju
gloifes,
\^^ HOUFGEN , fuivant fa dernie-
•e eonilniciion (^), eft bâti fur
e terrain où était le fort Ontario ;
es Angiois Pont nommé de mè-
ne. C'cfi un pentagone dont le
:ôté extérieur a environ 80 toi-
( a ) Ce poite ne co nliftoit dans fou
Dtigine qu'en un hangar de traite,
]ue les Iroqiiois avoient permis aux
Aaiglois , en 1712, (le conftruire, î» fut
changé en fort . en 1727 , par Fadrelle
jie ceux-ci , qui ne ceiTerent depuis de
l'augmenter, il a voit été bâti fur le ter-
|:itoire de la France. M. le marquis
'3e Beauharnois, gouverneur du Ca^
'aada , avoit protefté contre cettf
|ufurpatioii manifeile.
■ F f ^ ' :
1 30 Mhn. fur hdern. Guerre
fes. 11 efl partie en terre revêtu de
fauciffons fur la partie du lac. Le
refte eft enquaifîe dans des pièces
de bois de près de 3 pieds d'équar-
riffage. Les parapets peuvent avoir
î 2 pieds d'épaiiîeur Le terre-plein
eft un plancher fait de groffes pou-
tres d'une quainzaine de pouces
d'équarriffage. Tous les delTous de
ces planchers forment des bâti-
ments , ou des cafemates. Le foffé
aaumoins cinq toifes de largeur.
11 y a un glacis. On n'y a point ap-
perçu d'ouvrages extérieurs. Le
fort étoitprefque fini en i7<^o.
Les Anglois ont conltruit au-
tour du fort, à la grande portée du
fufil , quatre blachoufes fort per-
fedtionnées. 11 y en a une qui voit
fur la cote dont j'ai parlé, l'autre!
fur la rivière. L'on pourroit tour-
ner le fore à la portée du canpn,
Du côté du haut de la rivière , il y
% une efpece de rideau qui con>
k f Amérique Sepfentr. Ch.IIL 131
nande le fort , où ii feroit facile
ii'ouvrir la tranchée. Le terrein va
m s'abaiffantfur le fort.
L'entrée de la.riviere de Choue-
i^en eft étroite, à caufe d'un ro-
:her fous l'eau, qui fe trouve dans le
iiilieu. Un peu au deifus , à la
3ointe des deux bancs de gravois ^
a paffe eft étroite & affez difficilev
Les Anglois y ont cependant fait
entrer des bâtiments de 22 pièces
|3e canon.
! A l'extrémité de qMq pafTe font
[deux raccrocs , qui forment deux
pfpece« de ports. Ils y mettent tous
eurs bateaux à l'abri des crues
li'eau. lis ont même fait à celui qui
l^ilibus le {oït une jetée en bois
j& en pierre , pour mieux contenir
eau & le fermer. ,
Les rapides commencent à do-
jmi - lieue du fort , au premier re-
boude de la rivière. Ces rapides font
tous gayables. On monte ks ba^
F €
j 3 2^ Mê'tîi. fur h dern. Guerre
teaux à vuide & à la perche , avee
quatre hommes dans les grands
bateaux, & deux hommes dans les
petits.
Ces grands bateaux avec leur
charge, portent jufques à 20 hom-
mes, & les petits à vuide 10
ou 7 hommes. Les Angîois ont, ou-
tre ces bateaux , des chaloupes de
pêche à la baleine, qu'ils appellent
JVoel'Eot, qui font très -légères
à la rame , mais qui ne valent rien
pour la navigation de ces rivières ,
fur . tout quand les eaux font baf-
fes: on eft fouvent obhgé defe met-
tre dans l'eau pour les traîner ; ce
qu'ils ne peuvent pas foutenir.
Le fond de la rivière eft rempli
de petites roches , qu'il faut con-
tourner ; ce qui reffemble aflez au
rapide de Ghambly ; mais la riviè-
re n'y eft pas auflî large. Les ter-
res des deux côtés en font fort éle-
vées.
ie t Amérique Septentr\Cn.\l\, 1 3 5
I 11 y a un chemiîi à talon , qui
[bit la gauche de la rivière, du côté
J3u vieux ChoLiegen , pendant trois
iieues. Les bois font fourrés. Le
|:errein eft rempli de buttes & de
bavités propres à des embufcades.
Au bout de ces trois lieues , la
iviere eft navigable ; mais pref-
pe à toutes les lieues , on trou-
i^e des recoudes où il y a des batu^-
res mal-aifécs à paOl^r. Les ba-
teaux font obligés de défiler & de
percher vigoureufement. On fe
Qiet à leau , fi le bateau embarde.
Au deffus du rembarquement ,
la rivière devient plus large , &
l'eau belle. Le pays ell pîat& cou-
vert de beaux bois. 11 y a allez de
courant fur l'arrête des finuoiités.
Chaque retour court environ un
mille , dans le même air de vent
La rivière a toujours en général fa
diredion E. M. E. liya plufieurs
ibles dans ce canal de la riviçre.
134 Mem. fur tadern. Guerre
Celle où M. de Villiers attaquai
Bradllreei, t'a à 5 lieues au deffus
de Chouegen.
iiu deflus de cet endroit, les
isles font plus communes, & on
y peut entrer à gué. On en trou-
ve tous les milles. La rivière , au
pied de la Chutes, efl remplie d'is*
les. 11 faut tenir le N. autrement
on iroit échouer.
On débarque à une bonne por*
téedefufildu portage, & on re-
monte le bateau à la perche dans
le courant, jufques au pied de la
Chutes , où il y a- un chemin fait
avec des rondins , pour tirer les
bateaux. A 100 pas au defîùs de
la Chutes , Peau eft bonne.
Les Anglois ont fait à ce portage
un fort à étoile, en pieux de 1^
pieds de haut & d'un pied de dia-
mètre. Ce fort eft commandé dans
le N. E. à la demi- portée du fufiL
Il peut contenir ico à 1^0 hom^
'e f Amérique Septentr. Ch. ÎII. 1 3 y
nés. Ils y ont conftruit quelques
jiangars , pour l'entrepôt des ef-
ets.
La rivière au deflus du portage
iift belle & large , comme celle de
j)arel , fans grand courant. Les fi-
jiuofités ont environ un quart &
jîemi - lieue de longueur. On
JTOuve trois batures jufques à la
i:buiche de la rivière des Sonnon-
bins & de Chouegen. Celle qui
|slt à demi - lieue de ce confluent
jeft la plus confid érable.
1 11 eft à remarquer que toute cet-
|te rivière n'a pas beaucoup de pro-
jfondeur ; le fond eft rempli de
jpierres plates , couvertes d'un li-
mon très - gliffant ; ce qui oblige
de ferrer les perches & les avi-
rons dont on fe fert dans cette na»
vigation,
La rivière des cinq Nations , ou
des Sonnontoins , eft belle & un
peu plus large que celle de Clioue-
1^6 3Iem. fur la dern. Guerre
gen : elle a une bonne profondeut
d'eau ; la navigation en eil fùre
jufques au bout. Cette rivière com-
munique h plufieurs lacs , & chez
les différentes nations iroquoifes-,
comme on le peut voir dans la car-
te. Les terres des environs font
fort belles , remplies de beaux bois*
On trouve à ce confluent un
fort de quatre baftions , de 40 toi-
fes environ de côté extérieur , fait
de pièces fur pièces : il y a trois
grands hangars dans ce fort, qui
eil fitué dans l'E. de la rivière. Le
pays des environs eil tout plat.
A trois lieues au deiius de ce
confluent, iiy a deuxbatures qui
ne font pas bien conlidérables.
Trois quarts de lieue avant d'arri*
Yer au lac des Onoyotes , il y a
«ne barre ,de roche plate qui ne
laiffe qu'un palfage dans le milieu
de la rivière. Il faut fe mettre à \
l'eau jufques ^ la ceinture, pour, la ;
t Amérique Scpîcntr, CiiMl. 137
(Ter. Les Anglois ont jeté des
ands arbres en travers de la ri-
vière, pour conduire l'eau dans ce
jjiflage. C'eft la plus mauvaile ba-
ijiredeîa rivière.
A l'entrée du lac , il fe trouve
icore une bature ; mais qui.fe
]ifle facilement avec un peu d'at-
ntion. Il y a un fort à Tentréede
è lac , qui fert d'entrepôt ; c'eft
p retranchement en terre, revé-
1 de fauciffons , mal - fraifé , avec
m foITé d'une douzaine de pieds
je largeur.
Les Anglois ont fait deux grands
ateaux plats , pour les tranfports
e ce lac. Les miliciens de la Nou-
elle Gerfay, à leur retour du
'anada , en 17^0 , ayant fait fou-
e fur un de ces bateaux, pour être
ranfportés des premiers , furent
>ris d'un coup de vent fur ce lac,
[ui eft mauvais, parce que l'eau
L'eft pas trop profonde. Le bâti-
138 -^^^'w. /^^ lo, dent. Guerre
ment chavira , & il périt plus d«
200 perfonnes.
Le lac des Onoyotes a huit Heuej
de longueur , deux lieues & de-
mie dans fa plus grande largeur, &
communément une lieue , & une
lieue & demie. Les deux côtés pa-
roiffent fans rivage. C'eft un paysj
bas & bordé de joncs.
Les Sauvages ne voyagent qu'en
canots d'orme dans ce lac qui
gelé tous les hyvers , & déprend en
iVlars ou au plein de cette lune. Les
glaces n'en fortent point ; ce qui
retarde un peu cette navigation.
On voit de deffus ce lac , à troiî
ou quatre lieues fur la droite , des
montagnes qui font fort hautes,
mais alTez arrondies. Ce font les
montagnes des Goyogoins.
11 y a un.e bature de fable, à l'en-
trée de la rivière d'e Woods-Orick,
On ne la paffe jamais fans que le
bateau touche. 11 faut , pour h
Je r Amérique Sepfentr.Cn.lU. 139
jaffer, aller droit fur le fort ^ &
)n retourne dans la rivière , te-
lant plus la droite que la gauche,
Surla terre de Poueil:, les An-
i^lois ont bâti une grande redoute ,
oute couverte en bois , de pièces
ur pièces: ils ont faitaudeifus un
Mâchicoulis ; c'eil un grand entre-
j3Ôt, de tout ce qui paiTe dans cet-
te rivière.
I Les bâtiments viennent charger
jdans le premier retour de la rivière,
pu l'on a bâti de grands magafins
d'entrepôt. Ce fort eft fitué dans
une prefqu'isie formée par lafmuo-
fité de la rivière.
Au fond du lac dans l'O. il y a
jtine rivière fur laquelle font des
[villages onoyotes. Sur celle qui fe
trouve dans le fond du côté de l'en-
trée du lac 5 on trouve des villages
onontagues. Celui appelle Caffou*
neta fut ravagé autrefois par M.
14^^ Mém.furla dern. Guerre
de Vaudreuil (a). Il étoit alors
fur le bord du ruiffeaii. C'eft le
village d'oii ils tirent leur nom
d'Onontagues.
La rivière de Woods -Orick
n'a pas trente toifes de largeur à
fon embouchure ; l'eau en elt très-
noire & ne vaut rien pour boire.
Cette rivière eft très-linoeufe & al-
fez profonde, pendant quatre à
cinq lieues , & a fort peu de cou-
rant. Son fond eft fable & vafe.
Ses finuofités n'ont pas plus d'u-
ne portée de fufil de longueur, &
plus on la remonte , plus elles font
courtes. La rivière eft lî étroite,
qu'un arbre renverfé la croife , &
Von pourroit la traverfer deiïus.
En 17 'y 6, les Anglois y avoient
fait un abattis d'un mille de lon-
(fl) Le premier de cette famille,
qui ait été gouverneur du Canada, &
dont la nombreufe pollérité n'a c^Sk
de rendre à l'Etat des fervices fignalés.
letAmêrigfie Septentr.Cn.llL 141
^ueur 5 pour fe couvrir contre les
n'ançois, qui avoientpris Choue-
teii. Ils l'ont rouvert avec biQU.
de la peine , quoiqu'il n'y ait d'où-
iverture que pour paiïer un bateau
Il la file, qui touche fouvent des
deuxcoté^, & traîne fouvent fur
la vafe faute d'eau.
Cette rivière eil: l'endroit le plus,
favorable pour couper aux An-
glois la conimunication avec les
îacsa par des abattis, que l'on pour-
roit faire pour boucher le lit de
cette rivière. Un chemin par terre
feroit très-lo2ig & très -difficile
à pratiquer 3 parce que ces pays
font coupés de bas = fonds maréca-
geux.
A trois lieues de la nailTance du
Woods-Orick, il y a un petit for-
tin en pieux debout, pour cou-
vrir des éclules que Ton a faites pour
retenir les eaux , & favorifer la na-
vigation des bateaux chargés. Lorf-
1 4 1 Menu fui ' la dern. Guerre
que l'on ne lâche pas les eaux , ori
fe trouve obligé de fe mettre à l'eau
pour traîner fon bateau fur le gra.
vois. 11 n'y a pas quelquefois fîx
pouces d'eau.
Ces éclnfes ne font pas aflez
bien gardées , pour que Ton ne
puiffe les rompre en même tems
que l'on feroit l'abattis. Lors que
Ton eil arrivé fur la fommité des
terres , le pays eft plein de cavités
marécageufes; les bois font four-
rés , remplis de pins.
Piufieurs rivières qui ont leurs
cours en difFérens fens , prennent
leurs fources dans ces terres éle-
vées. A un quart de lieue de là,com-
mence la rivière des âgniers , ou
de Mohack ^ qui eft plus grande
& beaucoup plus profonde que la
précédente. Ses moindres gués
font jufques au genou , près de fa
fource. Les terres des environs fe-
loient bonnes à cultiver.
f Amérique Septentr.C^lW. 145
Le fort Sténix eft bâti à une
prtée de fufil de la rivière , fur le
nchant des terres qui tombe du
té de la rivière. La pente eft fort
!3uce. On le remarque, parce que
terrein , en fortant des bois pour
itrer dans fondéfert, commande
n peu ce fort.
Ce fort eft un quarré d'environ
0 toifes de côté extérieur. 11 eftL
1 terre , revêtu en dedans & en
phors de greffes poutres , dans le
oùt de celui de Cliouegen,
En Septembre 1760 , il n'étoit
as enlierement iirii. C'eft le grand
itrepôt des Anglois , pour tout ce
ui pafle de leurs colonies fur les
es , & où ils affemblent ordinai-
îment leur armée & tous les
ateaiix employés à ia navigation
ces pays.
On eft obligé de les porter de-
ù- lieue fur des liacquets , pour
ianger de rivière. Ces hacquets
1 44 Mem. fur la derju Guerre
font deux avant - trains fort 1(
gers 5 joints enfembie parunefl^
che proportionnée à la longuei
des bateaux. "Ils fe chargent ave
huit hoaîaies,& même avec moirr
On place d'abord l'avant du batea
fur l'avant -train de devant, ei
fuite le derrière. Deux affez mai
vais chevaux mènent cette voitui
légèrement j au grand trot. 0
peut juger par là de la légèreté d
ces bateaux , faits de bois de pin
qui peuvent porter 2^^ homme
Auffiont-ils peine à finir une catî
pagne. Les Anglois cntretienner
toujours dans ce fort des voiture
pour les portages.
Depuis ce fort , la rivière eft l
peu - près de la largeur de la Sein
à Paris. Elle a un courant uni l
sflez fort , fur - tout dans les re
tours. Seslînuofités peuvent avoi
un quart & demi- lieue de Ion
gueur. Elle coule à travers unpay
i' P Amérique Septentr.Cn.llL 14?
[at & beau,pendant i 8 à 20 lieues.
In rencontre quelques batures
|ins les retours , mais qui ne font
îs bien mauvaifes. Il y a aufli quel-
les arbres qui embarraffent un
2u la navigation , fi l'on n'y fait
îs attention. Les rives de la rivie-
! font affez élevées & de bonnes
rres.
Les Anglois ont bâti un petit
rt en pieux, à -peu -près à moi-
é chemin des habitations au fort
:énix , pour mettre leurs convois,
>rs qu'ils s'arrêtent, à l'abri de nos
îrtis. lied de nulle coniîdération;
a le nomme Schûller.
A 4 à s lieues au deffus des habi-
tions qui ont été abandonnées,
1 commence à voir des rangs de
otites montagnes qui courent E*
; O. éloignées les unes des au-
es d'environ demi - lieue, filles
ennent aboutir fur la rivière , &
forment des batures. Les pre-
Tvme IlL G
146' Menu fur h dern, Guerrt
mieres habitations que l'on trou.
ve , font dix ou douze maifonj
détruites par le parti de M. Bel
leftre.
La droite de la rivière eft cou-
verte par le fort Harknian , qui
peut contenir 200 hommes, &
où il y a toujours garnifon ; c'efl
une redoute à étoile , en terre , re-
vêtue de fauciflbns , avec un foiïe
de I 5 à 18 pieds de largeur, pa-
lifTadé dans le fond & fur la berme
extérieure, avec trois ou quatre
iiiauvaifes pièces de canon fur la
rivière, il eft à une portée de fufil
d'une montagne affez haute, qui
le commande.
La vallée n'a pas plus d'un mil
le de largeur ; les habitans n'y ont
pas l'air opulent. Vis-à-vis le
fort , eft l'embouchure d'une riviè-
re qui vient de fort loin , dans les
montagnes. Elle eft aftez rapide à
fon confluent, où elle forme une ba-
t Amérique Septentr. Ch.III. i 47
•e , qui oblige les bateaux grands
:ipetits , de venir pafler fous le
: t. Les habitationsjdans ce quar-
ir , font féparées les unes des au*
t's à ne pouvoir fe protéger.
Depuis ce fort , pendant Pefpa*
(|ie deux lieues , la rivière a un
(jirantaffez fort, avec des batures
toutes les arrêtes des finuolités»
mal-aifées à pafier. On y
coue facilement ; ce qui caufe des
ries dans les tranfports.
.a chaîne de petites montagneSi,
eient plus haute dans cette par-
& l'on entre dans une efpece
^orge , dont les cotes font des
xies détachées, entremêlées de
vais bois.
deux milles en deçà de la
htes, les Anglois ont un han-
où Ton tient les voitures
OB* les tranfports Se les bateaux.
e :heoiin du portage eft dans
it\ gorge.entre les rochers,fur un
G z
î4§ Mhn, fur h dern. Guerre
fond marécageux. Il eft couver
de rondins.
La rivière coule un bon milh
entre ces rochers , & forme au bai
une petite chute, au pied de la
quelle on s'embarque fort aifénient
Le rocher de la chiite n'étant pa
fort élevé , l'eau au pied eft for
amortie. Elle y forme un fort jol
baffin , entre des rochers fort éle^
vés & à pic fur l'eau , couverts dj
bois. Il peut y avoir trois cents to:
fes du baffin , pour fortir de ce
rochers.
C'eft le meilleur pofte que l'o
puiffe avoir dans cette commun
cation; peu de monde pofté fij
ces rochers feroit en état d'arnj
ter une armée confidérable. C
endroit femble fait pour une limi
naturelle.
Le payfage change ici entier
nient, ainfi que la nature du tej
rein. En débouchant de cette mo
^e t Amérique Sepfentr.CnllL 149
agne , le pays s'élargit La vallée
environ une lieue de largeur. Le
)1 en eft très -- bon & bien cultivé :
îs habitants y font bien & commo»
ément bâtis. Leurs maifons font
près d'un quart de lieue les
mes des autres , le long de la ri-
iere , dans les terres & dans les
lîontagnes.
Ce pays eft coupé , comme le
recèdent, de petites montagnes
|[ui ont leur diredion E. & O.
yies viennent aboutir h la rivière^
forment des batures & des pe-
its rapides plus fréquents que
lans la partie haute de cette même
iviere , qui n'eft pas habitée.
La rivière fait un coude confî-
lérable , dans le pays appelle Co^
mxery. On y voit une petite ri-
[iere qui vknt des montagnes , en
lerpentant dans les terres , à - peu-
nés large comme un grand foffé.
Celle des Agniers conferve tou-
G 3
1^0 Mm. fur la dern. Guerre
jours dans fon cour« une îargeii
aiïez confidérable y & une eau lin:
pide , excepté fur les batures qu
l'on rencontre prefque de lieue e
lieue. 11 y a une autre rivière affe
belle auprès du premier village de
Agniers , qui vient de PO, Ellen
paroît pas navigable , fon cours n
venant pas de loin.
Il y a un vieux & mauvais fot
en bois , fur fon bord & au coni
fîuent des deux rivières. On trou
Te quelques habitations angloife
dans ce village ^ mêlées avec celle
desSauvageSc
A deux lieues an delTous , efll
grand village des Agniers ou Mo
hacks. il y a un fort aflez grand, di
pièces fur pièces, appelle fort i:^//«
ter. Il eft bâti fur une rivière affei
grande qui contourne ce fort, Ëlii
irient des montagnes derrière le;
fources de la Delaware. Ces deu?
lillages peuvent avoir ifo à zoc
e 1^ Amérique Septentr. Ch.III. i^t
yuerricrs. Ce font les Sauvages les
l)lus affidés des Anglois. ils font
Ile la religion proteftante.
, Depuis ce village , les monta-
gnes commencent à fe ferrer ; & à
ine lieue au deffous , ce n'eft plus
[u'une efpece de gorge, cepen-
lant habitée le long des revers des
j:ôtes„ La maifon du colonel John-
Ion 5 chargé de toutes les affaires
ris - à - vis les Sauvages , fe trou-
[e à gauche , à deux lieues au def-
jbus du deuxième village des Sau-
âges. Elle eft au fond d'une peti-
e prairie , au pacage qui vient juf-
[ues au bord de la rivière. Sur la
lartie droite de la maifon , il y a
in petit ruiffeau , venant des mon-
3gnes 5 affez profond. Cette mai-
Dn eft une efpece de château, avec
m avant -corps dans fa façade,
ouronnée d'unceintre. Elle aune
ffez grande avant - cour, avec un
iiur d'enceinte ^ deux tourrelks
G 4
J f a Mém.fur la dern. Guerre
affez hautes de chaque côté de h
porte d'entrée, du côté de la prai-
rie. Le derrière de la niaifon efi
acculé à deux niamelons de la mon-
tagne. Sur celui de la droite, il )
a une blachoufe pour couvrir un
peu le château, qui eft dominé pai
ces hauteurs , à la portée du pifto-
let. Cette niaifoa eft ifolée & bieci
fufceptible d'être infultée. Si oa
l'avoit connu , nos partis auroient
pu facilement enlever le colonel
Johnion. Frefque vis- à- vis chez
lui , dans la montagne oppofée , il
y a un chemin qui defcend dans la
vallée de la Sufquehana»
La rivière , depuis cet endroit ,
coule toujours dans une gorge.
Les finuolîtés y font plus courtes,
d'une portée de fulil, ou d'un quart
de lieue au plus. Dans toutes les arê-
tes 5 il y a peu d'eau : ce font d€s|
batures mal- aifé^s à paffer. Le;
pays n'eft point beau.
? t Amérique Septentr. Ch.III. i î î
I A une lieue de Schenedady , ou
torlack, le pays fe découvre bien,
|: n'offre plus qu'un terrein élevé,
% garni de coteaux, mais fans
lontagnes. Le payfage eft beau, &
îs terres paroiffent fertiles.
La rivière , jufques à Corlack ,'
peu d'eau , & eft remplie de ba-
jres. Au devant de Corlack, efl
ne isle en prairie , fort grande ,
armée par la rivière des Agniers ,
i une autre rivière qui contourne
refque toute la ville.
Schenedady, ou Corlack, eft
ne ville bien bâtie ; les rues en
Dnt bien percées & bâtie? à la lia-
îande. Elle peut contenir 3000
mes. ^^a pofîtion feroit admirable ^
ms une hauteur qui fe trouve de-
ant la porte d'Orange , à la petite
ortée du fufil. EU'e forme une
lontée alTez rude , à la fortie du
mxbourg. Le refte du contour de
i ville eft une prefqu'isle , élevée
G y
ïf4 Mm. fur la dern. Guerre '
furun efcarpement enterre de 4c
pieds de haut. Une rivière qu:
n'eft point goayabîe l'enveloppa
toute 5 excepté le coté d'Orange,
qui eft étroit. On voit fur les bordi
de cette rivière beaucoup de jar
dins fort jolis. La ville n'eft en.
tourée que de pieux de cèdre ianij
flancs. Elle n'a point de défenftj
contre un parti unpeuconfidérablej
On ne navige point fur la r[vier(
des Agniers, que depuis Corlaci
jufques à la chute. Elle eft extrê-
mement encailTée dans tout a
cours. De Schenedady à Albany
il y a cinq lieues, qui fe font tou-
jours par terre. Le pays eft mon
tueux & défert. On trouve feub
ment deux ou trois cabarets à mil
chemin.
Ces hauteurs font des dunei
de fable, couvertes de pins. Jufj
fjuesà Albany, le terreiii va toftj
fours en defcendant I
f Amérique Septentr, Ch.IV. i î f
Ceft à Schenedady , que fe fai*
Dienttous les bateaux à l'ufage deê
rmées qui alloient fur le lac Onta-
io. Si on en prenoit à Orange ^
n les tranfportoitfurdes hacquets
Corlack.
CHAPITRE IV.
)e h communication du lac Onîa-^
rio aux frontières angloifes 5,
par la rivière de Cafconchiagon:
L
A baye de Cafconchiagoîi l
omme on l'a dit ci- devant, fe-
3it fort bonne pour le mouiiîage
les bâtiments ; mais fon entrée eft,
jifficile, à caufe de la bature. Si le
jays étoit habité , on y pourroit
^pendant faire un palTage cam-
iode.
On entre ordinmr ement danal^
j<)6 Mêm. fur h dern. Guerre
baye du fort des Sables , pour allei
faire le portage dans fon fond, &
l'on y monte les cotes pour ren-
trer dans cette rivière. Jufques à
préfent , cette navigation n'a été
pratiquée qu'en canots d'écorce,
L'on feroit obligé d'avoir fes ba.
teaux enréferve , au delTus de ceîj
chutes (a), où l'eau fe trouve!
aflez profonde, & a un courant]
doux , pour la navigation des ba-
teaux. Cette rivière n'a de portag(
que celui marqué dans la carte, tl-
le traverfe tout le pays des cinc
>»ations, & communique avec L
Belle - Rivière par un petit la(
dont les eaux tombent en parti«
(a) Elles font au nombre de trois
îa première a 5o pieds de haut, &]
deux arp-^hs de large; la troifîeme j
lûo pieds délevation 5 & trois arpeii!!
•le largeur, la féconde eft beaucoui,
jnoins confidérable. Journ, du JPj
fiharkvoi^i T. V.p. :550, j
? t Amérique SepteJitr. Ch. IV. i f 7
ans^ Cafconchiagon , & l'autre
ans l'Ohio. Ceft fans doute un
es points de l'Amérique le plus
. evé , puifque fes eaux fe rendent
'une part dans le golfe St. Lau-
entj & de l'autre dans celui du
lexique. 11 y a auprès de ce lac
jine fource d'huile bitumineufe fort
onfidérable (a).
La quantité de lacs , la douceur
les navigations , & le peu de porta-
ges défignent bien que ce font des
)laines fort élevées ; & véritable-
nent on ne rencontre les grandes
lîontagnes qu'à niefure que l'on
s'éloigne des fources de ces rivie-
ires.
! La navigation de cette rivière
era des plus confidérables, û ces
(û) Au rapport de M. de Joncai-
e, il y a deux de ces fontaines. Les
Sauvages fe fervent de leurs eaux
pour calmer toutes fortes de dou-
leurs. Journ.cit, p. 931,
1^8 Mim, fur la dern, Guem \
pays viennent à être habités par dej
Européens. Une de fes branches j
comme nous venons de le voir^
peut communiquer avec la Belle-
Rivière ; une autre branche com.
munique avec la rivière de Ca*
neftio , par un portage d'une lieue.
Cette dernière rivière joint la Saf-
quehana , dont elle eft une bran-'
che. I
Le cours du Cafconchiagon (a)
&: du Caneflio , eft la partie la plus
habitée par les Sonnontoins , les
plus nombreux des Cinq Nations»
Tous les pays autour de ces riviè-
res font beaux Se bons , ainli que
tout celui en général qu'habitent
les Iroquois. Leurs villages font
autour des lacs. 11 s'y trouve des
prairies qui forment des payfages
les plus riants , &, des terres qui
(a) ï! a loo lieues, fuivant le ?►
P Amérique SepteutnCKÀY, i f §^
roient admirables à cultiver. C'eft
(ins le pays des Cinq Nations qu©
i trouve le plus communément la
fan te dugnufeng ( a ).
(a) On doit la découverte de cet-»
plante au P. Lafitau. Ce million*
dre fe convainquit qu'elle fe trou-
■)it en Canada. Après une aifez ion»
je recherche, il la trouva dans ce
iys. Il ne vit pas fans beaucoup de
lirprife que le mot chinois c^in-fen^
lénifie rejjemblance de l'homme , ou ^
anime l'explique le traducteur du P,
ircher, cm/Je dcChommc, parce que
' mot iroquois (jarcnt^ogum avoitla
lème fîgniiication : ormta , en iro-
uois 5 fignifie les cwifes & \çs jambes^
: oguen veut dire deux chcfesféparées, lî
ublia cette découverte, en 17 îg» dans;
ne brochure dédiée à M. le Régent^ &
our flatter ce prince, il appella cette
lante , Au^eliana Canadcnfis , Sintnji»
us gin-fine^ , Iroquϔs garentogum. M.
arrafin , médecin de Qtiébee , a voit
invoyé, en 1704, quelques-unes de
es plantes, pour le jardin du roi^
nais on ne les reconnut point alors
Paris. Elles fe trouvent dans pliii?»
1 €® 3iem.fur la dern. 6uêrr$
La nation iroqiioifc qui coni
prend fix nations , peut avoir deu:
mille hommes guerriers , fuivan
le rang qu'ils tiennent entr'elles
lavoir.
Les Onontagues. . . 3o(
Les Sonnontoins. ... 70c
Les Goyogoins. . . . 35c
Les Onoyotes. . . , 2^^
Ëeurs contrées de rArnériqueSepten'
trionale , qui font à-peu-près fous le;
menées paraileîes que la Corée, d'oi
Tient celui dont les Chinois font h
plus de cas. Le gin feng eft auiï
commun dans le pays des Illinois ;
que dans celui des Iroquois. On er
a auiîi vu dans le Mariîand, &c. Dèî
qu'on fut aiTuré que le garentoguti
étoit h^in-fcrî^ , on fe hâta de le cueil
lir. La compagnie des îndes en tranf-
porta à la Chine, & le paya d'abord
•aux Canadiens jufqu'à 96 liv. lali-
vre. Dans la fuite , il ne valut que
4 liv. & tomba dans le difcrcdit , par
les raifons qu'en a rapportées M.l'abbe
Rayïial dans fon hijîoirc phil.K^poU
des étaèOj[Jcmcns des Européens y &c.
i t Amérique Sepîsntr, Ch.IV. j^ï
les Agniers ou Mohacks, . i ç o
l^s Tafcarorins. . . . loo
'On doit juger par cet état, de la
jDpulation de cette nation. Peut-
n imaginer qu'elle fe foit autant
foibîie , depuis la fréquentation
îs Européens (a)? ^'os hido-
ms en font volontiers marcher
■s armées de 20 & lo mille hom-
es 5 qui ont fubjugué une partie
îs autres nations de l'Amérique.
]epuis ce tems, nous n'avons
]is connoiiïance d'aucun fléau par-
:ulier qui les ait détruits (6),
] pourroit donc y avoir de l'exa-
(a) On ne peut douter que les na-
1)ns fauvages n'ayent prodigieufe-
ent diminué depuis cette époque,
oyez à la fin de cet ouvrage.
(6) La petite vérole & i'eau-de-
e n'ont -elles pas été deux grands
aux pour tous. les Sauvages de ce
«^ntinent?
i6Z Mêm, fur h dern. Guerre
gération dans leurs relations («
Les bords de la rivière de Cane
tio font auffi habités par des Ab
nakis. Nous les nommons Loup.
Se les Anglois Mohaigans. 11 y
âuffi un village de Renards , c
Outugamis , qui s'y font réfugi
depuis la dernière guerre que ce
te nation a eue avec les François.
Les Loups, qui habitent les va
lées de la Sufquehana, peuvei!
mettre fur pied i^ à 1800 gue!
riers ; le feul village de Theaogcj
en a 600. Le petit village de Ti
teyonons , qui ne fournit pas fo
xante guerriers , eft allié des Irc
quois.
La rivière de Sufquehana eft m
YÎgabîe jufques auprès de fa fom
ce. £lle coule dans une belle vallél
' .1
:i
(û) Celî peut être; mais la dimi,
nution , quoique moins grande, n'ei!
fera pas mQius certain?»
'^ t Amérique Septenfr.Cu.IV. 1 6^
emplie de beaux bois francs. Dans
3Ut fon cours , elle a une bonne
rofondeur d'eau , à porter bateau
iafques au fort Schamoîdn.
La branche de i'O. de cette ri-
iere eft plutôt un torrent qu'une
iviere. Comme elle efl: envelop-
ée de montagnes fort rudes, elle
(l très -rapide. Les SauYages la
efcendent cependant en canots
ans les grandes eaux.
Depuis Schamoîdn, jufqu'à la
aye de u hefafpeheack , la Sufque-
ana a des rapides qui fe rencon-
:ent dans ces chaînes de monta-
nes qui courent £. & O. le long
es poffeflions angloifes. Le plus
lauvais eil celui de Canowega,
'es rapides font que les iinglois
i fervent peu du cours de cette
iviere , pour la navigation inté*
ieure de leurs poffeffions.
Depuis le fort de bchamokin»
'eft ia navigation la plus aifée
î^4 Mêm. fur la dem. Guerre
qu'ils ayent pour fe rendre chez Ii
Cinq Nations & fur les lacs. Ma
rinterporition des nations fauv
ges. Loups & Iroquois, les ont ce
péchés, jufques à préfent, de formi
des établiflements dans ces partie
Avant cette dernière guerre, i
en avoient pouiTé jufques aupr
de Tiieaogen , que les Sauvagi
leur ont fait abandonner , & ju
ques au deObus de la vallée de Ji
îiiata , qui eft belle & fort fertil
ils ont auffi été obligés de fe ret
rer ( a ).
(a) Les Anglois font retourne!
depuis le tems dont parle M. Poi
chot, en force , fur les rives del'Oh
& des rivières qui s'y jettent, &oi
forcé les Sauvages de les lailfer trai
quilles. Peu d'années avant la gueri
aduelle, la cour de Londres formo
le projet d'envoyer une puiifantc C(
îonie dans cette contrée. Le célebi
économifte Voung écrivit alors cor
tre ce projet, que les troubles del'/
mérique ont empêché d'exécuter.
t Amérique Sepfenir.CnN, i^f
CHAPITRE V.
]e h communication de Niagara
avec la Belle - Rivière ou Ohio ,
en anglois Alligeny , & de /'O-
hio en Penfylvanie & en Vir-
ginie.
M j E fort de Niagara eft fitué à la
ointe E. de la rivière de ce nom ^
uieft toujours le fleuve St. Lau-
snt ( a ). C'eft un triangle , qui
^rmine cette pointe. Sa bafe eft la
ête d'un ouvrage à corne de 114
(û) Ce fleuve n'eft proprement
[u'un dégorgement des grands lacs
ians la mer & la rivière de Niagara,
:elui du lac Erié dans le lac Ônta*
!:io. Il eft donc inutile d'aller cher-
:her les fources de ce grand fleuve
clans les pays iitués au N. ou au N.
O. du lac Supérieur.
ï 66 Mém,fur h dern. Guerre
toifes de côté extérieur , tout en
terre , gafonnéc intérieurement &
extérieurement, avec un foffé d'on-
ze toifes de largeur , fur neuf pieds
de profondeur, une demi -lune,
& deux petites lunettes , ou places
d'armes retranchées , avec un che-
min couvert , & glacis proportion-
né aux ouvrages. Les foffés n'ont
point de revêtement.
La place & la demi - lune font
paliffadées fur la berme. Les deux
autres côtés font un fimpîe retran-
chement , auffi en terre , gazonnés
en dedans & en dehors , de fept
pieds de hauteur en dedans , Se de
iix pieds d'épaifieur fur le fommet
du parapet , avec une fraife fur la
berme. Ces deux côtés de retran-
chements font fur une terre coupée !
de 40 pieds *de haut. La partie qui
eft fur la rivière feroit acceffibîe,
quoiqu'a.vec peine. Celle du côté ^
dulac eflplusroide. 11 nefe trou-
(it Amérique Septentr.CnN. iijrf
'dpoint de pierres autour de Nia-
r;|a.Il faut les apporter du pied des
^jtes ou Platon. 11 s'y trouve
[{! carrières de grès détachés ,
rs- propres pour toutes fortes de
fijçopinerie ; mais on n'y décou-
j| pas de la pierre de taille. Avant
1^9 , on avoit toujours été obli-
;|d'apporter la chaux à l'ufage du
:|t de Frontenac. M. Pouchots
ciiimandant à Niagara , en décou-
i|: de la fort bonne dans le haut
(| côtes. On doute que les hn--
is la connoiffent. Ils font obli-
de faire venir la chaux de
ouegen. On pourroit bâtir une.
e avec ces carrières*
1 y a une bature fur le devant
jfort, laquelle porte un boa
jirt de lieue dans le lac. Il n'y
|it paffer deffus que des bateaux,
intrée de la rivière eit difficile,
ind on ne la connoît pas, à
fe de la bature & d'un courant
t^8 Mêm,ftirïadern, Guerre
confidérable de la rivière. Celu
ci TOUS jette dans un remoux, q
vous mené échouer fur la batur
Ce paffage eft bien défendu p
l'artillerie de la pointe du fori
parce que les bâtiments ne refo;
lent qu'avec peine ce courant, q
fe trouve fous les batteries du foi
On eft même fouvent obligé c
jeter à terre un grelin , pour fe fai:
haler , jufques au mouillage qi|
cft à un platon de fable , fous
milieu du fort. Les bâtiments
mouillent à toucher terre , & il
auroit affez de fond pour un vai
feau de guerre.
Le paflage par Niagara eft
plus fréquenté de ce continei
de l'Amérique, parce que ceti
langue de terre communique à tro
grands lacs , & que la commodit
du voyage y fait paOTer tous le
Sauvages , dans quelque endro
qu'ils veuillent aller. Niagara :
U'OU\
V Amérique Septentr.Cu.l^, i €^
tpuve comme le centre du com-
merce des Sauvages avec les Euro-
]jiens ; auffi s'y rendoient- ils vo-
liitiers de toutes les parties de ce
intinent.
Les bâtiments ne peuvent pas
rverner dans la rivière de Niaga-
parce qu'elle charie conti-
tiellement des glaces qui Ykn--
nt du lac Erié , depuis le mois
Décembre jufqoes au commen-
cment de Mars. On ponrroit ce-
ndant leur faire un port ou ua
ri dans le côté de Touelt , à la
pinte à Mafcoutin.
Lariviere.depuis fon embouchu-
, jufques à trois lieues au déf-
is à rendroit nommé le Platon ,
(inferve toujours un canal d'envi-
n 40© toifes de largeur , le cou-
nt afiez doux , & une profon-
:ur d'eau à pouvoir porter des
ïgates quiremonteroient jiifques
il Platoo5& mouilleroient par-touè
Tome JIL II
1 70 Mém, fur la dern. Guerre
dans ce trajet. Elle forme trois fî
îiuofités dans ce cours, d'une lieu
chacune ; ce qui offre un beai
coup d'œil à Niagara. La rivier
coule pendant trois lieues , entr
deux rochers prefque à pic de
à 300 toifesde haut, avec une;
grande rapidité qu'elle n'y eft poir
navigable , depuis le Platon ju:
ques au baffia fous la chute.
Demi4ieue au delTus de la chi
te, la rivière, qui après de dem
lieue de largeur , n'eft qu'un coi
rant très - fort. Elle defcend e
bouillonnant jufques à fa chute , 0
elle fe précipite à pic 140 pieds
fur un banc de roche très -du
Sa largeur eft d'environ 5; 00 to
fes. La cime de cette gerbe d'ea
forme un arc fort ouvert, aux deu
tiers de laquelle on voit une petit
isle boifée, qui femble toujoui
devoir être bientôt engloutie ici
( a j Le P. Cliarlevoix aiTure que c
fe t Amérique Sèpfentr.C^.Y. I7t
Au bas de la chute , la rivière
orme un grand baffin entre ces
ochers , où l'eau eft fi amortie ,
|ue l'on pourroit y aller en bateau.
3u pied de cette chute , les eaux
ejailiident près de 40 pieds de
laut; ce qui y fait comme unpa-
ement de glace.
On trouve fouvent fur les riva-
es de ce baffin , des poiffons^ des
lurs, des chevreuils 5 des oyes,
ies^ canards 3 ou autres oifeauxqui
; font tués en fe précipitant 5 ou
uifont entraînés par l'eau ou le
curant d'air de la chute. Leê Sau-
ages en font une récolte.
il y a on chemin de voitures, de
;lot eft fort étroit, & a un demi-
iiart de Heue ds iong. li ajoute que
iufîêurs écueiis femés qà & là, à cô-
î & au deiîus , ralentirent beaucoup
t courant fupérieur. On voit ds pa-
sils islots,ou rochers couverts de
ois , à la chute du Rhin , à LaulfeH,
H a
"ê 7 2 Mêm. fur la dern. Guerre
Niagara au Platon ; mais on y va
communément par eau , pendant
l'été. L'hyver, on eft toujours obli-
gé d'y aller par terre, à caufe des
glaces. Le chemin du Platon au
fort du portage efl auffi de trois
lieues, que l'on fait en trois heu-
res. Comme il eft à travers de!
bois , il eft quelquefois boueux.;
S'il étoit bien entretenu , il feroil!
fort beau.
Il y a au bas des Côtes ou du Pla-
ton, trois hangars, pour fervii
d'entrepôt aux effets tranfportés
Le rivage où on les débarque
bien 6© pieds d'élévation, il ef
très - difficile , parce que Pon n'y i
jamais rien fu faire pour la com
niodité des débarquements.
Les Côtes font trois rideaux
dont la hauteur , depuis le Platon
au delTus des Côtes, égale tout a
plus celle de Meudon & n'eft pa
plus roide. Il y a deux cheiuifi
'e t Amérique Septentr. Ch. V. 1 7 J
lour les monter ; l'un pour les
t^oitures , qui allonge d'un quart
le lieue. Il a deux rampes affez
jlouces. L'autre eit un chemin à
alon qui defcend ces côtes tout
Iroit. Celui - ci eft fort roide ; les
royageurs. Se autres qui portent
les fardeaux, paffent toujours par-
à. L'on ne refte jamais , cepen-
lant , demi-heure pour le monter.
1 y a un hangar d'entrepôt fur le
laut des côtes.
Le mémoire de M. Belin donne
et endroit comme feroit un des
îijBSciles paffages des Alpes, tan«
lis que le dellus , & le bas de cette
:ôte font des plaines immenfes.
Le fort du portage n'étoit qu'u-
le enceinte de pieux debout On
f avoit bâti des hangars pour les
iranfports , & des bâtiments pour
:eiervicedu fort; c'eft à ce polie
jjue fe font les embarquements
pour k lac £rié. Depuis cet co*
H 3
Î74 Mém.furla dern. Guerre
droit 5 la rivière n'eft pas navigable
plus d'un quart de lieue , encore
faut -il prendre beaucoup de pré-
cautions 5 pour n'être pas entraîné
par le courant de la chute. Le ter-
rein autour de ce fort eft uni &
très- bon. Cet endroit eil: fufcep-
tible d'y faire tel ouvrage que l'on
voudroit
Dans le côté O. de la rivière ,
à la hauteur de ce fort , il y a une
jolie petite rivière, appeliée Cbe^
nondac , dont les bords portent de
très -beaux bois. C'eft là où on
les prenoit pour la conftruâion des
bateaux de cette navigation ; ainfi
q!îe les planches & madriers à l'u-
fage des forts.
Il faut de l'attention pour arri-
ver î&fortir» du Chenondac. Après
avoir remonté une lieue au deffus,
pour le traverler, on delcend le |
long de la côte jufques à fon em-
bouchure. De -même en fortant,,
iifAmêriiiue Septentr,Cn,Y, 17?
ijfaut remonter la rivière, & venir
(ffcendre fur le fort , en paffanfe
ntre les isles qui fe trouvent au
i|îvant.
La rivière efl remplie d'isles
ms fon canal 3 jafques auprès du
?tit rapide , comme on le peut
)ir dans la carte. Le courant eu
Idoux; Ton y navige à la rame
à la voile : plufieurs de ces isles
nt de belles prairies.
Dans la partie de TE. à trois
sues du fort du portage , ell: la
viere aux Bois Blancs. C'eft la ri-
ère par où les Cinq Nations det
îndent far ce fieuve. bon courant
t fort doux; plufieurs endroits
)nt cultivés par les Sauvages. Les
rres aux environs font fort belles,
a rivière eit bien poiffonneufe.
Lepetit rapide eft l'écoulement du
ic iirié. C'eil: une bature dont le
Durant deflus eiluni.mais fort,pen-
ant une demi-iieue. La rivière a
H 4
»7^ Menh fur la de m. Guerre
un bon quart de lieue , fond dero
che. Elle n'y a pas beaucoup dt
profondeur. On y trouve cepen
dant des pajGTages , où lî l'on coni
truifoit des bâtiments, ils pour
Toient refouler ce courant avec ui
vent fraix. Les bateaux remonten
à la perche ou à la traîne.
Les côtes du lac du côté d
l'E. font plus élevées que celles d
PO. iilles paroiffent toutes très
bonnes.
Le lac Erié n'a jamais été parcou
ru par quelqu'un capable de pou
voir en donner avec quelqu'exac
titude le giflement des côtes , le
profondeurs des ances, & les^iiouil
lages qui s'y trouvent , ainfi qui
les ports que l'on pourroit y éta
blir 5 pourtirer avantage de fa na
Yigation. La figure qu'on lui don
ne dans cette carte , eft félon leij
mémoires les plus connus, pouil
ef Amérique Septênfr. Ch. V. 1 77
i partie du S. fur » tout (n:).
L'entrée du lac jufques à la rivie-
i aux Chevaux , forme une gran-
e ance toute couverte de galets ,
ù il ne fauroit y avoir de mouilla-
e. Si l'on tenoit ouverte Fembou-
hure de cette rivière , il y auroit
n mouillage pour des bâtiments.
La côte de là jufques à la prêt
u'isle n'a point d'abri connu. A
iprefqo'isle il y a une bonne an-
s ; mais elle n'a que 7 à 8 pieds
'eau.
Des bâtiments entreroient dans
(a) Nous apprenons par une let-
•e du maréchal de Beliisle, datés
u 3 Juillet iTjgj que M. PouchoÊ
voit remis une carte particulière de
2 lac à M. de Mont cal m , qui de voit
envoyer à ce miniftre. Nous n'en
vons trouvé aucune copie dans les
apiers de M. Poushot, Ceft fan^
out© une perte.
H î
Ï78 Mem.fuv la dern. Guerre
la rivière à Seguin , & il s'y fe-
roit un bon port, auffi bien qu'à
Sandoské. En général on dit que
le fond de ce lac eft fort plat, &
que la navigation en eft dangereu-
fe. Ce qu'il y a de vrai, c'eft que
les orages s'y forment prefque tout-
à - coup 5 que la lame y eft mau-
vaife, & que dans les gros tems,
elle tue fouvent les poiffbns que
l'on trouve épars fur la côte. Mais
il eft à obferver que Ton n'a voya-
gé iur ce lac qu'en canot d'écorce,
& très - rarement en bateau ,
que depuis la rivière de Niagara
Jufques à la prefqu'isle.
On n'a jamais fuivi que les cô»
tes qui ibnt fort plates. Le lac un
peu au iarge peut cependant avoir
tine bonne' profondeur. 11 auroitl
été utile d'y avoir fait conftruire|
un bon efquif , avec lequel , de*
puis le mois de May jufq^ues yen»
ifel'Jmirxqm Sepîenîr.Cn.Y, ly^
jia fia de Septembre, où les tems
font toujours beaux, on auroit
pu fonder & reconnoître tous les
iabris qu'il peut y avoir autour du
lac ; on auroit enfuite conftruiÊ
jdes bâtiments propres à cette na-
ivigation, qui auroient épargné biea
Ides détails & des fraix.
La rivière d'Ohatacoin eft là
première rivière qui communique
|du lac Erié à l'Ohio. C'eft par là
jque Ton y defcendoit dans les pre-
îmiers tems que l'on a voyagé dans
tette partie. Cette navigation fe
faifoit toujours en canot , à caufe
du peu d'eau de cette rivière. Ef-
fedivement , à moins qu'il n'arrivaÈ
jquelque crue d'eau , l'on n'y pou-
voit paffer qu'avec peine ; ce qui
a fait préférer la navigation de la
rivière aux Bœufs , dont l'entre-
pôt eft le fort de la prefqu'isle.
Ce fort eil affez grand , bâti d®
H ê
ï|® âlém.fur ladern. Suer fi
pièces fur pièces avec des 'hangars î
pour l'entrepôt des tranfports ; il
eft fitué furun platon qui forme
une prefqu'isle, qui lui a donne
fon nom. Le pays des environs eft
bon & agréable. L'on y entretienti
des voitures pour le portage , qui
cil de fix lieues. Quoique dans un
pays plat, le chemin n'y eft pas
trop bon jufques au fort de la riviè-
re aux Bœufs, lequel eft un quar-
ré moins grand que celui de la prêt
qu'isle , & auffi bâti de pièces fur
pièces.
La rivière aux Bœufs eft fort
fînueufe , a peu de fond dans les
bafles eaux & dans les tems de
pluye. Elîegroffit beaucoup & a
un courant fort rapide. Elle eft
cncaiftee dans une vallée qui s'ap-
profondit à mefure que Ton appro-
che de la Belle - Is iviere.
A fon embouchure;, appelléeea
\ii t Amérique Septenfr. Ch.V. igi
ianglois Faningo , les François
javoient un fort mauvais Se petit
Ifort , appelle fort Machatilt , qui
eft auffi un entrepôt pour ce qui
jdefcend au fort du Qiiefne.
I Les deux rivières marquées dan§
'la carte , au de là delà prefqu'isle,
qui tombent dans le lac, commu-
jniquent auffi avec des rivières qui
: tombent dans i'Ohio , comme la
rivière au Caftor. Mais celle-ci
n'efl pas profonde. Elle eft même
embarraiTee de quelques rapides.
La rivière à Séguin a une bien
plus belle communication avec la
Belle - Pviviere. Les bâtiments re-
monteroient prefque à trois lieues
defafouree, & avec des bateaux
on arrive juiqnesà u .rortage qui
n'a pas plus d'un mile. Delà on
entre dans une fort bonne rivière,
que les Anglois appellent Idiiskin."
gann. Suivant les relations, c'eft
i82 31êm.ftirladerh, &ucrrs
le plus joli pays de î'Aniérique à
habiter. On y voit îcs plus beaux
bois, propres à différents ufages^^
les plus belles terres, dans de belles
plaines.
Sandoské communique audi
dans la rivière Sonhioto & à la
rivière à la Roche , qui defcend
dans Tuliio avec des portages fort
courts. C'eft le grand paffage des
Sauvages, pour venir dans la Belle-
Rivière.
, Si l'on fe fut d'abord fixé aux
deux derniers poltes décrits ci-
defTus , au lieu de s'aller établir
dans la Belle -Kiviere, l'on auroit
intercepté toute la communica-
tion des Sauvages avec les Anglois,
L'on auroit évité par là de donner
à ces derniers de l'ombrage , jut
ques à ce que l'on eut été en force
pour s'établir où l'on auroit voulu.
Le coQiiuei'ce de h Belle - Rivière
\ilef Amérique Sept ênfr,QvL,'^, \%l
jétoit moins que rien pour les Fran-
jçois (ni ) , parce que cette contrée
■n'eft habitée que par des Loups &
des Iroquois fugitifs de leurs pays 9
qui s'y font venu établir.
L'Ohio eft prefque navigable
depuis fa fource avec des canots ,
!fans aucun rapide. Depuis Ka-
jnoagon , Peau eft toujours belle
pour porter des bateaux de moyen-
ne grandeur. Son cours eftfmueuXj^
encaiffé dans une vallée qui s'ap-
profondit & s'élargit à mefure
que l'on defcend. Elle n'a pas des
rapides, mais un grand courant^
fur - tout dans les grandes eaux du
printems.
Cette navigation demande ce-
(a) Mais la poii'eiiion des bords
de cette rivière étoic delà p'iiser^n-
de importance , pour cony^x\'iï la
commuiucatiou du Canada avec la
LQuiiiaae^
184 31em.fuirhdern. fftierre
pendant de l'attention en defcen-
dant , parce que les retours de cet-
te rivière font fort fréquents , &
portent fouvent fur des troncs d'ar-
bres , dont fon cours ne laiffe pas
que d'être embarraffé. Depuis le
fort du Quefne en defcendant , la
navigation devient meilleure, fon
lit plus large , & a une boane pro*
fondeur d'eau.
La vallée n'a pas plus d'un quart
ou demi -lieue de largeur jufques
au fort du Qjjefne. La côte du
nord eft bordée de pays élevés
fans montagnes. Celles du fud font
les revers des /ipalaches , ou mon-
tagnes Alligeny. 1 n'y a point de
rivières navigables qui fortent de
ces montagnes pour communiquer
à la Belle - Rivière ; la plupart font
plutôt des torrents ou des ruit
féaux que d^s rivières.
La xvlanenguelée porte bateau
le V Amérique Scptentr.Cu.Y. iSf
ufques à fa fourche avec POxio-
^ani , au pied du Laurel - Hill , ou
Mont du Laurier. Auffi les Anglois
i'n'ont jamais cherché à faire ce«
[routes que par terre.
j Les montagnes du côté de la
ifource de la Belle - Rivière , font
jdes roches couvertes de buis , coni-
jtne les Cevennes. J'ai marqué fur
la carte les chemins faits par les
jtraiteurs. lis mènent des chevaux
ichargés, comme nos colporteurs.
Bradokc faifoit tous les jours
fon chemin devant lui, dans fa mar-
che à la Belle- Rivière. Mais les
Anglois l'ont refait en 17V85 &
perfectionné en 1759 ^ comme il
eft tracé fur la carte ( a ).
(a) Voyez auffi celle de la marcha
du colonel Bouquet à travers le pays
des Indiens, en 1764, par Thoma*
Hutchins.
1 8 ^ 3Iem, fur la dern. Guêvre
Le fort du Qaefne étoit fur un
pointe baife près de la rivière , 5
fujette à riiiondation. Les Angloi
ont fait leur nouveau fort, appellt
Fittsbourg ^ fur le rideau qui ef
devant l'ancien fort. C'eft un pea
tagone denviron 8^^ toifes dt
côté extérieur, en terre , revêtu in.
térieurement & extérieurement de
groffes pièces de bois , dans le goût
de celui de Chouegen. Il peut con
tenir 7 a 800 hommes.
lis avoient condruit à Loyal-
Anon , un fort de pieux debout,
à tenir 200 lionimes. Ils avoient
aiiffi faitdanscet endroit un camp
retranché, en terre, de dix pieds
d'épaiiTeur dans le haut , revêtu de
pièces de bois , avec un foffë de 1 %
à I s pieds^ de largeur. Ce camp
étoit adolie à une montagne dans
un fond 5 ^ commandé de par-,
tout.
I? f Amérique Septentr. C h. V. 187
I Les autres forts fur cette route,
ifques en Virginie , font des en-
=intes en pieux debout , pour fer-
lir d'entrepôt. Ils y tenoient 25 à
G hommes de garnifon.
Les montagnes & les chemins
e cette route font alTez difficiles.
jorfque ies Angiois faifoient des
pnvois 5 il fallolt on tiers de. che-
jaux de plus , pour porter de Ta-
oine pour nourrir les chevaux d§
harge.
Les villes d'entrepôt pour ces
xpéditions étoÏQnt Lancafter ( a )
i Schippenbourg , où Ton affem-
loit tous les vivres & munitions
ui paffoient à la Belle - Kiviere.
11 n'eft pas a douter que fi les
rançois euOent été un peu en for-
(c) Les xAinglois comptent de Pitts-
)ourg à Lancailer 2:?8nTilies3 & d©
auiêafler à Philadelphie 66,
1 8S Mêîmfur la dern, Guerre.Sa
ce dans cette partie , ils n'euITej
empêché les ennemis de s'y établi
par les chicanes dont ces pays c
montagnes font fufceptibles.
€^i<
iSf
OBSERVATIONS
'tr les montagnes de t Amérique
Septentrionale,
\^^ ne peut fe former une jufte
jlée de la théorie de la terre , que
iar une connoiffance approfondie
je la (tradure & de la direclioa
les montagnes. Les chaînes des
jlus hautes de notre continent,
OHt la plupart d'Occident en
)rient. Celles du Nouveau Mon-
e, les Cordelières & les Apala-
i;hes , tournent, au contraire, du
lord au fud. Les favans académi-
îiens envoyés au Pérou pour la
nefure de la terre, ont fourni à
[VL de Buffon des détails intérei^
fans fur les Cordelières, dont il
'eft fervi pour établir fon fyfiêmg*
190 Mêm. fur la deru. Guerre
Il n'a pas eu le même fecours p;
rapport aux i\palaches, qu'il a
pour ainfi dire, oubliées; c'eft pou
quoi nous tranfcrirons ici les ol
fervations judicieufes que noi
avons trouvées, fur cette derniei
chaîne de montagnes , dans les pc
piers de M. Pouchot, qui a beat
coup profité du travail de N.
Evans , fans néanmoins le citer {à,
Les monts Notre Dame formen
une efpece d'angle à l'entrée d'
fleuve St. Laurent, & peuven
être pris pour une continuité, oi
plutôt pour le commencement d
la chaîne des Âpalaches. Ces mon
tagnes font plus hautes , vers l'em
bouchure de ce fleuve , & à mefuri
que l'on avance dans le continent !
Z -- ' j
(a) Il ne fait même fou vent que tra-
duire l'analyfe de îa carte générale de»
colonies britaniques, ouvrage anglois ,
fublié en l7JJ'5^>^-4^ 5 par M. Evans,
I de l'AmirlqtiS Septenfr. 191
(lies paroiflent s'abaiffer, & ce
iiénie continent s'élever jufqu'à ce
k'on foit parvenu aux lacs , où
]}n voit des plaines d'une éléva-
lon très - confiderable. Celles - ci
lennent aboutir du côté de l'efl
ifommetdes Apalaches, qu'elles
ijinblent même former.
i Dans le pays qu'occupent ht
blonies angioifes , la ftruâure de
^s montagnes varie, & elles font
artagées , par la rivière d'Hudfon,
1 deux chaînes qui ont généra-
:ment leur diredion parallèle à la
ler. Depuis la partie de l'efl: juf-
u'à la baye de MalTachufet , el-
s n'en font qu'une, dont la direc-
on eft prefque nord , & en avan-
mt toujours un peu plus E. fui-
ant la forme de la côte de la mer.
'ette étendue de pays peut fe divi-
îr en deux bandes , prifes depuis
ofton 3 en allant à Pou eft.
La première commence auprès
ks^ Mêm.furh dern. Guerre
de Wdter - Town , & forme dej
coteaux ou monticules fort rudes,
jufqu'à ce que l'on ait paffe VeC
ter, & de la environ 2oniiiresdi
côté de la rivière d'Hudfon. La fe-
conde bande eft la plus grande
partie, couverte de petites monta-
gnes qui forment une longue chaî-
ne qui s'étend vers le fud jufqu'ai
Sund,qui divife le Long - Island di
Main, & occafionnent ces pentes i
ces arrêtes , ces fommités & cej
terres remplies de rochers déta-
chés , que l'on obferve , lorfqu'or
toyage le long des rivages de I2
mer dans le Conneciicut,& qui em.
pèchent de faire un meilleur che-
min dans l'intérieur de ce pays.
Quoique la plus grande partie
du Conneciicut foit comprife dans
cette efpece de bande , cependani
on y trouve de grands vallons , de
beaux & bons pays. Entre cej
«feaines ^ les plus grandes font 1é
long
de l'Amérique Septentr. 193
L)ng de la rivière de Connedicut.
ii fe trouve de ces intervalles de
|;o milles de largeur. La diredion
|le ces chaînes de coteaux & de
bontagnes donne la direftion du
jours des rivières & des ruif-
jsaux de ces pays,
j Dans Peft de la première bande 9
u côté de la mer , les terres font
brmées par un amas des fables de
l'Océan ^ mêlés avec les débris ra-
bafles par les marées du N, E. &
jlu S. O. qui ont formé prefque
|out le pays duCapCod, jufqu'à
[E. du fond de la baye de Maffa-
hufet. La Longue-Isle , ou Long-
sland , paroît auflî formée des fa-
iles de rOcéan , méiés avec des
erres qui ont coulé du con usinent
-es terres , ens'avançant dans PO.
ont de même nature ; mais les
inontagnes font plus élevées, à
inefure que l'on approche des fron-
jieres du Canada.
I Tome IIL I
194- Mem. fur la dern. Guerre \
Le pays , au S. O. de la rivière
d'Hudfon , eft divifé plus réguliè-
rement, par un plus grand nombre
de bandes que celui dont nous ve-
nons de parler. Le premier objet
que l'on trouve dans cette partie,
eit ce rideau de rochers d'une ef-
pece de talc de deux , trois, & mê-
me de fîx milles de largeur , dont
le fomraet s'élève au deffus des
contrées adjacentes. Il s'étend de
la ville de New-¥orck au fud-
oueft , par les chûtes les plus baf-
fes des rivières de ûelaware , de
Schuylkill , de Susquehana , de
Gun - Powder , de Patapfco , de
Potomack, de Rapahannock, de
James-Kiver & de Konoack. Cette
chaîne de roches , qui fe préfente
comme une courbe réguhere , for-
tnoit anciennement la côte de la
mer , dans cette partie de l'Amé-
rique.
Depuis la mer jufqu'à cette chaî-
de t Amérique Sepîentr. 19 f
ne, & depuis les coteaux de Na«
vcfmk, au fad cueit, jiifqu'aux
extrémités de la Géorgie , tout le
pays forme la première bande. On
Ipeut le défigner en le nommant
les plaines baffes , qui font formées
par les terres coulées des pays fu«
périeurs , mêlées avec le fable de
l'Océan. Ces plaines ne font ar*
rofées par aucune rivière. C'eil un
!able blanc, d'environ 20 pieds de
profondeur, entièrement ilérile , &
DU il n'y a aucune terre végétable
|ui puiiTe l'amélioren Mais les
parties où fe trouvent les rivières
rat été fertilifées par les terres
îu'elles ont entraînées avec elles ^
fe qui fe font mêlées avec les fa«
}les5 comme les vafes de mer, les
:oquiIlages5 & les autres corp-s
étrangers que l'on y trouve 5 le dé-
îiontrent.
Ce fol eit le même, dans une et
>ace de 4Q à f o milles de large.
1 z
19^ Mém.furïa dern. Guerrs
Dans la route depuis Navefink
jufqu'au cap de la Floride , on dé-
couvre par -tout un pays ftérile.
Le voifinage d'aucune rivière n'y a
point fertilifé quelques terres qui
ont coulé des parties fupérieures.
On y voit feulement quelques ma-
rais, ou bas -fonds 5 qui à peine
peuvent nourrir quelques cèdres
blancs. On y trouve auffi commu-
nément des veines d'argile , déta-
chées, par la mer, de ces coteaux de
talc ; quelques - unes ont trois à
quatre milles de largeur.
Depuis cette chaîne de rochers,
eu toutes ces rivières forment une
chute, jufqu'à la chaîne des monti-
cules interrompus , appelles les
Montagnes dujud, il y a un ter-
rein de ^o ; 60 , & 70 milles d'é-
tendue, fort inégal, qui s'élève, à;
mefure que vous pénétrez danS)
l'intérieur du pays. Cette féconde
bande peut le dénommer le Pays j
de t Amérique Septentr, 197
Supérieur, il confîfte en quelques
veines de différentes efpeces de
terres & de décombres. Il a quel-
Iques milles de longueur, & eft eti-
I tremêlé , en quelques endroits , de
I petits rideaux & de chaînes de
j monticules. Leur pente donne une
grande rapidité aux eaux des tor-
rens & des ravins, qui entraînent les
terres dans les rivières , qui fertili-
fent les plaines baffes. Ces pentes
rudes &ces ravins rendent la moitié
de ce pays peu propre à la culture.
Les montagnes du fud n'ont pas
des fommets, comme les monta-
gnes Endlefs ; mais ce font de pe-
tits monticules rocaffeux, inter-
rompus irrégulièrement en quel-
xjues endroits, & ifolés. Les uns
ont un cours de quelques milles en
longueur ; d'autres s'étendent plu-
-fieurs milles en largeur. Entre les
montagnes du fud, êc les hautes
^montagnes Endlefs ^ que l'on ap-
I 3
198 Mêm.fur h dern. Guerre
pelle par difiinffion de celles du
nord, en quelques endroits, Kitta-
tini & Pequilin , il y a des vallons
très - beaux & fort bons , de 8, lo,
& %o milles de largeur ; c'eft où
le trouve la partie ia plus confidé-
rable do meilleur pays cultivé que
poffédent les Anglois. Cette ban-
de paiTe à travers ia Nouvelle Ger-
fey 5 la Fenfyîvanie , le Mariland &
la Virginie, On n'a point encore
donné de nom général à ce pays;
mais on pourroit ,1'appeiler i^/>-
mont y à caufe de fa reffemblance
avec cette contrée de PEuropepour
la bonté des terres. C'eft la troi-
fieme bande du continent fepten-
trional de l'Amérique.
Les montagnes &;^j^;^, ouEnd-
lefs , ainfi appellées de la dénomi-
nation fauvage , traduite en langue
angloife, forment une longue chaî-
ne affez uniforme. Elles ont envi-
lon 5 à 600 toifes de hauteur per-
de t Amérique Septentr. i^f
)endicuîaire, au deflu s des vallées
intermédiaires. Leur nom expri-
|iie affez leur étendue.
I En quelques endroits , comme
j/ers les montagnes de Kaatikill &
jirers lesfourcesdu Ronoack, ou
pourroit s'imaginer voir les extrê-
fnités des monts Endlefs ; mais iî
bn examine un peu de près dans
les côtés , on les verra s'étendre en
de nouvelles branches qui n'ont pas
moins d'étendue. Leur dernière
chaîne, qui eft celle d'Alligeoy, ou
jde la Belle - Rivière , eft parallèle
|avec cette première chaîne de ro-
jchers talqueux qui termine la pre-
Imiere bande. Cette chaîne eft ter-
jminée par de grandes buttes de ter-
jres & de rochers détachés , vers les
jfources du Ronoack & de la New-
jRiver.
I Les chaînes les plus E. qui pa-
Toiffent courir au S. tournent im-
perceptiblement à ro. ce qui faiè
1 4
200 Mem.Jurïa dern. Guerre
que les vallons de la bande du Payî
Supérieur & du Piémont , comme
nous venons de Pappeller, ont plu?
de largeur dans la Virginie que
dans les parties au N. Les chaîne?
du S. U. fembîent vouloir fe lier
avec celles d'Alîigeny. Dans quel-
ques endroits , elles fe divifent &
forment de nouvelles chaînes de
montagnes, comme font celles
d'Ouafioto.
Far-tout ces chaînes fe péné-
trent 5 pour ainfi dire , les unes
les autres, par des contre^forts , oa
des éperons , qui fortent de la plus
grande chaîne de montagnes , & fc
répandent en monticules déta-
chés; ce qui paroît indiquer de
bonnes routes dans leur intérieur;
mais on ne trouve point d'iflue,
quand on y voyage. 11 eft plus fur
de paffer fur les rochers , que dans
les parties mêlées de roche & de
lene, parce qu'elles mènent à des
de f Amérique Septenfr, 2or
avins qui forment des précipices.
i peine la dixième partie des ter-
ies dans ces montagnes eft propre
ji être cultivée. C'eft la quatrième
|)ande5 qui aboutit aux contrées
lies Iroquois & au pays qui vient
iinir fur les plaines de l'Ohio.
Concluons de ces remarques de
VI. Pouchot, i". que toutes ces
Dandes dont il parle ne font que
Iks rameaux des Apalaches , oa
plutôt les différentes parties qui
i:ompofent cette chaîne de monta-
l^nes 5 foit en longueur , foit en lar-
l^eur; 2". que toute la contrée fituée
Il Tell des Apalaches a été évidem-
ment couverte par les eaux de la mer,
I& que les veitiges nombreux & inef-
façables de ce changement prouvent
Iqu'il ne peut être fort ancien.
j II nous fera encore permis d'a-
jouter ici, que cette chaîne des
inionts Apalaches, & cette bande
! I î
âo^ Mém.furhderru Gnerre.^c,
élevée de terre à Poueft , qu'eîli
femble foutenir & être fon ancien
ne limite , font une portion d'un(
bande principale qui s'étend, di
fud - eft au nord - oueft , depiiii
renibouchure de Rio de la Pla
ta , jufqu'au delà des grands laa
de PAmérique Septentrionale.
%ù3
REMARQUES
Sur le Saut de Niagara.
L
A partie la plus feptentrio-
iiale de l'i^mérique étant fort éle-
l^ée, les rivières qui en découlent ^
iloivent néceffairement , avant de
je décharger dans les lacs , ou dans
les fleuves, & fuivant la pente
pes terres, faire des chûtes plus
|)u moins confidérables. La plus
:élebre de toutes eil évidemment
:elle de Niagara. Les Sauvages
imifins de Québec la regardoient
pomme fituée à l'extrémité occi*
jientaîe de ce continent ^ quand
lies François vinrent s'y établir. Ils
îfTuroient à ces derniers ,, qu'à la
L fin du lac Ontario, il y a uiî
L faut qui peut avoir une lieuf
I . I ^
204 Mêm. fur h dern. Guerre
yy de large , d'où il defcend an
,, grandiffiiiie courant d'eau dans
,5 le dit lac ; que paffé ce faut on
^ ne voit plus de terre, ni d'un
^ côté ni d'autre, mais une mer
y, fi grande qu'ils n'en avoient
^ point vu la iin , ni oui dire
33 qu'aucun J'eùt vue; que le fo-
^ leil k couche à main droite du
^ dit lac , (a) &c. '\
Les voyages que les François
entreprirent bientôt dans l'intérieur
de l'Amérique , leur procurèrent
des connoifTances moins vagues fur
cette célèbre cafcade. Elles furent
cependant d'abord incxades, &
on ne peut guère compter fur les
détails que le baron de la Hbntan
& le père Hennepin nous en ont
donnés. La defcriptiion que nous
en devons au P. Charlevoix, nié-
(a) Marc PEfcarèot, Hift." de Ift
Nouvelle France, p. gf a;.
^deVAniériqtie Septentr, 20 y
rite plus de confiance. M. de Buf-
|fon n'a pas dédaigné de i'inférer
idans fon ouvrage immortel. Ou-
itre ce que M. Pouchot a rapporté
Ide ce faut 5 dans les obfervations
qu'on vient de lire , nous en avons
trouvé dans fes papiers , d'autres
dont nous ferons ufagc.
La rivière du Portage , ou de
Niagara , n'eft proprement que l'é-
Imiffoire du lac Erié, qui fe dé-
I charge par la dans le lac Ontario,
là fix lieues de la Chutes. M'étant
I pas aifé de mefurer avec des inftru-
I mens l'élévation de cette chute ,
les voyageurs, qui ne pouvoient
d'ailleurs la voir que de profil , ont
fort varié dans leurs récits. Le ba-
ron de la Hontan avance qu'elle
a fept à huit cents pied de haut (a)^
& le chevalier de Tonti , cent toi-
les (è). L'ellime du P. Charie-
(û) Voyag. p. 107.
{b) Dern. dec. de i'Amér. p. ^q*
\
âo5 Mêm.fur la dern, Suerre
voix eil plus fùre ; il ne donne
que cent-quarante à cent-cinquan-
te pieds de hauteur au faut de
Kiagara.
M. de BufFon avoit d'abord cra
que cette cafcade étoit la plus belle
du monde entier, & qu'elle devoit
cet honneur à fon élévation ; mai*
depuis peu il fenibîe s'être retrace
té, pour donner la préférence à
celle de Terni en Italie. Quoique
la plupart des voyageurs ne don-
nent à celle-ci que deux cents
pieds de haut, l'illu lire naturalis-
te la fuppofe de trois cents (a).
Sans chercher ici à recufer fon té-
moignage , nous obferverons feu-
lement que la montagne ^f/yWar-
vtore n'a qu'une ouverture de
vingt pieds, 'Par laquelle fe précii-
le P. Hennepin donne à cette chute
loo braifes, c'eft-à-dire, 600 pieds,
(a) SuppU à l'hill, îiatur. T» |.
ie f Amérique Septentr, 207
jpite le Velino , dont la chute per«
[pendiculaire forme cette dernière
jcafcade.
Ce n'eft point la hauteur, mais
la largeur d'une cafcade , qui la
rend confidérable. Or celle de Nia-
gara ayant neuf cents pieds de lar-
|ge, l'emporte évidemment fur tou«
Ites les autres. Elle ne peut être
comparée à celle de Terni, quia
relativement à l'élévation , eft in-
férieure à plufieurs que nous con«.
noiiTons dans le pays deè. Grifons 5
le Valais & la Suiffe. Nous fom-
mes étonnés que M, de BufFon
n'ait pas cité pour exemple de
chutes perpendiculaires , celles
qu'on voit dans la célèbre vallée
de Lauterbrun , où la nature a éta-
lé fes plus aiFreufes beautés. De
la cime de deux montagnes qui
fe terminent au glacier, & laiC
fent entr'elles un étroit & fombre
vallon , fe précipitent plufieurs
2 68 Mêm. fur h dern. Guêtre
ruiffeaux qui forment les cafcadet
peut-être les plus élevées de Puni-
vers. Celle de Staubbach a été
cxadement mefurée , & fa hauteur
perpendiculaire n'eft pas moins de
huit cents feize pieds de roi, ou
de onze cents pieds de Berne. A
la vérité , fa largeur n'eft pas con-
fidérable; on peut en juger parle
ruiffeau qu'elle forme en tombant,
& qui n'a guère plus de huit ou
neuf pieds de large dans fa plus
grande étendue. Nous ne parlons
point de la cafcade de Myrrebach,
& de quelques autres dont la mafle
des eaux eft auffi petite, (Surélé-
vation un peu moindre.
La chute de Niagara eft auffi
remarquable par les phénomènes
qu'elle produit que par fa largeur.
Lorfque le tems eft beau, on y voit
plufieurs arcs-en-ciel, les uns au
delTus des autres. 11 n'eft pas dif-
ficile d'en deviner la caufe. Quel-
ie t Amérique Septentr, 2of
juefois un léger brouillard s'élève
tomme une fumée , au deflus de
pette cafcade , & femble être celle
ll'une forêt qui brûle. On Tapper-
l^oit du lac Ontario 3 quinze lieues
jm delà du fort de Niagara. C'eil
bn figne non équivoque de pluia
ibu de neige , & un moyen fur
lie reconnoitre ce fort , ou Tem-
;90uchure de la rivière du Por-
tage.
Le bruit que fait la cafcade , aug-
menté par les échos des rochers
d'alentour , s'entend plus ou moins
loin , félon le vent qui règne. 11
jn'eit pas rare de l'ouir de dix à
idouze lieues , mais comme un
tonnerre éloigné & qui gronde
[fort fourdement ; ce qui fait con-
jjeaurer au P. Charlevoix, qu'avec
:1e tems il s'eft du former quelque
: caverne fous la chute. Il en don-
ne encore pour raifon , qu'il n'a ja-
mais ri€n reparu de tout ce qui
2 T o Mêm. fur la djrn. Guerre
y eft tombé (a). Ce dernier efFe
cil celui des gouffres qui fe trou
vent toujours , foit au bas des gran-
des chutes d'eau , foit dans les en-
droits où le courant des riviereî
fe trouve contrarié avec force, oi
trop reiferré.
L'envie de critiquer le baron de
la Hontan , a porté le F. Charle-
voix à nier que les poiffons qui
fe trouvent engagés dans le cou-
rant, au deffus de la chute, tombent
morts. „ On m'avoit encore affu-
^ ré, ajoute ce jéfuite, que les
5, oifeaux qui s'avifoient de voler
30 par deffus , fe trouvoient quel-
33 quefois enveloppés dans le tour-
na billon que formoit dans l'air la
3.3 violence de ce rapide. Mais j'ai
3> remarqué tout le contraire. J'ai
(û) Journal hift. du voyage de
l'Amérique Septentrionale, T. V. de
rkiil. de là Nouveile-Frauce , p. 34^.
de t Amérique Septentr. 2îi
vu de petits oifeaux voltiger
5Jaire?-bas, direftenient au deffus
Jde la chute & s'en tirer fort
J bien " (a). N ous avons vu nous
i|êniesdes oifeaux plongés, au bas
la cafcade du Rhin , qui a du
té du château de LauiTen qua^
! vingts pieds d'élévation (è) , &
nvoler enfuite fans danger. Les
(féaux de proie peuvent s'en être
•es auffi heureufement à Niagara
ns un tems calme, mais non
s quand les vents font renfor»
s dans la bande du Sud. Alors,
omme M. Pouchot l'a obfervé
]ufïeurs fois , les oifeaux aquati-
nes qui fuivent le cours de la ri-
ère, & s'élèvent à la hauteur des
iichers, font contraints, pour fe
ettre à l'abri, de voler près de
{a) là. p. :?45. :^47, ^
{b) Au côté oppofé , près des for»
;s de Neuhauiienj cette chute pa-
>it plus baffe.
212 Mêr/i. fur h dern. Guem
la furface de Feau ; mais ne poi
vant plus dans cette pofition r
fouler le courant d'air , ils font pr
cipités dans le baffin. 11 en eft
peu-près de même des poiffons ei
traînés par les rapides fupérieu
à la cafcade , qui fe font fentir affi
avant dans le lac Erié. Un grau
nombre d'animaux doivent encoi
périr dans les tournoyemens d'eai
Ils font fi terribles au deifus c
ces cataraâes, qu'on ne peut y n;
Tiguer (a). Dix ou douze Sai
vages Outaouais , ayant voulu tr;
verfer en cet endroit la riviei
avec leurs canots , pour éviter u
parti d'Jroquois qui les pourfu
voit, firent en vain leurs effori
pour réfifter à l'impétuofité de
courans ,^ & ne tardèrent pas
être engloutis dans les eaux de 1
cafcade (Z').
(fl) Tranf. Philof. T. VI. part. I
p. 119.
ib) Charlevoix, journ, cit. p. î4)
de f Amérique Septentr, 21}
•I Quoique leur maffe tombe per-
jmdiculairement fur des rochers
^Ifs, elle forme néanmoins par
Jimpulfion forte du courant & fa
(bantité , un talus affez confidéra-
ijc. Le baron delà Hontan pré-
llnd qu'au deifous, il y a un che-
lin où trois hommes peuvent ai-
ijment pafler de l'un ou de Fau-
te côté , fans être mouillés , &
iins même recevoir aucune goutte
(ieau (a;). Ni le P. Charlevoix,
jj. M. Pouchot, ne parlent de ce
(lemin , que perfonne n'a eu vrai-
iimblablement envie de pratiquer.
Autour de la chute , on apper-
Ditdes rideaux de quatre-vingts
eds de haut. Ils défignent évi-
îmmentqae le canal ou la rivie-
qui la forme, étoit autrefois
refque de niveau avec le lac Erié.
e faut de Niagara doit donc
(a) Voy. p. 107,
a î 4 Mém.fur la dérh. Guerre
avoir eu beaucoup plus d'élevatic
qu'il n'en a aujourd'hui . & lé-]
de roche qui roccafionne, s'èti
miné peu à-peu, avant d'être dâr
fon état aduel
Lorfqu'on eft parvenu ^u fon-
met des montagnes voifînes de']
chute , on découvre une plaine à
trois ou quatre lieues de largeur
qui règne du côté de Toronto
autour du lac Ontario , & varie
fuivant le gifiement des côtes , ai
nord -eft & au fud- oueft. Ce ri
deau ou chaîne de coUines com
iîience aux montagnes du Nord
& s'étend dans la partie de l'eft juf-
qu'au pays des Cinq Nations. Or
ne peut doliter que ces collines m
formaffent autrefois le rivage di
lac, dont les eaux , en baiffant fuc-
ceffivement , ont abandonné la plai-
ne qui les entoure.
L'étendue de tous les grands
lacs, & en particulier de celui d'Erié
âe T Amérique Septenfr. 21 f
di eft au deffas de la chute de
;jiagara, a fubi le mêiiie change-
lent. Les bords du fleave St, Lau-
int, qui eft leur écoulement , n'en
ijit point été exempts. L'isîe de
lont-Kéal , formée par deux bran-
(les de ce fleuve , nous en fournit
liic preuve. Ses coteaux s'élèvent à
lie certaine diftance de fes côtes, &
(^montrent par là que tout l'efpa-
(î de terre , depuis leur pied , juC
u'au rivage du fleuve , a été occu-
]î par fes eaux , qui fe font reti-
3 es à mefure que la maife de cel-
Is des lacs à diminué, par l'a=-
liiffement fucceffif du faut de Mia-
|ira & des autres rapides ou ca-
Irades qui interrompent le cours
(1 fleuve 5 au deffus de Mont-Réal.
Rapportons encore une preuve
a changement dont nous venons
î parler. IS'ous la chercherons
r les plus hautes montagnes du
anada. On y découvre fans ceflè
216 Mém.furla dern. Guerre,^ i
des coquillages de mer de tout
efpece, ainfi que dans les ancien
lies plaines couvertes de terre cal
cinable , fulfareufe , ou compofé
de talcs & de grès. Les plaine
plus récentes font rempliesjau con
traire , de pétrifications de bois , d
fruits, de ferpens , d'efcargots (5
d'autres coquillages d'eau doucc]
DE
DES M(IUP.S
:t des usages
Des
utvcîgQS de P Amérique Septm-^
trlonak.
2'Qnw ÎIL
.K
k '^" ^ V «J» - ^ ^ ^? ^c^ *^ ■^:/' ^ - -^ ^^ 'i^ ^- V -^^ 414 ^ *
AVERTISSEMENT.
.\ Ous devons aux 7niJJionnaîr es
s détails précieux Jur les 'mœurs
f les ufages des nations fauvages
' l'Amérique Septentrionale, Ou
avroit fans doute aucun reproche
faire à ces apôtres du Nouveau-
.ionde , fils fe jujjent laijjé moins
'bjuguer par des préjugés d'Etat ,
// les ont trop f auvent engagés^
ivant leur intérêt particulier ,
ntot à e::cigérer la barbarie des
ïuvages ^. îamot à en déguifer
r défiiuts. Un d'eux , le F. Lafi^
u, n'a point craint de les coTfU
rrer aux pvc7::hrs peupks-de l'an-
ipnté. Son irnc:: ' :'. ■'! lui a fait
Couvrir beaucG:-^ ^.q rapports de
i{ligion, de CQ-iiturnss , de tradi-
mis, gff. dont peu de perfonnes
connoïtroient aujourd:hui la vé-
K %
220 A V E R T 1 SS E M E N T.
rite, de femhlables parallèles n'é
tant plus guère du goût de mtr
fiecle.'
Les premiers voyageurs , fur-fou
Chaniplain , le fondateur & le per
de la colonie frauqoife du Canada
ont mis dans leurs relations cett
fimplicité & cette vérité qui le
rendra toujours utiles , quoique l
fiyle en foit prefque ininteUïgibk
Ceux qui les ont fuivis , au lieu à
re&:ificr kurs erreurs , ifont fa'i
que les midtipUer , ou traveJHr leur
récits. Oiielques-uns ont même oj
exalter d'une 'manière atijfi ridicul
qu'outrée les Sauvages. S'ils n'a
voient prétendu faire qu'une épi
gramme contre les nations civdi
fées , 07t leur aurait peut-être par
donné; fimis ils ont cherché à fe
duire leurs contemporains &
tromper la pqfiérité. Le baron et
la Montait îrJrite en particulie
ce reproche : il a voulu ruétar/ior
JAVERTISSEMEKT. 22Î
pqfer tous les naturels de PAméri'
lie en grands pbilofopbes , C5? ^^^Z-
mreiiferdent fon ouvrage a joui
dtrefois d'une célébrité danger eu-
: Jean Jacques Rouleau y avoit
ème puijé bien des idées aujji fauf-
jS qu'étranges.
Un minijîre de Cleves , à qui les
iradoxes ne coûtent rien gf qui
kide toujours à tort & à trct-
•?rs , quand il cejje de mal raifon-
;t 5 fans être forti de l'Allema-
^ie 5 s'ejl cru obligé de rejeter in^
îjii}idtement tous les témoignages
\'s 7mjjionnaires & des voyageurs ^
pur accréditer fes propres rêveries.
omme elles ont jedtiit plufieurs lec^
:urs\ & qu'elles potirroieîit faire
aitre dJinjufces préjugés fur le
mipte de M. Foucbotyîwus croyons
jvoir tranfcrire ici le jugement
u M, de Bujfon a porté dufyjiê-
\ \e de ce mlnljïre , M. Pave, C'eji
i excellent antidote contre touvra^
K 3
233 Av ERTÎSSEMËNT.
ge de cet hardi détracteur de lefpec
humaine.
35 Jhwoîic, dit tiihijîre natura
33 Jijîe , que je n'ai pas ajfez de ccn
53 noijjances ( a ) pour pouvoir con
^ frniier ces faits, dont je doute
^y rois moins fi cet auteur n'en eii\
^ pas avancé un très-grand nombn
^ d'autres qui fe trouvent démen-
2,^ tiS:, OU dire bernent oppofés am
y, chofes les plus connues & lei
55 mieux confiatées ; je ne preîidra.
35 îa peine de citer ici que les mo-
35 numens des Mexicains '& des Pé-
35 ruviens, dont il nie l'exifience,
35 & dont néanmoins les veftigei
35 exifient encore ^ & démontrent
(a) Que ce langage eft différent
âe celui de M. Paw ! Un auteur étran
ger qui écrit dans notre langue, fe
croiroit-il difpenfé de prendre un ton
«honnête & modefte , tandis que le
premier écrivain de la nation s'en efl
toujours fait un devoir ?
A Y E K T ï s s E M E N T.' ^23
j^ la grandeur & le génie de ccspeu^
i pies 5 qu'il traite connue des êtres
[ Jlupides 5 dégénérés de l'efpece hu-
!, maille i tant pour le corps que
5 pour t' entendement. Il paraît que
5 A2. I\ a voulu rapporter à cette
j opinion ions les faits ; il les cboi"
j fit dans cette vue : je fins fâché
qu'un homme de mérite , & gui
3 d'ailleurs paroît être inffruît,
fefoit livré à cet excès de par"
3 tidité dansfesjugemens, & qu'il
3 les appuie jur des faits équivo-
3 ques. N'a-t-il pas le plus gravai
y tort de blâmer aigrement les voya-
5 geurs & les îtaturaliftes qui ont
3 pu avancer quelques faits fiifpe&s,
piiîjqm lui - mtme en donne beath
y coup qui font plus que fufpe^s ?
„ il admet ©* avance ces faits, dès
qu'ils peuvent favorifer fon opi-
nion ; il veut Cju'on les croie fur
,3 fa parole ^ fans citer de ga-
.3 rans. Far exemple , fur ces gre->
K4
^2^ A V E R T ï s S E IVÏ E N T.
^ nouilles qui beuglent , dit4l, corn*
55 me des veaux ; fur la chair de
^ l'iguane qui do?me le mal véné^
y^ rien à ceux qui la mangent ; fur
55 le froid glacial de la terre à un
53 ou deux pieds de profondeur, êfc
39 // prétend que les A?néricains en
55 général font des hommes dégéné-
j3 rés ; qu'il n'eji pas aifé de con-
35 cevoir que des êtres , aufortir de
leur création , puijfent être dans
^5 un état de décrépitude ou de ca^
ducité, & que c'efl-là l' état des
Américains ; qu'il n'y a point
de coquilles ni d'autres débris de
33 la mer fur les hautes montix»
^ gnes , ni 77iê??2efur celles de jiioyen-
55 ne hauteur ; qu'il n'y avoit point
j,5 de bœufs en Amérique avant fa
5.5 découverte ; qiûil n'y a que ceux
^ qui n'ont pas ajftz réfléchi fur
35 la confîitution du climat de l'A-
55 mérique , qui ont cru qu'on pou-
,3 voit regarder comme très - nou^
Avertissement. 23 f
veaux les peuples de ce conti-
nent ; qu'au delà du quatre-ving^
tleme degré de latitude , des êtres
confritués comme nous ne fau^
rotent refpirer pendant les douze
mois de l'année , à cattfe de la
denfité de l'batbmofpbere ; que
les Fatagonsfont dJune taille pa->
reille à celle des Européens , ç^r.
Mais il efi inutile de faire un
plus long dénombrement de tous
les faits faux ou ftfpeùfs que cet
auteur s" efi permis d'avancer^aveo
une coîifiancc qui indifpofera tout
'êfetir ami de la vérité''. Supplém.
iliift. n9.t, Tom. FUI. éd. i/i-ia»
3^7, 328, 3^9-
DES MŒURS
ET DES USAGES
Des Sauvages de l'Amérique Ssp^
tentrionale.
""ïï^-
\M^
A race d'honimes qui peuple
|:e grand continent , eft la même
par-tout , à peu de différence près,
lis ont généralement la peau coii«
leur de cuivre, ils paroilTent ordi-
nairement plus noirs , parce qu'ils
font élevés nucis , & à caufe de
i'ufage qu'ils ont de fe frotter Li
peau avec des grailles , des glaifes,
|ou des couleurs brunes ; ce qui
Ijoint à la malpropreté , leur rend la
j K 6
22 i Mém fur la dern. Guerre
peau encore plus noire qu'ils ne
l'ont naturellement. Ils ont une
marque très-diftinclive , celle de
n'avoir ni barbe ni fourcils. Ueft
vrai qu'ils ont attention d'arracher
les poils qui furviennent; mais ce i
np font que des poils folets. Si on
en trouve à préfeot qui ont un peu
de b^a'be , c'eft qu'ils font mé-
tifs Eoropé.ens.
Ils font généralement grands.
Leur taille eu de cinq pieds , 4,
5, 6 pouces, & au deflus , jufques à
près de fix pieds, ils font fort in-
gambes. Plufieurs ont de la phi-
fionomie. On apperçcit dans quel-
ques nations un air petit-maître.
Ils ont l'œil vif. Ils n'ont pas au-
tant de force en générai que les
Européens.' Les femmes font moins
bien de figure proportioneliement
Elles deviennent fort- graOTes, & flé-i
triffent de bonne heure. Il y a quel-
ques nations du côté des Chaoua-
de l'Amérique Septentr. %23
ons , qui font plus blanches ;
[uelques- unes le font même au-
ant que les Allemandes ; cela eft
iiéannioins très -rare.
j Ceux qui différent par la figa-
|e , différent auffi par l'art. Les
rêtes Plates & tous les Caraïbes
|)nt le front plat^ & le deffus de
ia tête élevé , parce que dans leur
ieuneffe on leur ferre la tètQ en-
[re deux morceaux de bois. Ceux
}ue l'on nomme Têtes de Boule
)nt la tète ronde, ce qui eil: partie
:ulier à plufieurs nations qui font
îans le N. O. de l'Amérique. On
lit que Ton a trouvé dans cette
Dartie des hommes barbus , ce qui
^il fort douteux. L'on ne tient cela
^ue des Sauvages, qui peuvent
avoir pris des Eipagnols pour des
naturels du pays , fe trouvant dans
la partie qu'ils occupent. Uiie cho-
fe frappante , c'eft que ceux qui
ont l'habitude de voir des bauva-
2 30 Além.furla dern. Guerre
ges , peuvent juger aux traits , ainfî
que par la façon de le mettre , de
quelle nation ils font, fans qu'ils
parient.
Chaque nation peut être regar-i
dée comme une famille raffemblée
dans le même canton. Les diffé-
rentes nations ne s'allient que très-
rarement entr'elles. Chacune ha«
bite un canton féparé de ce grand
continent. A moins que l'intérêt
national ne l'exige, ou que les guer-
res qu'ils entreprennent ne le de*
mandent, ils fe fi'équentent très-peu
& reftent ifolés dans leur diitrid.
Chaque nation efl divifée par vil-
lages, qui ne reiTemblent point à
ceux d'Europe. Un village fau-
vage a fes cabanes difperfées le
long d'une -rivière ou d'un lac , &
quelquefois tient une ou deux
lieues. Chaque cabane contient le
ciiefde famille, fes fils, petits- fils,
fouYcat les frères &; les foeurs;
de t Amérique Septentr. 2 5 î
aufiS il y en quelques-unes qui ont
Ijufqu'à €0 perfonnes. Cette caba-
Ine forme généralement un grand
quarrélong, dont les côtés n'ont
ipas plus de 5 à 6 pieds de haut
jElle eft faite d'écorce d'ormeau &
le toit de même , avec une ouver-
ture le long du faite , pour laifler
paffer la fumée, & une iflue aux
deux bouts, fans porte. On. doit ju-
ger par là qu'elles font toujours
Iremplies de fumée. On place le feu
ifous l'ouverture du faite , & il y
a autant de feux que de familles,
La marmite ell foutenue par deux
fourches & un morceau de bois
mis en travers , avec une cuiller à
pot, appellée Mikoine^ à côté. Les
lits font fur des planches à terre,
ou de fimples peaux , qu'ils appel-
lent Appkhimon , placées le long
des cloifons. Ils fe couchent fur
cette peau, enveloppés dans leurs
couvertes qui^ le jour^ leur fer-
2 3 s MênLfur la dern. Siierre
vent de vêtemens. Chacun a &
place particulière. Llionime & la
femme couchent accroupis , de fa-
çon que le derrière de la femme
cft contre le ventre du mari ; leurs
couvertes leur paOant fur la tête
<& fous les pieds, cela relfemble
aiftz à un pâté de canards. Les ca-
banes des Scîoux , dans les grandes
pleines du MiffiiTipi , font en for-
me de cône, formées avec des per-
ches & enveloppées de peaux de
bœufs illinois paffées ; ce qui fait
un joli effet.
Qiioique les Sauvages domici-
liés ou chrétiens n'ayent perdu
aucun de leurs ufages , ils font ce-
pendant logés plus commodément
que les autres, aux dépens du roi. Il
y en a même qui ont des cham-
i3res meublées pour recevoir les
Européens , lorfqu'ils vont les voir^
Leurs meubles confiifent dans des
mannites de différente grandeur ^
de T Amérique Septenîr. 233
jfuîvant leur befoin , & leurs ha-
ibillemens daïis leurs chemifes, qui
font coupées pour homme. Les
femmes fe fervent des mêmes. Ils
Iles veulent garnies ; les jeunes gens
jpetits-maitres , & les femmes les
iportent volontiers à manchettes bro-
îdées ou à dentelles. Ils ne les quit-
jtent plus jofqu'à ce qu'elles foyenÉ
ufées ou pourries. Les premiers
Ijours , ils les portent blanches ,
iaprès quoi ils les frottent avec du
jvermillon. Elles font rouges pen-
Idant quelque tems , jufqu'à ce
Iqu'elles deviennent noires par l'ufa-
Ige. On peut juger par là que la
[confommation qu'ils en font eft
|très-confidérabîe , ne les lavant ja-
mais. Ils quittent ordinairement
leurs chemifes pour fe mettre au
lit: l'homme couche tout nud ;
la femme garde feulement le met"
chkotê par décence.
.. Leur chauflure confifte en uni
^34 Mém.fnrhi dern. Guerre
efpece de guêtre d'étoffe de moU
leton frile 5 rouge , blanc ou bleu.
Cette guêtre eft coufue en long,
fuivant la forme de la jambe , &
a quatre droigts d'étoffe en dehors
de la couture. Ces quatre doigts
d'étoffe font brodés en rubans de
différentes couleurs , mêlés avecj
des deifeins de rafade ; ce qui for-j
me un joli efïet , lur-tout quandj
la jambe n'eft pas trop courte &
troup fournie , ce qui eft rare par-
mi eux. Outre cela, ils portent des
jarretières de rafade ou de porc-
épic, brodées , de quatre doigts de
largeur , & qui forment un nœud
fur le côté de la jambe. Les ban-
des des guêtres flottent prefque
fur le devant, afin de fe couvrir
le tibia contre les brouifailles.
Leurs fouliers font une efpece de
cliauflbn fait de peaux de chevreuil,
de cerf, ou de caribou, paiïés com-
me des gans de chevrCa^ auffidaux.
de VAmiri^te Sepfenïy\ 2 3 f
Le deflas du pied eft à grille , &
brodé avec un trouffij à la hauteur
de la cheville da pied , large de
jdeux doigts, aiuTi brodé avec du
Iporc-épic, terot de diiîérentes cou-
leurs 5 & de petites aiguillettes ea
cuivre garnies de poils i€mX.^ & de
petits grelots qui forment en mar-
chant. Cet ufage a pu être imagi-
né pour faire fuir les ferpens &:
les couleuvres 3 qui font en grand
nombre. 11 y a des fouiiers pour
Thyver , en forme de brodequins 9
qui font très-propres ; il y en 3
qui coûtent jufques à un louis;
& les moindres font de 40 f. à 3
livres. On voit des paires de guê-
tres qui coûtent jufques à 30 liv.
Les femmes portent un jupon , ap-
pelle machicoté^ fait d'une aune
de drap bleu ou rouge , de la
quahté de ceux du Berri ou de
Carcaflbnne. Le bas eil garni de
différents rangs de rubans ^ jau-
23 5 Mém.fur ladern. Guerre
nés , bleus & rouges , ou de la
tavelle angloiie. Cet ajuflement
relTemble à un jupon de coureur;
il n'eft tenu que par une cour-
roie fur la ceinture ; la chemife
paffè par deffus & le couvre. Ces i
femmes font chargées de colliers» !
comme des vierges décorées ; ce
font des rubans de porcelaine de
rafade , au bouc defquels font at-
tachées des croix de Calatrava , des
dès à coudre , des pièces d'argent,
qui leur tombent jufqu'au deffous
de la gorge , qui en eft prefque
couverte.
tiles ne fe percent point les
oreilles , comme les hommes, mais
elles portent des pendans faits en
chaînettes de laiton ou de rafade,
qui leur defcendent fort bas fur les
épaules. Elles portent toutes leurs
cheveux partagés en deux fur le
milieu de la tête , & arrangés de
façon qu'ils viennent couvrir une
de f Amérique Septentr, 257
jpartie des oreilles , & font enfer-
Imés derrière dans une queue qui
Heur tombe jufqu'à la ceinture.
iCette queue, qui a la forme de cel-
|le d'un langoufte , eft large de
Iquatre doigts par le haut, & en-
Iviron trois par le bas , & un peu
I plate. Elle eft recouverte de peau
'd'anguille , paiïee & peinte en rou-
:ge. Pluiieurs ont le deffus garni
d'une plaque d'argent de deux à
trois travers de doigts , & le bas
de petits triangles , auffi en argent ,
ou d'autre cliofe ; ce qui ne fait
pas un mauvais effet. Une femme
à qui on coupe cette queue fe croit
deshonorée , & n'ofe pas fe mon-
trer, jufqu'à ce qu'elle puiOe la re-
faire. Les cheveux des femmes leur
fervent à efloyer leurs mains de
toutes les grailles qu'elles touchent
fans celle Elles les ont très-noirs,
fort long?, lilfes & forts. Elles met-
tent queiquetois du veimiiion dans
2 3 s Ment, fur la dern. (Guerre
la raye de partage de leurs che.
veux & derrière les oreilles. Les
Abenakifes fe peignent tout le vi-
fage , quand elles font parées ; le
haut en brun rouge , & le bas en
vermillon. Les Outaouaifes portent
fou vent, au lieu de cheinifes , des
efpeces de braffieres de drap bleu
ou rouge, coupées en deux pièces ,
de façon qu'avec quatre ou fîx cor-
dons elles fe couvrent la moitié
du corps & des bras.
Les hommes , au lieu de ma-
chicoté, portent un braguet, qui
eft un quart d'aune de drap, qui,
leur paffant fous les cuifles,: vient
fe renverfer devant & derrière fur
un cordon à la ceinture ; quelque-
fois ce braguet eil brodé. Lors-
qu'ils voyagent , ëz qu'ils craignent
d'être échauffés par la laine, ils
mettent fimplement ce braguet
comme un tablier devant eux. Ils
portent autour du col, un collici:
de l'Amérique Septentr, S3f
bn pendant comme nos ehevaiiers
li'ordre. Au bout eft une plaque
id'argent grande comme une fou-
soupe , ou un coquillage de même
grandeur , ou un cercle de porce-
laine (a). L'avant- bras eft garni
îde braff^lets d'argent , de trois à
jquatre doigts de largeur, & le bras
d'une efpece de mitons faits de
porcelaine, ou en porc-épic, co-
lorés avec des aiguillettes de peau
qui forment une frange dans le
liaut & dans le bas.
Les Sauvages portent volontiers
(a) Les porcelaines du Canada
ront des coquillages que les Anglois
jappellent dam^. Elles fe trouvent fur
les côtes de la Nouvelle -Angleterre,
& fur celles de Virginie. Elles font
paiinelées, allongées, un peu poin-
tues & aife?. épaiifes , &c. Voyez ie
Ijournal du P. Charlevoix, T. V, de
riiift. de la Nouvelle- France, p. :^o§5
h voqagt de Calm dans l'Amer. Sepï.
T. Il p. 'lis (k fuiv.
£4-0 Mém fur la dern. Guerre
des anneaux à tous les doigts, La
tête des hommes eft plus ornée
que celle des femmes. Ils employent
quelquefois trois ou quatre heures
à leur toilette. On peut dire qu'ils
y font plus attachés qu'aucune pe-
tite maitrelfe en France. Le foin
de fe matacber ou barbouiller le
vifage artiftement en rouge , noir
& vert, avec des delTeins fulvis, &
qu'ils changent fouvent deux ou
trois fois le jour, ne laiffe apper-
cevoir de naturel que les yeux &
les dents 5 qu'ils ont fort petites,
mais très-blanches & la lèvre ver-
îîîeille. ils ne portent de cheveux
que de la largeur d'une calotte de
prêtre, coupés d'un doigt de long,
relevés avec de la grallfe, & pou-
drés avec du vermillon furleii^î-
lieu. ils îailTent deux mèches de
cheveux,qu'ils enferment dans deux
étuis d'argent, de la longueur du
ÀQ\gt, ou dans une queue faite avec
iin«
de f Amérique Septentr, 24 1
me broderie de porc-épic. Ils y ar-
rangent auffi quelques plumes d'oi-
[eaux, qui tbriiient une efpece d'ai-
i^rette. Quand un jeune homme a été
|i la guerre, il fe découpe le tour de
l'oreille & y attache du plomb 5 de
façon que le poids fait aîonger ce
partillage Se que cela forme une ou-
jrerture à pouvoir y mettre une mi-
:a(re roulée. Ils entortillent autour
m fil de laiton , & au milieu de
a circonférence , ils mettent des
|iigrettes en plume ou en poils co-
lorés. Ces oreilles leur viennent
jufques fur les épaules & y flot-
lent iorfqu'iis marchent. Quand ils
jroyagent dans les bois , ils fe met-
ent une ceinture autour du front,
jui contient les oreilles pour n'é-
re pas déchirées dans les fourrées.
Js ne confervent leurs oreilles
|}u'autant qu'ils font fages ; car dès
qu'ils fe battent étant ivres, ïh
e les déchirent; auffi y en a-t-il
Toms UL L
242 Mem.furladêrn. Guerre
peu d'un âge avancé qui les ayent
entières. Ils fe percent le tendon
du nez, & y mettent un petit an-
neau avec un petit triangle d'ar-
gent qui leur tombe fur la bouche.
Ils portent hommes & femmes,
fur les épaules une couverte , foit
en laine qu'ils achètent des Euro-
péens, foit en drap, ou en peaux
paffées. Il n'y a guère que ceux
de rintérieur des terres qui fe fer-
vent de ces dernières. Celles en
laine font des couvertes faites en
Normandie, d'une laine affez fine,
& meilleures que celles fournies
par les Anglois i qui font plus grof-
fieres. Four les enfans elles fontj
de la grandeur d'un point & d'un
point & demi. Pour les hommes ,
de deux &' de trois points. Apm
lés avoir portées deux à trois jours
blanches , ils les barbouillent de
vermillon , d'abord avec une croix
rouge. Quelques, jours après ilsi
de P Amérique Septentr. 1^43
'en couvrent ; ce qui contribue
'îicore à leur rendre la peau rou«
^e. Lorfque les filles ont quelque
leflein de conquête , elles peignent
burs couvertes de nouveau : celles
n drap font d'une aune & ua
uart de drap rouge ou bleu ^ de
\ qualité des machicotés. Us gar-
iffent le bas d'une douzaine de
iandes de rubans jaunes , rouges
le bleus , & de tavelle angloiie ^
jiiffant la largeur du ruban d'in-
l^rvalle d'un rang à l'autre. A l'ex-
êmité de ces bandes , on laiffe dé-
Dufus cinq à lix doigts de rubans
ui flottent. Ils recouvrent le haut
^rec des boucles rondes d'argent^
5 trois quarts de pouce de dia-
letre : tout ceci regarde rajufœ-
lent des petits maîtres, ou des
otites maitreffes. Les rxmiiies
Drtent volontiers des capots ou
pece de fiacs galonnés , des cha-
îaux bordés en faux , le côté du
L Q
a 44 ^^^^^'fur la dern. Guerre
bouton relevé , le refte abattu, avec
des plumets bleus , rouges ou jau-
nes. Ils n'ont jamais voulu porter
des culottes , même les chrétiens.,
malgré les foliicitations des niif.
fîonnaires.
Une chemife prefque noire ,
barbouillée en rouge, une vefte
galonnée ou glacée^ , un habit ga-
lonné déboutonné , un chapeau
détroulFé , quelquefois une perru-
que mile à rebours ; joignez à
tout cela un vifage auquel les niaf-
ques de Venife doivent céder pour
la fingularité , & vous aurez une
idée de la figure d'un Sauvage. Les
hommes portent une ceinture d'en
viron fix pouces de largeur en lai
ne de différentes couleurs , que les
Sauvage (les font avec un deQein h
flamme très - proprement. Ils fuf-
pendent à cette ceinture , leurs,'
miroirs , leur fac à petun , qui eflj
une peau de loutre , de cador , de
de t Amérique Septmtr. 24^
,chat,ou d'oifeau écorchée en entier^
I&: paffée, dans laquelle ils met-
jtent leur calumet , leur tabac &
leur briquet. Ils ont encore un fac
là plomb qui eft fait comme une pe-
jtite beface , où ils mettent leurs
jballes & leur plomb pour la guer-
|re ou la chafie. ils portent leur
jmiroir fur le cul & leur caffe- tête,
jlls ont une corne de bœuf en ban-
jdouliere où ils tiennent leur pou-
|dre. Leur couteau eft pendu dans
une gaine iiu col & leur tombe
fur la poitrine. Ils ont auffi un cou-
teau crochu , qui eft une lame de
couteau ou d'épée recourbée. Us
font beaucoup d'ufage de cet inf-
trument. Ce font là les meubles &
les richelTes des Sauvages , & dont
ils regardent la propriété auffi fa-
crée que celle de leurs enfans.
Les femmes & les filles fe tien-
nent hors de leurs cabanes , lorf-
qu'elles ont leurs menftruesj &
L 3
2<^6 Mém.fur h dern. Gtièrrt
n'y rentrent qu'après que le tems
en efl: palle & qu'elles fe font la-
Yees. Les Sauvages ne cohabitent
point avec elles dans ce tems , ra-
rement durant leur groffeffe 5 ainfi
que pendant qu'elles allaitent. Une
femme s'accouche ordinairement
toute feule ; elle fort de fa cabane
& s'accroche à des branches d'ar-
bres. Elles ne fe plaignent points
& trouvent étrange que les Euro-
péennes crient, hlles vont porter
leurs enfans dans l'eau pour les la-
ver & rentrent dans leur cabane;
malgré cela les mauvaifes couches
font rares.
Les hommes & les femmes ont
une amitié très - grande pour leurs
enfans. Ces dernières ont une at-
tention particulière pour eux , &
les tiennent fort proprement. Leur
berceau efl une planche fur laquel-ï
le elles enveloppent l'enfant dans!
^es peaux les plus douces. Elles y
'de F Amérique Septentr, 247
Iniettent defliis un duvet tiré d'u-
Ine efpece de jonc, pour qu'il ne
Is'échauffe point par fon ordure.
lElles obfervent de laifler fur le de-
|vant une petite ouverture , arran-
jgée de façon que l'enfant urine
jtoojours dehors. Si c'eft une fille
jelles y mettent un petit chenal d'é-
icorce d'arbre. La planche eft trouée
par les côtés , pour palTer les ban-
|des qui emmaillottent l'enfant. Les
Ipieds ont un repos, &audeiîusde
|la tête il y a un cerceau de trois tra-
vtvs de doigt, fur lequel eft attaché
un tapis d'indienne ou de drap le
plos propre qu'ils peuvent avoir 5
pour couvrir l'enfant.
Au haut de la planche , on atta-
che une lifiere pour porter l'en-
fant ; elles la paffent fur leur fro^aù,
& le berceau eft tout le long de
ilcurs épaules. Si l'enfant pleure,
elles le fecouent pour le bercer;
lorfqu'dles le quittent , elles le fuf-
L 4
2 4 s Mem. fur la dern. Guerre
pendent à quelque branche , de fa-
çon que l'enfant eft toujours de-
bout. 11 dortainfi, la tête penchée
fur répauîe. Lorfqu'ii eft malade ,
fa mère le tient couché , ne le quifc-
te pas de vue, & lui fait prendre de
petits remèdes qui font très -bons.
Si elle leur donne des lavemens ,
elle a une veffie à laquelle un petit
tuyau fert de canulle. Les Sauva-
gelTes allaitent leurs enfans deux,
trois ans , & plus; car ils quittent
la mamelle d'eux - mêmes. Ils vont
tout nuds jufqu'à quatre ou cinq
ans. A cet âge les filles portent
feulement un machicoté. Tous les
enfans des deux fexes ont une
petite couverte. Ils crient, pleu-
rent, & jouent entr'eux, fans que
les parens j faflent attention. Il eft
très -rare qu'ils les battent. Lorf-
qu'on eft obligé de les porter , l'en-
fant embralTe le col de fa mère & \
f€ tient à califourchon fur fes épau<
de t Amérique Septcntr. 249
es. Il y eft contenu dans la cou-
Inerte, ce qui le repofc. Hommes^
[emmes & enfans un peu grands
pnt chargés de ce foin. Quand
jls voyagent par terre , chacua
iDortefon petit paquet fur les épau-
jes fufpendu au front par un col-
lier. Leur fardeau eft tout dans
iine couverte pliée aux deux bouts
bar les cordons du collier , très-ar-
iiftement; ce qui ferme les deux
extrémités comme une bourfe (a).
I Les enfans jufqu'à l'âge de trei-
ze à quatorze ans , n'ont d'autre
)CCupation que de jouer ; les mâ-
es font de petits arcs , & y ajou-
ent des morceaux de bois qui ont
me petite boule à une extrémité.
Ils s'amufeot à tirer aux petits oi-
leaux , & ils y deviennent lî adroits
( a ) Cet ufage feroit très-bon pour
Vos foldats. Les Angîois PavoienI
idopté.
2^jo iPlém.ftîr ladern. Guerre
qu'ils les tuent fouvent Leur jeu
favori eft la croffe , dont s'amufent
grands & petits depuis 20 juqu'à
5operfonnes; ils y jouent même
gros jeu & y perdent tous leurt
meubles. Quel mal qu'ils fe faffent,,
ce qui arrive fouvent , malgré leur
adreffe , par la vivacité avec la-
quelle ils jouent , jamais ils nefe
fâchent.
Les filles font d'abord des pou*
pées 3 enfaite elles s'occupent à
coudre ou àpaffer des peaux. Cette
vie oifive leur donne de la malice
de très - bonne heure , & quelque-
fois à (^ ou 8 ans elles n'ont plus
leur virginité ^ qu'elles perdent en
jouant avec d'autres enfans. Les
parens n'y trouvent rien à redire,,
difant que chacun eft maître de
fon corps. Les filles confervent
cependant toujours un air de dé-
cence dans la façon de parler &
dans le maintien. Elles ne Coufûi^
ie t Amérique Septenfrt 2 %• i
oientpas qu'on leur touchât la gor-
k , ni qu'on leur fit des baifers ^
jur-tout dans la journée: elle&
bnt toujours en public très - en*
[eloppées dans leurs couvertes, 8c
jaarchent en faifant de très - petits^
j>as. Elles portent les pieds en de*
fans, ont le pas croifé, <& mar-
Ihent en petites maîtrelTes. Les
iLomaies marchent auffi le pied
1res - en dedans ; c'eft peut- être
j'ufage d'aller dans les bois, qui
ss forme à cette habitude pour ne
>as heurter les racines. Les filles,
[ui ont du tempérament , le fui-
ent; d'autres reftent fort fagesî
uffi par tempérament
Les garçons à l'âge de 14 ans?
ommencent à chaiîer , & même
:ont à la guerre. L'occupation des^
punes gens dans les villages eft lai
anfe, qu'ils quittent fouvent k
>eine fur les deux ou trois heures?
près niinuit La fille qui a. dm
l: €:
a ^2 Mêm.fur la dern. Guerre
goût pour un jeune homme, fe
place derrière lui en danfant , & le
fuit toute la veillée. Ces danfes
font des branles en rond ; le pas
des hommes eft prefque un pas
d'allemande; les femmes ne font
qu'une pfpece de tricoté fort court.
Leurs chanfons font généralement
très - libres. Celui de la tête chan-
te ; les autres ne répondent que
par un fyéé , en finale de cadence.
A la fin de chaque ftrophe tout fi-
nit par un cri général ; après quoi
on fait une petite paufe , & eniui-
te on reprend un autre couplet :
les femmes ne difent mot. Ils dan-
fent avec tant de vivacité , qu'ils fe
mettent tout en fueur. Ces danfes
paroiflent bien plus propres a for-
tifier la fanté , que celles des Eu-
ropéens,quî ne font pas fi fatiguan-
tes. Il y a d'autres danfes de céré-
monie 5 qui s'exécutent entre hom-
mes ; nous en parlerons ailleurs»
j ile t Amérique Septentr, ^ ^Î5
Ces danfes étant finies, ceux
j qui s'y trouvent fans deffein , rc-
! gagnent leurs cabanes pour fe cou-
Icher; les autreF ne s'en tiennent
!pas là ; la fille fuit le/garçon , fans
jrien dire , jufqu'à l'endroit où il
jveut fe coucher. Lorfqu'il eft au
lit, il lui dit, couche -toi. Alors
h fille fe déshabille , s'introduit
doucement fous fa couverte qu'elle
arrange avec la fienne , de façon
qu'ils fe trouvent enveloppés com-
me nous avons dit ci - delTus. Ils
reftent fouvent couchés jufqu'à 9
à 10 heures du matin ; après quoi
ils ne fe parlent plus de la journée»
D'autrefois , celui qui a du goût
pour une fille , attend qu'elle foit
retirée dans fa cabane , & que tout
y foit tranquille. 11 y entre alors »
va au feu, y prend un petit tifon al-
lumé , qu'il porte fur le vifnge de
la fille. Si elle pafle fa tête fous fa
couverte , il fe retire fans rien di-
s î 4 Mém-, fur h dern. Guerre
re ; fi au contraire elle fouffle fur
ie tifon , il îe jette & fe couche au»
près d'elle ( a ).
Les jeunes garçons font généra-
lement plus fages que les filles;:
il s'en trouve beaucoup qui, avant \
l'âge de vingt - deux à vingt - troi&
ans , n'en veulent pas connoître,
difant qu'ils ne veulent pas s'éner-
ver. Il eft même indécent à un jeu-
ne homme défaire l'amoureux d'u-
ne fille, il ne fe croiroit pas un
homme, s"il n'en étoit pas recher*
ché. Les coureurs de filles ne font
pas efîimés parmi eux. Quoi qu'il
y ait quelques filles fages , peu ce-
pendant réfiilent à leurs inclina-
tions ou à des préfens. Elles tirent
vanité du prix qu'on a mis à leurs^
appas , & ont attention de fe van-
ter tout de fuite de leur bonne for-
(a) C'eft ce qu'on appelle fouffcir
de P Amérique Sept en h\ a Ç f
:une , & de ce qu'on leur a don-
né, fur -tout fi cela regarde deg
phefs ou des Européens de confi-
Itération auxquels elles ne réfif-
bnt guère. Elles préfèrent un Sau-
nage à un Européen , & ce n'eil or-
iginairement que par intérêt ou
!par vanité, qu'elles fe rendent à
jeelui- ci. Si cela regarde quelqu'un
|de confidération , elles le difent
dans leur famille qui vient vous re-
mercier de l'honneur que vous leur
avez fait. 11 y en a qui ont de vé-
ritables inclinations & qui font fort
jaloufes; cela va même jufqu'au
tragique. Si elles aiment leurs
amants, elles élèvent avec foin &
avec gloire le fruit de leur amour ,
autrement elles fe font avorter;,
quelques - unes fe font empoifon»
nées. Dès qu'un couple eft arrangé^.,
les autres filles ont attention de
île point rechercher cet homme j,
& le renvoyent a fa maitreife. Si
2 <i 6 Mêm. fur h dern. Guerre
elles s'enlèvent leurs amants , il y
a pour lors bataille entr'elles.
On pourroit fuppofer trois fa-
çons d'aimer parmi les Sauvages ,
l^ l'amour de paffade, qui naît
d'une danfe , d'un préfent , &c.
2\ celui d'inclination , d'où fuit
une efpece de mariage de louage;
3'. Celui qui les engage à contrac-
ter un mariage légitime. Le pre-
mier & le fécond font fans confé-
quence parmi elles, & ne les em-
pêchent point du tout de penfer
au dernier, Plufieurs filles aiment
mieux refter au fervice du public,
Celles qui vivent dans ce liber-
tinage font fort fu jettes à fe faire
avorter. Malgré cette vie licen-
tieufe , où ils ne trouvent pas plus
de mai qu'au boire ou au manger ,
ils fe refpedent entre frères &
fœurs. Les Iroquois regardent méi-
me les coufins germains comme
frères , & ils ne veulent point avoir
de f Amérique Septentr. 257
;îe commerce entre proches. Si on
eur en demande la raifon , ils ré-
pondent que c'eft leur uiage. Il y
i cependant des nations du côté
lies Sauteurs, ou Ochibois qui 9
•lès qu'ils époufent une fille dans
jne famille ^ ont toutes les autres
Dour femmes. Les Outaouais &
JMiffifakes en prennent jufques à
jleux ou trois , s'ils fe croyent en
ïtat de les nourrir par leur cliaffe ;
:ela n'eft pas commun, Lorlqu'on
leur demande , pourauoi ils n'ont
qu'une femme , ils repondent que
:'eil pour la paix du ménage , par-
:e que fi une ett préférée , la jalou-
le des autres occafîonne des difpa-
j;es que le mari eit obligé de termi-
ber par le bâton, c^i une fille a une
inclination décidée pour un jeune
pomme , elle cherche à fe trouver
pu il eft; s'il voyage, elle prend
Ton paquet & le lui porte : fi le
jjeune homme a du goût pour elle ^
2^8 Mêm, fur la dern. GtièVre
il la mené à la chaflc avec lui , &
elle lui fert de femme tout ce tenis
là; il a foin d'elle , & au retour fou-
vent ils fe quittent ou reftent ma-
riés. Les femmes peiifent affez
comme les Turques ; elles croyeiitî
être au monde pour le fervice des
hommes & pour les foulager dans
leurs befoins domeftiques. Les
Sauvages fe marient quelquefois
par inclination , mais prefque tou-
jours par intérêt de famille , pour
s'allier ou pour acquérir un chat
feur dans la famille , le mari en-
trant dans la cabane de la femme.
Ainfi il efî avantageux d'avoir dès
filles dans une niaifon , puifqu'en
fe mariant 3 elles y font entrer desl
chaileurs, pour le foulagement desi
pères & des mères, liien des jeu^,
nés gens ne fe marient pas , pour;
fervir à cet ufage à leurs paren»
qui font vieux ( a ). \
(<ij Chez les Iroquois, la iignée|
de r Amérique Septentr, 2^9
I La cérémonie du mariage eft
fore courte. Si c'en: un mariage de
l:onvenance de parenté , les parens
e propofent entr'eux cette allian-
:e, & en avertiffent leurs enfans.
i'ils ont du goût l'un pour l'autre >
e garçon va s'établir dans la caba-
le de la fille & lui fait préfeiit d'un
'quipement en entier. Lorfqu'ii
fit couché il propofe à la fille de fe
oucher avec lui ; elle eft debout
côté de lui près du lit ; après s'ê-
re fait prier quelque tems , elle
s déshabille & fe met dans {qïï lit
iiodeilement. Parmi les Iroquôis
'etl une marque de coniîdération
e ne point toucher à fa femme ;
. y en a qui relient jufqu'à trois
aois , pour leur marquer davan-
uit toujours du côté de la femme:
s difent un tel fils d'une telle, dc-
Ignant la famille par ie nom de la
nere.
260 Mêm, furhdern. Guerre
tage combien ils les eftiment (a)
Le mari apporte toutes les pelleté
ries de fa chaffe à fa femme , qu
prépare les peaux pour leur ufagi
commun. C'eft elle ordinairemen
qui en fait la vente ; elle prend et
échange ce qui eft néceffaire poui
les beioins de la famille, le fur j
plus en bijoux de Pefpece quij
nous avons décrite , & en eau - de-
vie qu'ils revendent dans leur can.
ton , ou qu'Us boivent dans des ce-
rémonies. Le mari le charge d'a-
cheter les armes & les munitions
Ces femmes deviennent alors for!
{âges, accompagnent toujours leun|
maris , ainfi que la famille, ex-
cepté à la guerre. Elles font char-|
gées de cultiver le bled de Tur-
quie & dft le préparer, d'avoii
(û) Dans quel pays, & chez quel-
le nation , l'opinion n'outrage-t-ellc
pas la nature?
de l'Amérique Septentr. 261
)in de leur marmite , d'aller cher-
Iher le bois & les bêtes fauves qu'ils
nt tuées aux environs de la caba-
e. Souvent le mari rentre fans rien
ire , & allume fon calumet ; au
eut de quelque tems , il dit à fa
mime , j'ai tué une telle bête à-
eu ' près dans tel endroit du bois.
!)omme il a donné quelques coups
jle hache à des arbres fur cette rou-
ie, la femme part, l'apporte fur
es épaules & la dépouille ( a ). La
rie des femmes eil: fort pénible. Si
eur humeur ne s'accommode
)as avec celle de leur mari , ils fe
|uittent & partagent leurs enfans.
a mère prend par préférence les
iîlles ; fi elle eft bien mécontente
le fon mari , elle garde tous les
:nfans qui font toutes leurs ri-
j (a) Un Européen auroit bien de
la peine à trouvi^r cet endroit ainiî
Idéfigné.
s, 6 2 Me m., fur h de m. Guerre
clieiTes. Souvent ils fe remarient
tout de fuite.
Les longues réparations du nici^
ri & de la femme , fur- tout parmi
les jeunes gens , occaiîonnées par
lagrofTeffe &railaitement,font naî-
tre les divorces , parce qu'ils s'en-
nuyent d'être fans femmes. C'eft
ordinairement ce tems qu'ils pren-
nent pour aller à la guerre. Dans
cet intervalle ils en trouvent d'au-
tres avec lefqueiles ils fe remarient.
Il n'eft pas rare d'en trouver qui
ayent eu cinq à fix femmes ; plu-
ileurs cependant fe contentent
,d'une toute leur vie. La jaloufie oc-
cafionne auffi fouvent les divorces.
S'ils croyent que leurs femmes
manquent à la fei conjugale, ils
leur coupent le nez avec les dents
& les renvoyent.Ces exemples font
affez rates. Les Scioux ont une
punition plus extraordinaire ; lorf-
qu'ils veulent punir l'adultère , ik
j de l* Amérique Septênir, 2^3,
îlflfembleîît le plus de jeunes gens
(li'ils peuvent , quelquefois jufqu'à
p à4o ; après un grand feftin , ils
]!ur livrent la femme , dont ils
jluiffent tous à difcrétion : eofuite
i|; l'abandonnent; quelques-unes.
<|i meurent. Us appellent cette cé»
jjmonie, faire paffer par la praU.
ie. D'autres les tuent Un peut
durer que les infidélités des fem-.
î|es font rares , & bien moins de
||îns ont à s'en plaindre qu'en Eu-.
Jfpe.,
Lorfque les SauvagefTes devien-
:nt vieilles , ce qui arrive de bon-
heure 3 vers quarante ans , el-
3 font fans prétention. Elles ga-
lent alors de la confidération, &
int confuUées dans les affaires dé-<
ates 5 (ur - tout chez les Iroquois,
ù on les nomme Dames chi con-
il Elles entrent en effet dans les
•andsconfeiis de la nation, & y,
fluent beaucoup. lis ne décia-.-
^^4 ^i-'^' fur h dern. Guerre
rent jamais la guerre, fans les avoîi
confultées, & c'eft fur leur avi
qu'elle eft réfolue. A cette occa
fion elles exhortent les guerriers i
fe comporter courageufement , &
à faire voir à toute la terre qu'elle
ont des hommes en état de les pro-
téger. Elles leur enjoignent fur
tout de ne point abandonner leun
bleffés.
Les Sauvages ne s'occupent poini
cffentiellement de la chaiTe , lorf
qu'ils font dans leurs villages ; ili
îî'y chaffent ni ne pèchent qu{
pour vivre. Dans le féjour qu'ils )
font, ils s'aflemblent dans leunj
cabanes , prefque toujours dam!
celle du chef. Là , le calumet à laj
bouche , ils poUtiquent & repaf j
feot Ihiftoire de leur nation : ils yi|
parlent des traités, des intérêts]
qu'ils ont avec les nations étrange-'
res , & des voyages qu'ils ont faits
dans leurs guerres. Les jeunes
geni
de l'Amérique Septenîr. 2^f
■ensdéja formés écoutent pour fe
iiettre au fait des aâaires , & y
irennent cette émulation pour la
l;uerre , qui fait l'objet le plus ei-
bntiel de leur vie Les plus âgés
|3nt les chefs pour îe confeil ; ce
bnt eux qui dirigent ceux de guer-
c. Les Sauvages qui ont de trente
quarante ans , conduifent les jeu-
les guerriers. Par défaut de fubiif-
inces les Sauvages ne relient ja-
lais tous dans leurs villages. Ils
e cultivent pas du bled d'Inde
iffiiamment pour fe nourrir plus
e deux ou trois mois. Dès qu'ils
trouvent dans le befoin , toute
i famille part pour aller s'établir
u loin , fur - tout s'ils doivent 7
efter loiii^-tems. C'ed iiiyver
es j
ne les villages fe trouvent le plus
bandonnés , principaieiiient chez.
=s nations qui font des grandes
halles de caftor. Ils fe diiiribuent
lans tout Tintédeur du payss^qu'ik
.■ Tome m. ' M
26ê Mêm.fiiï la dern. Guerre
regardent comme appartenant à-
leur nation ; ils y vivent tous ilblés
le long des lacs , étangs ou riviè-
res près defquels ils croyent trou-
ver le plus de gibier. En arrivant à
leur deftination , ils y conilruifent
une cabane qui eil; toujours placée
clans quelque fourrée ou vallon ,
pour y être plus à l'abri des vents.
Ils font un amas de bois , à caufe
des mauvaifes journées de Tliyver.
Le mari & les jeunes gens le ré-
pandent autour delà cabane pour
cliaffer , quelquefois jufqu'à dix
lieues. Ils placent des filets fous la
glace pour prendre les callors , ou
s'ils en trouvent dehors ils les tuent
à coups de fuiii. lls'cliaQent les
ours qu'ils trouvent dans des trons
d'arbres , -ce qu'ils connoiffent à
l'écorce. S'il y en a quelqu'un de-
dans , ils l'entendent ruminer en;
léchant fa patte. Ils jettent du feu!
4ans le trou pour le faire fortir , ou
iîe f Amérique Septmtr. %6f~^
|ii font un dans le pied ^ par où lis)
enfument. L'ours preffé par ie-'
eu & ia fumée fort de fon tronc '
lù il eft tout debout 5 & dès qu'ils
voyent fur l'arbre ils y tirent ;
[uelquefois ils font obligés dei
ouper l'arbre pour l'avoir. Ils
lettent des pièges ou lacets pour
Tendre les renards , les loutres ,
2s martes Ils tuent auffi des loups-
erviers , des pichous ( a ) , des^
écans , des chats fauvages , des'
ats mufqués , des rats de bois, des
ribous , des orignals ( ô ) , des
hevreuils , dont la plus grande
haiîe fe fait en été , quelques
erfs , des heriffons , des perdrix,
ui font les géimotes d'Europe ,
ï des dindeSjGui y font très^abon-
antes dans certaines parties. Ils
(û) Le pichoii eft le eliat-cervier.
(//) Ces deux dernières efpeces
'animaux fbni; aifez rares.
M %
2<J8 Mêm.furladern. Guerre
mangent de toutes ces viandes, ex-
cepté da renard , des loutres , &
des pécaiis. ils tendent auffi des fi-
lets fous la glace pour prendre du
poilTon ; ils coupent par morceaux
ces animaux , apî:ès les avoir dé-
pouillés proprement, mettent ces
quartiers de viande fur des efpeces
de grillages qu'ils forment au def-
fus de leur feu pour la faire fécher
& boucanner à la fumée. Cette
"viande leur fert pour les jours qu'ils
îie font pas bonne cliaiTe , ou que
le mauvais tems les oblige de ref-
ter dans leurs cabanes. On croi-
roitpar l'énumération des animaux
que nous venons de faire , que
les Sauvages doivent jouir d'une
\ie lieureufe ; mais leur parefle ,!
les mauvais tems & la rareté du!
gibier dans certaines parties, les ré-
duifent quelquefois aux plus extré-j
mes néceffités , & les obligent
chercher quelques racines pou:|
de t Amérique Septenfr. 2^§
livre, fouvent même en font -ils
liépourvus. Il y en a eu qui ont
|;té réduits à manger leurs efcia-
jTS 5 & quelquefois à fe manger
[ntr'eux : réloignement de toiit
lècours 5 les mauvais tems & les
livieres gelées les retiennent nial-
rré eux dans les cantons où ils fe
jrouvent Ils changent fouvent
le demeure, pour fe mettre plus à
liortée de la chalTe.
Lorfque les grands froids font
laiïesj & que les. glaces commen-
ent à fondre , la nature eft déjà
n mouvement , & les arbres qui
toient gelés ont une eau , entre la
^conde écorce & le bois , qui n'elt
as encore la fève , mais qui la pré-
éde environ d'un mois. Qiiand
n leur fait une inciiion un peu
bliquement, & qu'on y adapte
ne lame de couteau , ou un bout
écorce , il s'écoule de cette bief-
ire une eau qui , bouillie , donn©
M i
5^-70 3Iêm, fur la dern. Guerre
:nn feî amer , ou doux , fuivant îa
qualité des arbres ; celui de noyer
& de cerifier eii dans le premiei
xasr Pielque tous les arbres ren.
dent de cette eau qui pourroit être
de quelque ufage , même en mé-
decine. L'érable & le plane ou
|)latane en ont une qui eft fi douce,
^qu'elle forme un fort bon fucre,
Elle eft également douce , rafi-aî;
chiiTante & fort faine pour la poi-
trine; lorfqu'oii la fait bouillir, or
en forme de la caffonade ou àt\
.pains d€ fucre rouilâtre , qui i
lin peu le goût de la manne, mais
agréable , & dont on peut niangei
en telle quantité que Voa veut,
fans craindre qu'il fade mal , com-
mue le fucre de canne. Les ^ auva-
ges , qui dans cette faifon ne peu-
vent chaffer , ni pécher , à caufe
des fontes des glaces , & que le!
poiflons ne montent pas encart
dans les rivières a vivent de cettt
de t Amérique " Ssptentr. ■ . 271-
banne pendant quinze jours ou
m mois.
Ces arbres donnent abondani-
tient de cette liqueur, qui ne cou-
e que lorCqu'il a gelé dans la nuit
& que le lendemain il fait foIei|.
Si le tenis eft couvert ou qu'il pleu-
,^65 les arbres ne coulent point.
Z'tik une obrervation curieufe pour
les naturaliftes. On ramaiXe ce fuç
laiis une chaudière ; ou une petite
luge de bois , une ou deux foi^
)ar jour ; il peut fe conierver queL
jue tems. On le fait bouillir dan$
.le grandes chaudières, le fel qiril
brnie a: ors eft le fucre. 11 efc ex^.
'-^''ent pour les rhumes. On eii
.._ de très -bon firop avec le ca^.
)iiiaîre3 quoiqu'avec le goût de
)apier brûlé. Il eil bon encore-
)oar toute forte de confitures ^
end le chocolat excellent, & s'ac*
toiumode bien foit avec le lait ,■-
l'oit avsc le café ^ auquel il donne
M 4
2^2 3Iem, fur la dern. Guerre
cependant un goût de médecine
défagréable. Il n'eft pas douteux
quePon pourroit trouver ce même
fucre en Europe, fur- tout après
des hyvers froids, fi on le cher-
choit alors dans les arbres un peu
gros.
Les glaces étant fondues , lés
Sauvages trouvent beaucoup de
cygnes , d'oyes , d'outardes , de
canards, de farcelles , de pluviers,
de bécaifes & de bécaffines qui
reviennent du fud de l'Amérique
repeupler ce pays. On ne peut ex-
primer la quantité prodigieufe qui
Ven trouve dans cette faifon jut
qu'à ce qu'ils fe foyent fixés dans
de grands étangs & dans les ma-
rais , pour y faire leurs nichées.
Dans ce même tems les poif-j
fons commencent à Ibrtir des]
grands lacs pour remonter les ri-i
vieres, & comme prefque toutes]
afont qu'une efpece de petit canali
de P Amérique Septenfr. 273"
leurs embouchures , où il n'y a
as ordinaireaient plus de 2 , 3 à
pieds d'eau , les Sauvages ies at-
^ndent dans ces paiïages pour les
arder , à quoi ils font très-adroits.
,3 quantité qui en remonte, fur-
3ut certains jours, eft inconceva-
le. C'eft la carpe qui paroît la
remiere ; il y en a de deux for*
îs 5 une comme celle d'Europe,
lais moins bonne, une autre et
ece qui a des loupes fur la tête»
in les nomme gale-iifss ; elles font
iralTes & fort bonnes ; on en voit
lommunément de fix à douze li-
Ires. Vient enfuite la barbue , qui
jft unpoiiTon à tête plate , ayant
uatre grands barbillons à côté de
i bouche, fclle a le goût & la cou-
pur de la tanche , & pefe depuis
!eux jusqu'à fepi hvres. Les étur-
eons ont de cinq à fept pieds de
3ng. Vers les mois de Mai & de
uin a on trouve des brochets dQ
M %
S74 Mêm. fur la dern. Guerre
fept à quinze livres 5 des mulets,
des truites faunionnées de ï 5 à ig
livres , des achigans dorés & verts.
Ce dernier poifibn eft court , plat
& le plus délicat de tous. Le maC
tilongé, qui vient de 10 à 2s li-
vres , eft une efpece de brochet-
truite très- bon , ainii que lepoit
fon doré qui a la figure du mer-
lan; il eft très-bon & pefe de . à 12
livres. On trouve toutes les efpe-
ces de poiffons d'iiurope , comme
-des perches de 3 à 4 livres, des lot.
tes de même grandeur, & des an-
failles fort grandes Se très - bon-
;Bes.
; Dans les lacs , au deffus de h
chute de ^.iagara, on ne voitplui
.d'éturgeon ; mais il d\ remplacé pai
Je poifiTon blanc , qui eft très abon;
dant'& fort bon , & par une efpeqi
de hareng plus délicat que ceîu!
berner. Lorique cepays fera bieil
habité par les Européens , les m
de FJ^iérique. Scptciifr» a/f
q!ies deviendront une branche con-»
dérabk de commerce. Four lou-
es ces pêches , les Sauvages ie fer-
eut d'un dard qui eit comporé dé
Ideux morceaux de fer , longs de
à 12 pouces, pointus ^ & de
Ideux crochets renverfés , comme
|daiis rhameçon , mais non pas auffi
jgrands proportionnellement Us
iajuflent ces deux morceaux de fer
au bout d'une longue perche de
î o à 1 2 pieds & plus , féparés l'uri
de l'autre d'un quart de pouce. Ué
attendent dans les gués ou dans les
rapides les poiffbns à leurs paflages
& les dardent ; il eft rare qu'ils leà
manquent. Ils les pèchent auffi là
nuit dans leurs canots. Us y allu-
ment au dedans des coupeaux dé
bois de cèdre ; un homme efl de-
bout fur l'avant evec fon dard, tan-
dis qu'un autre,fur le derrière avec
fon aviron , conduit le long dii
rivage le poifîbn qui vient badine^
27^ Mmuftir la dern. Guerre
à la clarté. Ils le dardent jufqu'à
dix pieds au deffous de la furface.
de Peau , & un poiffon de la groC
feur du bras ne leur échappe pas.
L'été ks Sauvages s'attachent
fur - tout à la chaffe du chevreuil;
comme cet animai eft perfécuté par
les moucherons , les mouftics , que
nous nommons coufins , & les
brûlots j infecles prefque imper-
ceptibles , dont les bois font rem-
plis j, il cherche le long des rivie-
îes des endroits où il y ait des giai-
les ; il s'y vautre dedans , pour fe.
faire un enduit qui le garantiffç
de ces piquures.. Les Sauvages
çonnoinTent ces endroits , l'y atten-
dent à l'aftut , & en tuent plu-
fieurs dans un jour. Vils lui don^
nent chaile dans le bois , ils n'ont
pas bçfoin de chiens , la neige leur
cft favorable , à caufe de la pifté
qu'ils voyent. Dans les autres fai-
fons , q^uaui la feuille eft un peà
de t Amérique Septenfr, 27 f
aouillée , & qu'elle ne fait pas du
iruit lorfqu'on y marche deiTus ^
J'eft le teins le plus favorable. Un
tauvage reconnoît d'abord le pied
lie l'animal , par la terre foulée ou
|)ar des feuilles renverfées ; il juge
n^me s'il eil loin ou proche ; iî
uit la piile doucement , regardant
oujours à droite & à gauche pour
appercevoir ; il contrefait quel-
juefois le fan. Dès qu'il Papper-
oit, iî s'arrête & ne marche plus
jue Taniaial ne fe remette à man-
der ; s'il levé la tête , le chaffeur
elle dans Tattitude où il fe trouve r
1 l'approche jufqu'à ce qu'il foit à
Dortée de le tirer. S'il efl: bleffé, il a
ine fagacité furprenante pour le
fuivre à la trace du fang : il eil très-
rare qu'il revienne fans apporter fa
Iproie.
Lorfque les Sauvages font à por-
tée des Européens, ils traitent avec
sux du furplus de leur nécefl&ir^:..
S78 Mém. fur la dum. Guerre
Pour conferver la chair du che-
vreuil qu'ils gardent , ils lèvent les
plats côtés qu'ils font bien bou-
canner , après quoi ils les roulent
comme un cuir & en découpent
des morceaux. lorfqu'ils n'ont
pas de Tiande fi-aiche, cela n'eft
point mauvais. Ils confervent tou-
tes les cervelles de chevreuil , pour
pafler leurs peaux ; ce qui les adou-
cit aoffi parfaitement que les pré-
paratioU'Sde nos tanneurs. Four em-
pêcher qu'elles ne fe roidiŒent,
loifqu'elles ont été mouillées , ils
les boucannent. Cette opération fe
fait en ramadant du bois pourri;
ils élèvent des bûchettes autour,
en forme de cône , & les recou-
vrent de ces peaux. Ils mettent le
feu deflbus', qui donne beaucoup
de fumée que ces peaux reçoi-
vent par - tout ; enfuite pour ôter
l'odeur & la craffe de la fumée, ils
les lavent. iliesTedevienneiit alors
d^ l'Amérique Septentr, 279
jtrès - blanches & très - Toupies , &
ne fe roidiffent pas plus que nos;
peaux paffées à Thuile. ils con fer-
vent le faia-doax des ours dans
des veffies , parce que cette graiffe
ne le fige pas , à moins qu'elle ne
foit mêlée avec celle des chevreuils.
Elle eit au délias, par fa délica-
itiÏQ , de la graille d'oye. On peut
mêaie s'en fervir dans la falade, qui
eft meilleure qu'au beurre.
Un trouve dans les bois, aux
mois de Mai & de Juin5du cerfeuil ^,
des petits oignons fort bons3&: des
aulx plus doux & plus gros que les
nôtres, ils ont la forme d'une poi-
re , & les Européens s'en ferveov
avec fa ccè s , comme un remède
contre le Rorbut , que les Sauva^.
ges (a) ne connoiffent point par-
' ( G ) Ils n'en mangent point , com-
me nous, crus. Ils font cuirs toi^
feurs herbages, ... r
2io Mêm. fur h dern. Gtfêrre
mï eux , non plus que la goutte &
les rhuiiiatifaies , quoiqu'ils foyent
toujours couchés à terre , à ia pluie
& à l'humidité.
L'automne , les Sauvages man-
gent des noix & des châtaignes ^
mais comme les arbres qui les por-
tent ont en général de 60 à ^o
pieds de tronc , fans branches , &
qu'il feroit bien difficile d'y mon-
ter 3 ils les coupent pour ramaffcr
les fruits. Ils font bouillir les
noyaux dans leurs chaudières , &
en tirent de l'huile pour leur ufa-
ge ; ils mettent volontiers dans^
ces chaudières de toute efpece de
viandes mêlées avec du bled d'Inde
eoncallé , dont ils mangent , fans
la retirer de deffus le feu. Lorf-
qu'ils ont foif , ils avalent une plei-
ne mikoine de bouillon. Ils boi-
ytnt rarement de l'eau pure. Jls
îî'ont point d'heure réglée pour
leurs repas j ils les prennent ioujÇ'
ie V Amérique Sepîenîr, i%\
©u nuit , quand ils ont appétit, ils
lufent rarement du fel , quoiqu'ils
[le trouvent fort bon,
^ Nous n'avons pas encore parlé
delà chafle la plus abondante de
l'Amérique , celle des pigeons aux-
quels les François ont donné le
nom de tourtes. La quantité qu'il
îy en a depuis le mois de Mai jul^
iques en Septembre , pourroit paC-
ifer pour une fable \ il en pafTe des
'vols qui durent deux à trois heu-
|res de fuite, & ii épais que l'on
ipeut dire qu'ils font ombre : cela
[dure toute la journée. On ne le
donne pas la peine de les tirer au
îfufîl ; on les tue avec une longue
! perche au bouc de laquelle on a
llaiffé une feuillée. 11 ell arrivé à
des particuliers à\ïi tuer de cette
façon des centaines. Ils nichent
dans les bois, qui en font couverts
jufqu'à quatre lieues de longueur
fur Une demi - lieue de largeur.
:2 8 ^ IMem. fur la dern. Guerre
Dès qu'un Sauvage annonce à fon
village qu'il a trouvé une nichée ,
on lui lait préfent d'un équipe-
ment pour cette bonne nouvelle :
tout le village fe tranfporte dans
le bois ; hommes , femmes & en-
fans vont s'y établir, pour manger
les œufs & les pigeonneaux , tout
le tems que la couvée dure. Cela
arrive dtux fois l'année , & on ne
s'apperçoit jamais d'aucune dimi»
iiution.
Les Sauvages voyagent à pied
ou en canot. Les voyages à pied
dans l'été font toujours courts. Les
Iroquois & ceux qui habitent le
long de i'Ohio , ont des chevaux
qu'ils ont volés aux Anglois qui les
tiennent pour paître dans les bois.
Ils en ont u^i affez bon nombre,
mais ils n'tn élèvent point. Dans
les voyages à pied chacun porte
fon paquet , qui contient tous les
iftenfiies de ménage ^ & dont Ic:
- de l'Amérique Septentr, 283
coliier paiTe fur les épaules , & fur
ie front aux femmes , à caufe de
îeur gorge. Ils campent de bonne
heure. Les femmes & les enfans fe
font une cabaue de feuillage & al-
lument le feu. Les hommes vont .à
la chaffe pour trouver de quoi lou-
per. Siellen'eft pas bonne, ils ie-
journent pour avoir du moins une
petite proviiîon , & vivent ainiî
d'un jour à Fautre, hn Sauvage
part fouventfeul, pour aller à 60
.00 lûo lieues dans les bois5ri'ayant
que foo fufil , du plomb , de la pou-
.dre^ un briquet , un couteau , foîi
jcalTe-tête & une petite marmite.
Lorfqueles Sauvages ont quelques
.-rivières à palTer , ils font des pe-
tits radeaux de brins de bois légers
.qu'ils attachent avec des harts , &
avec un aviron qu'ils font, ou un
long bâton. Ils le mettent debout
fur une extrémité, & traverfent
ahifi des rivières auflî grandes que
le Rhône & le Rhin.
284 Mêm.furladern. Guerre
Les voyages à pied Tété foni
les plus fatigants , à caufe des ma-
rais , des bas - fonds pleins d'eau
quife trouvent toujours encombrés
de pins ou de cèdres renverfés. 11
s'en trouve fréquemment d'un
quart ou de demi-lieue de largeur;
auffi ne voyagent - ils guère de
cette façon que pour la guerre.
Quoique la faifon foit plus rigou-
reufe l'hyver , on y a néan-
moins l'avantage de trouver les ri-
vières gelées , & les bois pleins de
neige, qui couvrent ces abattis. Au
moyen de leurs raquettes , quel-
que incommodes qu'elles paroif-
fent d'abord quand on n'y efl pas
accoutumé , ils franchiffent coûtes
ces difficultés. Ces raquetttes ont de
4 à 5 pieds de longueur , & envi-
ron deux pieds dans leurs renfle-
mens faits avec des nerfs d'ani-
maux. Ils paflentla pointe du pied
dans un pâton qui le trouve en-
^ de l'Amérique Septentr. 28 f
iron aux deux tiers , formés par
les courroies pafiTées derrière le ta-
on & defius le pied ; ils Taffujet-
ifîent de façon que le talon puilTc
l'élever, il faut marcher en fau-
chant & le pied fort en dedanSsHu-
rement on s'accrocheroit. Si ou
|;ombe,on a de la peine à fe relever.
Les Sauvages n'ont pas cela à crain-
ire. L'éiallîcité de la raquette vous
3orte en avant , & vous foulage
ians la marche ; ce qui dédomma-
ge de fon embarras. Elle n'entre
pas plus de 4 à 5 pouces dans la nei-
ge la plus légère, ils font auOi des
traînes , pour porter leurs équipa-
ges , fort commodes. Ce font deux
raquettes d'un bois dur & fouple ,
de 10 à 12 pieds de long. Elles fer-
vent à conftruire uneefpece de traî-
neau , de la largeur dlm pied à un
pied,& demi, dont le fond eft formé
jd'une écorce de bouleau ou de bois
jd'orme , & le devant relevé en de-
s 8^ Mém. fur la dern. Guerre
m\ - cercle pour fiirmonter la nei-
ge, ils y attachent au defTus leurs
équipages. Avec leurs colliers paf-
fés fur les deux épaules , ils le ti-
rent après eux , ou le font tirer par
un chien. Ce traiiieau peut porter
%o livres. -
. Ils campent de bonne - heure
dans des fourrées . en fe ménageant
un abri du côté du vent, en forme
de demi-toit, avec deux fourches
qui ibutiennent de petites perches
qu'ils couvrent de branchages de
pruche, feuillage plat, pu de joncs
ramaffes dans les marais. Au de-
vant de cet abri on fait bon feu.
Cet arrangement, tout finiple qu'il
cil, eft préférable à une tente ou
sanonniere dans laquelle on gele-
roit , parce- qu'on ne peut pas y
avoir aflez de communication avec
le feu. Dans leurs voyages , les
Sauvages fe précautionnent contre
k froid; leurs fouliers , quoique
(k r Amérique Sepîentr. ^§7.
'unefimple peau paffée , font fort
liauds, parce que la ntlgt eft fi.
xhe qu'elle ne donne point d'hu-
îidité, ils s'enveloppent les pieds
vec des morceaux de couverte , &
?s côtés du foulier forment un
rodequia qui empêche la neige
'y entrer: les pieds geîeroient
vec des fouliers européens, ce
ue plufieurs ont maiheureufement
prouvé. Les Sauvages ferment
im couverte dans le bas avec leur
einture , & la font monter fur la.
ête en forme de capuchon ; ils
arrangent il bien , qu'on ne leur:
écQUvre que le nez & les mains..
Is ont des mitaines de peau ou de
H':; elle, pendues a leur col par:
n cordon ; ce qui vaut mieux que
es gands , parce que les doigts-
fparés font plus fufceptibles de fe
'eier. Us font des bonnets CCuW-
[uarré d'étcffe , dont ils coufent
n côté qui recouvre bien le col &
288 Mém^furhdern, Gmrrt
les oreilles. On entre dans ces dé-
tails 5 parce qu'un pareil ajufte-
inent feroit fort bon pour des trou-
pes qu'on voudroit faire marcher
i'hyver , & éviteroit bien des
maux au foldat. S'ils s'apperçoi-
yent que quelque partie du col ou
du corps ait gelé , ce que l'on con-
noît fur le champ par la blancheur ,
ils prennent de la neige & s'en
frottent jufqu'à ce que le fang ait
repris fa circulation. Ils ont atten-
tion de ne poinc approcher le feu ;
car fi cette partie dégeloit par la
chaleur , elle tomberoit en pour-
riture. Le plus grand inconvénient
dans ces voyages , c'efl , au prin-
terns , la réverbération des rayons
du foleil fur la neige ou la glace ;j
elle eft capable de faire perdre laj
Yue plufîeurs jours avec des dou-j
leurs fort vives , à caufe de l'in-i
flammation qu'elle caufe aux yeux:!
il n'y auroit d'autre remède que
l'tifagc
de T Amérique Septentr, 289
rufage des lunettes de verre co-
loré.
Les canots d'écorce d'orme ne
font pas d'ufage pour les grands
ivoyages; ils font trop frêies. Lorf-
jque les Sauvages veulent faire un
îcanot d'orme , ils choifnTent le
|tronc d'arbre le plus net , dans
jtout le tems que la fève dure, lis
ile cernent de haut en bas de la lon-
jgueur de î o , 1 2 & î 5 pieds 5 fui-
lisant la quantité de monde qu'il
âoit porter. Après l'avoir enlevé
tout d'une pièce , ils en ôtent le
lus raboteux du dehors de l'écor-
e , qui doit faire l'intérieur du ca-
lot : ils font des liiTes de la grof-
^eurdu doigt, & de la longueur
|ue doit avoir le canot, & eni-
Dloyent pour cela de jeunes chê-
les ou d'autre bois doux & fort :
Is paffent les deux grands côtés de
l'écorce entre deux liffes ; & des
terceaux auflî de brins de bois^
Tome m N
â90 Mêm, fur h dern, Giisrre
flennent aboutir dans les lifles dit
tantes les unes des autres d'envi-
ron deux pieds. Ils coufent les deux
extrémités deTécorce avec des la-
nières tirées de la féconde écorcc
d'orme , ayant attention de rele-
ver un peu les deux extrémités
qu'on noniaie pinces , & de faire
un renflement dans le milieu , &
une courbure dans les côtés, pour
l'appuyer contre le vent. 5'il y a
quelques fentes, ils les coufent
avec ces lanières, les recouvrent
avec des réfines qu'ils mâchent , &
retendent deffus en l'échauffant
avec un tiion. L'écorce avec les
liffes font arrêtées par ces lanières.
Ils ajoutent un mât d'un morceau
de bois, & une traverfe, pour fervir
dé vergue. * Leurs couvertes leur
fervent de voile. Ces canots por-
tent depuis trois jufqu'à neuf per-
fonnes & tout leur équipage. Avec j
C€S fréies bâtiments ils entrepren-
de t Amérique Septeritr, âf ï
ifîent quelquefois des navigations
fur les lacs d'une douzaine de
lieues. Ils font affis fur leurs talons
fans fe mouvoir, ainii que leurs en-
[ans ^ quand ils font dedans ; car
our peu que l'on perde Téquilibre,
outela machine tourne; ce qui
l'arrivé cependant très - rarement;
jue par quelque coup de vent,
.eurs avirons ont de 4 à 5 pieds*
.a vue feule d'une pareille voiture,
ui n'a pas trois pouces hors de
eau 9 a liirement de quoi épou-
ranter un Européen. Si le canot
10 urne , ils le remettent fur fon
pnd en nageant, & remontent de-
ans par une des pinces. Lorfqu'ils
jbordent, ils ont grande attention
le ne pas le laiOer échouer, par-
e qu'il s'écraferoit ; iis le portent
I terre , & le remettent à flot pour
p rembarquer. Ils fe fervent parti-
luliérement de ces bâtiments dans-
rurs partis de guerre Ils en font
N a
292 Mém. fur la dern. Guerre
par -tout où ils ont des rivières i
defcendre ou à remonter.
Les canots faits d'écorce de bou-
leau font bien plus folides & plus
artiftement faits. La carcaffe de ces
canots eit foite avec des languettes
de bois de cedre, qui eft fort doux
& qu'ils rendent auffi mince que
les languettes de fourreau d'épée,
larges de crois à quatre doigts. El-
les le touchent toutes les unes avec
les autres, (& vont aboutir en poin-
te entre deux liffes. Cette carcaife
eft recouverte d'écorces de bou-
leau , coufues enfemble comme des
peaux 3 arrêtées entre les deux lif-
fes 5 & ficelées tout le long des lif-
fes ' avec la féconde écorce de la
lacine du cedre , comme nous en*
tortillons nos ofîers autour des cer-
cles des tonneaux. Toutes les cou-
tures & les trous font couverts
avec de la réfine mâcliée , comme
ils le pratiquent pour ceux d'orme
de V Amérique Septentr. 295
On y met des traverfes pour le con-
tenir, qui fervent de bancs , & une
longue perche , qui prend de l'a-
vant à l'arriére, dans les gros tems,
pour empêcher d'être brifé par les
îecouffes du tangage. 11 y en a
de 3, de ô", de 12, jufqu'à 24
iplaces ; ce qui eft défigné par les
Ibancs. Les François font prefque
les feuls qui fe fervent de ces ca-
inots pour leurs grands voyages.
[Ils portent jufqu'à trois milliers :
iquatre hommes peuvent les por-
jter dans les portages ; deux hom-
mes fuffifent aux autres. Ces pe-
tits bâtiments elTuyent des coups
de vent qui embarrafleroient bien
ides vaiffeaux. On doit feulement
iprendre garde à ne pas les laiiïer
I échouer. S'il s'y fait des trous , om
porte avec foi des écorces pour y
mettre des pièces. Ce bâtiment
fert auffi de cabane ; on en relevé
un coté p qu'on appuyé fur unoE
N 3
S^4 Mêm. fur la dern. Guerre
deux avirons ; enfuite on fe coa-
che deiTous à l'abri du vent, t'eft
le cabanage ordinaire dans les
voyages Se à la chaffe.
Si l'homme a été créé pour être
le m:^jtre de la terre , on peut di-
re qu'il ne paroit l'être véritable-
ment que dans cette partie du
monde : n'étant allujetti qu'à fes
Yolontés, fans loi qui le géoe;
pouvant iàtisfaire à tous fes belbins,
qui font peu nombreux , il vit
réellement libre, i'our le malheur
des Sauvages^ nous fommes arri-
vés chez eux , & nous leur avons
appris à fe fervir de nos étoffes pour
leurs habillemens. Ils ne fauroient
àpréfent fepaffer de la poudre &
de l'eau - de - vie , fans que la ma-
jeure-partie ne pérît. Cette né*
ceffité les fait relier tranquilles, %
l'égard des Anglois qu'ils n'aiment
pas & qu'ils méprifent, parce -que
leurs négociants s'efForcent de les
de t Amérique Septentr. 2 9 f
tromper. Les Sauvages avoient au-
trefois des ufages & des uftenfiles
auxquels ils auroient bien de la
peine à s'accoutumer aujourd'hui.
Ils faifoient de la poterie , ils ti-
roientle feu du bois ; & leurs flè-
ches fourniflbient à leur nourritu-
re. Ils fabriquoient des aiguilles
& des hameçons avec des os de
poiffbn. Le nerf des animaux leur
ïert à coudre; ils le féchent, le
battent , & en le divifant ils cii
tirent un iîl auffi fin qu'ils veulent.
Leurs femmes font adroites & in-
du ftrieufes à donner de l'agrément
à leurs ajuftemens.
Lorfque le Sauvage a de quoi
manger , fes befoins font fatisfaits,
il ne fonge alors qu'à jouer , fu-
mer, ou à dormir, ne fe mettant
pas en peine du lendemain. A
moins que quelque fujet ne ré\^eil-
le fes idées , ii ne penfe à rien. 11
eft d'une tranquillité & d'une pa-
N 4
29^ Mèm,furïa dern. Guerre
tience extrême ; ce qui le fait pa-
roître mélancolique. L'habitude
d'être feui Se ifoié peut contribuer
à cela ; mais elle efl fi fort dans fa
nature, que le Sauvage le mieux
traité & logé le plus fuperbement,
s'ennuyeroit au bout d'un mois à
en périr , s'il ne pouvoit courir les
bois & mener fon genre de vie or-
dinaire : répreuve en a été faite.
Il ne penfe qu'à fa chaiTe , aux en-
nemis de fa nation , & ne s'occupe
que des moyens de fe maintenir
tranquille fur fa natte, c'eft-à-
dire, dans fon pays. 11 n'a aucune
idée de ce que nous nommons
proprement ambitmi : il ne con-
voite jamais ce qui appartient à
autrui ; fa feule ambition eft d'ê-
tre reconnu pour un grand chaf-
feur, & un homme redoutable, qui
a tué beaucoup de monde. Si un |
Européen veut lui raconter la puif-
fence du roi de France , ou du roi
ie t Amérique Sepfsntr. î^97
|d' Angleterre , il écoute très - atten-
tivement ce qu'on lui dit ; enfuite
iilvous demande très - froidement,
jeft-il bon chalTeur ? a-t-il tué
beaucoup d'ennemis ? Si on lui
jaffure qu'il a été à la guerre & qu'il
tire bien 5 oh! s'écrie -t» il , c'eft
un homme. C'eft là le plus grand
sloge que les Sauvages puiffent
ionner. Ils font fort hofpitaliers ;
S on entre dans leur cabane ^ on
peut tout prendre dans leur mar-
3iite 5 & en manger , fans qu'ils y
:rouvent à redire. Ils vous offrent
::e qu'ils ont de meilleur , & le pri-
rent même de leur néceffaire, pour
e donner à un étranger. Cela ell
réciproque ; ils s'imaginent qu'on,
le peut rien leur refufer. Chez
quelques nations on vous offre jof-
]u'à des femmes , pour que vous
levons ennuyiez pas,
j Ils penfent que le maître de la
rie les ayant fait naître fur la terre
/ N f
35 8 3^êm. fur la dern, Guerre
qu'ils habitent , perfonne n'eft cfi
droit de les troubler dans leurs poC-
feffions. Comme ils ne connoif-
fent aucune propriété territoriale ^
ils jugent que tout le pays leur ap-
partient en commun» & qu'une
terre où ils habitent , & où font les
os 8c Perprit de tous leurs ancêtres,
eft (acrée & inviolable. Ils croyent
qu'ils ne peuvent la quitter , fans
aller prendre celle de quelqu'autre ,
qui feroit en droit de les en chat
fer. Ce fentiment né avec eux les
rend très - délicats fur cet objet l &
c'eft toujours un fujet de guerre ,
quand quelque nation vient chaf-
fer chez une autre. Les voyageurs
fauvages ont même l'attention de
laiflfer les peaux des bêtes qu'ils
tuent fur le territoire d'une nation
étrangère, fufpendues à des ar-
bres 5 pour qu'elle en profite. C'eft
donc bien mal - à - propos que les;
^nglois di-feat avoir acheté d«
ie t Amérique Septenfr, 259
quelqu'un d'eux plufieurs pays,
jLes Européens n'ont été foufferts
'dans les premiers tems , que par-
ce qu'ils fefont d'abord préfentés
I comme des êtres bienfaifans, qui,
' pofledant tout ce qu'ils pouvoient
defirer, venoient le leur offrir ^
les tirer de la niifere & leur fournir
! leurs befoins. A ce feul titre ^ ils
1 en ont été reçus ; ils fe font enfuite
! offerts à les foutenir contre des na-
tions avec lefquelles ils etoient en
guerre, & ont été regardés com-
me des bienfaiteurs & des ami?.
Mais lorfque les Européens foni
venus en force , ils ont obligé le^
Sauvages de leur céder les terres
dont ils avoient befoin. Ceux-ci
fe trouvant alors trop gênés pour
la chaffe, fe font retirés dans l'inté-
rieur ^ <& fe font vus forcés de cher*
cher un afyle chez d'autres nations
qui les ont reçus par charité 3. & let
eat incorporés à elles. Depuis c§
300 Mêm, fur la dern, Gtierre
tenis 5 ils ont confervé , fur - tout
les Loups de la Belle - Kiviere {a) ,
une inimitié qu'ils font reffentii:
aux Angiois toutes les fois qu'ils
le peuvent.
Les François n'occupant que les
bords du fleuve St. Laurent, n'ont
pas gêné les Sauvages jufqu'à pré-
ïent^qui ont confervé tout l'intérieur
des terres ; ils ont, au contraire, af-
fedé de les conferver parmi eux au-
tant qu'ils ont pu,par l'établiffement
des villages chrétiens. Outre l'a-
vantage de la propagation du chrif-
tianifme , cette idée étoit fort bon-
ne , parce que le bien-être, que les
bontés du roifaifoient trouver aux
Sauvages , attiroit à notre nation
leur eitime & leur amitié. Les An-
(a) Ce font eux qui fouleverent,
en 175^ & 1764, prefque tous les
peuples d'au delà des Apalaches ,
contre les A ngloi-, auxquels ils firent
ijne cruelle guerre.
de l'Amérique Sepîe^ttr, sqi
glois font aujourd'hui très - fâchés
I de n'avoir pas fu les ménager dans
les commencemens de leurs éta-
bliiTements.
I Les Sauvages regardent eommi
leurs chefs les aînés de la premier©
branche de leurs nations. Quel-
ques-unes leur laiffent un peu
plus d'autorité que d'autres. Eli©
va jufqu'à s'en laiiïer battre , fans
qu'ils cherchent à fe venger , ce
qui eft très - rare. Telle eftla na-
tion des Loups de Theaogen, Tous
les droits de prééminence fe ré«
duifent à cela ; d'ailleurs ils n'ont
que celui d'infinuation ou d'ex-
hortation. Si quelqu'un ne veut
pas faire ce qu'on lui dit , ils n'ont
aucun moyen de le contraindre.
Ce chef leur fert feulement de
point de réunion , pour les con-
feils ou les déhbérations , & c'eft
en fon nom que la nation parie
dans les affaires publiques. Les
302 Mm, fur la dern. Guerre
jeunes gens ont tous un refped &
une déférence très - exemplaire
pour leurs parens & leurs anciens :
il les porte à déférer très - voloa-
tiersà tout ce qu'ils leur difent ou
leur infinuent; ils leur obéiflent
fans murmurer, & font toutes les
corvées fans fe plaindre. Dans les
Toyages , les jeunes gens fe char-
gent, lansrien dire, du foin defai- ï
re les cabanes , & d'aller chercher jl
le bois, tandis que les vieux fu-
ment tranquillement.
Aucune idée de métaphyfique
& de morale n'entre dans la tête
des Sauvages; ils croyent ce qu'on
peut leur dire fur ces matières ,
fans en avoir une perfuafion intime;,
ils difent qu'ils n'ont pas aflezd'et
prit pour co-mprendre les chofes
qui font de fimple raifonnement.
D'après celajOn doit imaginer cju'ils
font d'affez mauvais chrétiens,
Lorfqu'un miffionnaire leur parle-
de V Amérique Sepfenîr. 30 S
\âe la Trinité , de rincarnatioii du
Iverbe, ils répondent tranquille-
Inient : ces choies font bonnes pour
vous autres qui avez de l'efprit;
'mais nous n'en avons pas affez
ipour en être perfuadés ; nous It
: croyons , puifquc tu nous le dis.
Ils comparent la Trinité à un mor-
' ceau de lard où fe trouve la chair g
la graiiTe & la coine> trois chofes
diftindes qui ne forment que le
même morceau. Les miinonnaires
leur ont perfcadéCa) que Judas
avoit le poil rouge , & que les An»
glois 5 qui font généralement de ce
poil , font de fa race ; ce qui eft
une raifon de plus pour les haïr.
Le roi ayant fait pafler avec les
premiers colons 3 des prêtres ^ des
(û) L'auteur attribue mal à pro-
pos à tous les millionnaires en gêné-"
rai, un difcours qui ne peut avoir
été tenu que par quelques-uns d'eux^.
■©u par quelqiies caureurs de bois»
304 Mêin, fur la dern, Gkierre
miffions étrangères , des fulpiciensî'
des récollets & des jéfuites , ces
miffionnaires,qui fe trouvoient , au-
tant qu'ils pouvoient, dans toutes
les traites , invitoient les Sauvages
à venir s'établir dans un endroit
qu'ils leur défignoient, où on les
logeroit, lesnourriroit, les habil-
ieroit, & où ils trouveroient tous
leurs befoins. Plufieurs par parefle
s'apprivoiferent , pour venir profi-
ter de ce bien - être , & fe fourni-
rent volontiers à être inilruits. Si
on ne leur eût rien donné, &
qu'ils n'euiTent pas trouvé un avan-
tage décidé à prendre ce parti , on
en auroit eu bien peu : on en peut
juger par le petit nombre que l'on
en a attiré , malgré toute l'aifance
qu'on leur a procurée. Leur indiffé-
rence à croire ou h ne pas croire
les y a déterminés, comme auilî
les promeifes de la vie à venir.
Leurs enfants élevés dans h reli-
de P Amérique Septenfr. sof
gion chrétienne fuivent l'exem-
jpie de leurs pères , & à moins qu@
leurs paillons ne les obligent d'a-
bandonner les miffions , ce qui ar-
|rive continuellement , ceux qui y
jreftent fuivent avec beaucoup de
idécence les cérémonies de la re-
ligion. Il ed très- édifiant de les
jvoir dans Téglife , les hommes
d'un côté, les femmes de l'autre,
toujours à genou , d'un air recueil-
li plus qu'aucun capucin , ne par-
lant jamais entr'eux, ne tournant
jamais la tête, l es femmes très-
enveloppées chantent avec les
hommes à deux chœurs , les Drie-
res de l'églife que leur ont traduites
les niiflionnaires, & qu'ils ont ap-
prifes de mémoire. Leurs chants
font doux & harmonieux ; on n'y
entend point de difcordance, com-
me dans nos villages. A l'égard
des facremens , ils en ufent autant
que le veulent leurs miffiomiaires ^
ic€ M êm, fur la dern, Gtierri
& fe fou mettent facilement auî
pénitences particulières & publi.
ques qu'ils leur inipofent ; car il!
y ont un peu rappelle les règles de
la primitive égiife. Les Sauvageil
payent exadement la dîme de leur!]
bleds de Turquie & de leurs pelle-
teries, à laquelle les miflîonnaires
les ont fournis.
L'ivrognerie n'eft pas moins
cependant le vice dominant de ces
nouveaux couvertis. L'obligation
de garder des femmes , qu'ils n'ai-
ment point, eftla feule chofe qui
les fatigue le plus ; aufli beaucoup
abandonnent les millions pour re-
tourner dans leurs villages , afin
d'y vivre en liberté. On peut dire
en général qu'ils ont acquis un peu
d'humanité,. & un attachement par-
ticulier pour les François , com-
me étant de la même religion, ou
de la même prière , parce qu'ils
font une différence du catholicifme
de f Amérique Sepîentr, §07
d'avec la^religion angloife. Les pré-
jtres ont eu attention de leur per-
Ifuader que celle - ci n'étoit preique
Ipas chrétienne. Si les Sauvages
iqui ont embralTé notre culte fonfe
[devenus plus humains , on doit
lavouer qu'ayant eu dès -lors plus
de coirniiunication avec nous, ils
iont auffi été infedés de nos vices
idavantage que les autres moins ex-
ipofés à la contagion.
i ous ces faits font dans la plus
jexade véritéiil elt fâcheux qu'ils ne
foyent guère conformes^aux récits
exagérés des millionnaires. Le petit
nombre de Sauvages qui fe font
convertis depuis environ 180 ans
que nous occupons ce vafte conti-
nent , eft une preuve de leur indif-
férence fur la religion. On a beaa
les prêcher, ils écoutent très-tran-
quillement & fans humeur , mais
ils reviennent toujours à leur pro-
pos ordinaire 5 qu'ils n'ont pas a&
508 Mèm.furh dern. Guern
fez d'efprit pour croire & fuivre ce
qu'on leur dit , que leurs pères ont
vécu comme eux , & qu'ils adop-
tent leur manière de vivre. Quand
ils ont tué quelques prêtres , cela
n'a jamais été en haine de leurs
dogmes , mais parce qu'ils les re-
gardoient comme étant d'une na-
tion ennemie»
Nous avons dit que le roi fai-
foit tous les fraix des miffions.
Lorfque les Sauvages s'y font trou-
vés mal à Paife , à caufe des trop
grands défrichemens , ils ont de-
mandéàfe tranlporter dans des en-
droits plus éloignés. Le roi a fait
les frais de ces nouveaux établiffe-
mens , & ks miffionnaires ont cé-
dé leurs anciens villages aux Eu-
ropéens , en. s'en réfervant la fei-
gneurie. ils ont acquis par là dans |
ie Canada la propriété de huit vil- ,
lages fur dix : tous ceux de l'isle \
de Mont - Real , & la ville de ce
de V Amérique Septenîr. 305
jiom font ainfi devenus des poiTeC
lions des Sulpiciens.
! Il n'y a point de nations con-
bues , qui n'ayent entendu parler
lie notre religion , & plufieurs fe
prouvent même à portée d'en voir
l'exercice ; ils la refpedent tous à
leur manière. Les Sauvages ont une
pfpece de vénération pour nos prê-
tres, qu'ils appellent to Pères de la
prière, parce qu'ils eftiment leurs
Imœurs , & à caufe des difcours
Ique ceux - ci leur tiennent ; ils les
iregardent comme des hommes uni-
iquement occupés à prier l'Etre Su-
prême.
1 Ces peuples de l'Amérique n'ont
point une idée bien diftinde de cet
Etre infini ; ils ne lui rendent point
de culte, & le défignent par le nom
de Maître de la vie. Ils croyent
que c'eft de lui que dépendent tous
ks événemensa& qu'ils ne peuv'ent
réuffir dans aucune entreprife 3 fan»
s 10 Mêm. fur la dern. Guerre
qu'il le veuille. A leurs difcourl
on imagineroit qu'ils font fatalit
tes ; ils croyent qu'il y a des et
prits méchans qui caufent les évé-
îiemens finiftres & tout ce qui
leur paroît extraordinaire. Ils leur
donnent le nom de Manitous. La
mer, les lacs, les rivières, tou-
tes les chofes créées ont leur Ma-
nitou ; c'eit à ces efprits nialfaifans
qu'ils font des offrandes ou des fa-
crifices. S'ils font affaillis par un
coup de vent fur un lac , & qu'ils
foyent en péril , ils jettent du ta-
bac, ou quelque meuble ou uften-
file j pour appaifer le Manitou du
lac. ils en agilfenfc de même quand
ils pafTent un rapide difficile. Lorf-
qu'ils vont à la chaffe ou à la guer-
re 5 pour avoir du fuccès , ils font
une efpece de facrince. Il confiftc
à dreffer un pieu auquel ils fufpeu-
dent un chien tué , ou un autre
animal, des plumes^ du tabac?
âe P Amérique Septenîr, 31 1
lU ce qui leur vient en idée : c'eft
I quoi aboutiffent toutes leurs cé-
iémonies de religion, ils font très-
Uperftitieux. Tout ce qui leur pa-
pît de mauvaife augure elt ca pa-
le de leur faire rompre un parti
,e guerre, quand même ils au-
oient fait quelques centaines de
!eues 5 & qu'ils feroient à portée
le frapper ; il en eO: de même pour
ine partie de chaiïe ou autre chofe.
Is appellent prier , faire la mè*
'ecine.
L'habitude d'être feuls doit leur
donner celle de rêver ; ce qu'ils
ppellent jongler. Un homme ou
me femme qui fe trouve dans
:;ette diipoiltion, s'enveloppe dans
a couverte & y reite fort long-
iems. Leur imagination s'échauiFe»
fe faifîs d'enthoahafme ils croyent
^oir les événemens futurs , & les
iunoncent avec confiance. A la vé-
iié fouvent leur prophétie ne fs
^ ï !S 3ïêm. fur la déni. Guerre
réalife pas, mais auffi plus d'une
fois ils devinent. Les Européens
qui ont été parmi eux racontent
à ce fujet des chofes furprenantes.
Kous rapporterons deux faits qui
font bien connus dans l'arméefran-
çoife. £n 1756, M. Dupleffis, com-j
mandant à JNiagara , envoya un
parti de 2^ Miffifakes à Choue-
gen ; les femmes relièrent fous lei
fort. Elles s'affembloient tous les
foirs pour faire la médecine; une
vieille chantoit, les autres répon-
doient en chœur : les officiers al-
loient voir cette cérémonie. Au
bout de fix à fept jours , on leur
demanda pourquoi elles ne fai-
foient plus la médecine; la vieille
répondit que leurs gens s'étoient
battus , qu!elle l'avoit jonglé , &
qu'ils avoient tué du monde. Un
officier qui connoiflbit ces jongle-
ries écrivit fur le champ le jour
qu'elle délîgnoit. Lorfque le parti
fu*
de I^ Amérique Septentr, 3 ï |
fut revenu , il interrogea les Sauva-
i ges & les prifonniers ; leur réponfe
Ifiit conforiTie au récit de la vieille.
|I1 y a aia moins oo lieues de Nia-
Igara à Chouegen , & il n'étoit ve*
îiii perfonne par eau ni par terre.
1 ;3 Sauvages avoient perdu deux
hommes , enlevé douze chevelu-
i: D , 5d amené trois charpentiers
jde bâtimens, priiboniers. En 17^ Sa
!vers le mois de Mars 3 M. de Vao-
d;cuii envoya on gros parti d€ Sau-
v:;ges domiciliés à Carrillon. Les
Siiiv^r^es arrivés au fort , furent
voir le commandant & le prièrent:
ô: leur donner quelques vivres,
:ce qu'ils vouloieat fe repofer
:iques jours ^ avant de partir
or le fort Georges, Etant retour*
:o.3 à leur "caiïipemeni 5 un d'eux
i: 00: à jongler & dit que les An-
o:o;s étoieiit tout près du fort
C:^iTillon; qu'il falioit partir tout
c: laite pour les aller attaquer : les"
Tome IIL .O
514. Mem. fur la dern. Guerre
autres déférèrent à cette infpira-
tion & retournèrent chez le com-
mandant pour l'avertir qu'ils vou-
loient partir le lendemain , comp-
tant de trouver un parti anglois.
Le commandant 5 quoiqu'étonné de
leur làéQ , en fut bien aife pour fe
débarraffer d'eux. Plufieurs officiers
& foidats voulurent être de la par-
tie ; ils n'eurent pas fait trois lieues,
qu'ils découvrirent les traces des
iinglois fur le lac\ qui étoit enco-
re gelé, venant du côte de car-
rilion. lis fuivirentces piftes : leurs
découvreurs virent de deffus uu
mamelon dans le bois , les An-
glois, qui defcendoientdans un bas-
fonds qui étoit entr'eux , au nom-
bre de ^50. Les découvreurs aver-
tirent leurs gens, qui, ayant bientôt
joint les ennemis , les attaquèrent
dans le tems qu'ils cominençoient
à fortir du vallon. Il ne s'en lau-
va pas huit; c'étoient tous de vo- i
de T Amérique Septenfr. 3 r f
ilontaires avec des officiers , aux or-
J3res de Kober Roger. Tout fut
pé , & on fit peu de prifonniers,
1 Prefque dans chaque village il
jjT a des jongleurs en titre ; ils fone
|iu(îi médccinSsOO plutôt vrais char-
latans, ils s'enferment feuls dans
inie cabane, où ils fe démènent
tomme des poiTédés. Enfortantils
ilébitent leurs prophéties. C'eft or-
'^':iairement for le fort d'un ma-
:. -2, fur celui d'un parti de guer-
e ou de chaiTe, Dans le preniier
:a3 5 ils diront que le Manitou de
:i maladie demande un feftin, dont
2 réfuitat eft de s'enivrer ; enfuite
1 donne un remède. S'il produit
mauvais eitet, le foi-difant mé-
în eft quelquefois bien battu ou
^ , parce- que les Sauvages font
::és d'avoir été dupés. Chaque
-.mille a fes remèdes particuliers ;
lais ces jongleurs en ont auiTi de
res-^boos. Us connoiffent des pian-
O z
3 1 5 Mm, fur la dern. Guerre
tes admirables, fur-tout pour les
bleUures. Ti eit certain qu'à moins,
qu'il n'7 ait des os caOes, aucun
chirurgien ne les pourroit traiter
plus fïu'ement, avec moins de fa-
çon & plus promptement. Ils con-
iioifient une jurande quantité de
plantes , de racines & d'écorces
d'arbres, qu'ils employent très-uti-
lement. Depuis que les Européens
font dans l'/lmérique , ils ne fe font
pass affez appliqués à fe faire mon-
trer ces remèdes qui feraient d'un
V très-bon ufage dans notre méde-
cine. 11 efî vrai que les Sauvages
font très-jaloox de conferver pour
eux leurs recettes ; mais avec le
teois & des préfens , on auroit pu
venir à bout de leur arracher leurs
fecrets. Ils -fe guéviiTent de toutes
les maladies vénériennes les pins
invétérées, fans mercure, ils oiit
une racine qui vient comme les;
plus gros navets. Se qui fait jeter
dot Amérique Sepfentr. 317
les abcès intérieurs ; elle fe repro-
duit de bouture & croît dans les
endroits humides ou un peu ma-
récageux.
D'autres plantes guériffent les
coupures (a) aiifîi vite que le meil-
leur baume ; celle qu'ils nomment:
anis 3 & qui en a le goût 5 eit excel-
lente. Les maladies auxquelles ils
font le plus fiijets , font les pleuré-
fies 5 les fluxions de poitrine, 8c
les maladies de confoniption oc-
cafionnées par la quantité d'eau-
de-vie qu'ils boivent. Quoiqu'ils
aiment la coniervation de leur être,
on peut dire qu'il n'y a point à'Q£-
pece d'hommes qui craigne moins
la mort , qu'ils regardent comme
(a) Ld, plante qui les guérit eft
nommée parle P. Chadevoix , plants
vnwcrjcde. Ses feuilles broyées refer-
mène toutes forces de playcs. Ces
feuilles font de la largeur de la main
h ont la .figure d'une fieur ds lys.
3 ï 8 Mêm.ftîT la dsrn. Suerre
un paflage à une autre vie. Dès
qu'ils fe fentent fur leur fin, ils
chantent leur chanfon de mort , ju& ,
qu'à ce qu'ils ne puiffent plus par-
ler. Cette chanfon eft une efpece
de complainte que chacun fait à fa
fantaifie; mais toutes fur le mê-
îîie ton.
Lorfqu'un Sauvage eft mort, on
îî'entendni cri, ni plainte dans la
cabane; mais on vient lui faire
des vifites d'adieu. On Tenterre
i^vec tous fes plus beaux vêtemens ,
fes armes & un baril d'eau-de-vie,
pour lui aider à faire fon voyage.
iJn élevé au deiTus de fa tombe
une efpece de cabane de pieux , en
forme de maufolée , & à côté un
autre gros pieu où font les ar-
mes de fa fadîille. On y marque des
figures qui repréfentent le nombre
des chevelures & des prifonniers
qu'il a faits. Quelques nations ont
l'ufage d'envoyer des femmes , pen-
-de t Amérique Septenîr, 3^^
dant une huitaine de jours, qui
allument un petit feu auprès de ce
maufolée, «& s'aiTeyant fur les ta-
lons relient là immobiles un quarÈ
d'heure ou demi-heure. S'il meurfi
à la ehafles quand il y au roit mê-
me trois ou quatre mois , ils le
déterrent & le rapportent dans leuc
«canot pour i'enfevelir dans leur^
villages. Ils pratiquent même Qtl%
à l'égard des enfans.
' Au bout de l'an, ils viennent fai-
re un anniverfaire, qui confifte à
un feftin auprès de la tombe. Alors
I ils déterrent le baril d'eau-de-vie^
dont ils boivent. Ils croyent qu'a-
près leur mort leur ame va dans
j un grand pays au delà de la mec
I qu'ils défignent par le nom de
I grand lac. Ils s'imaginent que là
jils trouveront de quoi chaffer à
' difcrétion , feulement pour s'amu-
î fer , & ^qu'ils n'y feront occupés
, que de danfes.
O 4
320 B'^Ihn fur la dern. Guerre
Us n'ont aucune tradition qui
leur ait coniervé la moindre idét
de leur origine ; tout ce qu'ils en
difent leur a été ïuggéïé par les
Européens. Il y en a qui croyent
qu'une femme eil defcendue du 1
Ciel for l'eau , & qu'ayant mis le
pied fur une tortue pour fe re-
pofer 5 la terre s'eil formée autour
de cette tortue, & cette femme
adonné naiiTance au monde (a).
Comme ils ont adopté pour ar-
mes 5 les uns l'ours , d'autres une
tortue , un loup , un renard ,
&c. ( /; ) , & qu'ils défignent leur
famille par le noiii de ces animaux»
(a) Cette idée paroit leur être ve-
îiiie originairetrieiit des Indiens d'A.-
fie, qui ront communiquée aux ha^-
bitaiis des isles du Japon, d'où cette
fab^ie a palfé en Amérique.
( Z/ ) Le baron de la Hoiitan a trou-
vé dans cet ufage les règles puériles
de notre vaine fcieilce du biafoa.
de l'Amérique Septentr. 321
ils penfenteiiétre defcendus. Qjjel-
ques-uns font perfoadés qu'ils font
fortis de la terre qu'ils habitent.
Comme ils ne lavent point écrire-,
ils le défignent par les figures de
ces animaux, qu'ils deffineot fur
des. écornes ou iiir des tronci
d'arbres» il y en a qui font des
figures iculptées qui uq Iq cèdent;
peint à celles de nos médiocres
ouvriers. Ils ie iervent pour faire
ces figares , qui font très-exprcC-
■iives , d'un couteau crochu cnm^
■me pour travailler leurs uitenules
en bois.
Quand une famille prend le deuil
pour un de les membres , ils quit:-
tent tous leoî-s oraemens , & vont
.¥étos le plus iimplement qu'ils peu-
vent, ne ie matachent qu'en nolr«
Ce deuil dure environ un an. Les
parSuS 5 amis 5 & ceux qui s'inté-»
reilent à cette faiiiille , lui font des
préfens pour couvrir le mort, ca
s 22 3îem. fur la dern. êuerre
qui confifte à leur donner un col-
lier 3 un habillement. Ils rempla-
cent le mort dans la cabane, par
une chevelure ou un prifonnier.
ïl y en a qui ne quittent point
le deuil jufques à cette dernière
céréaionie , une des principales
caufes de leurs guerres , étant tou-
jours obligés d'avoir au moins une
nation fur qui l'autre puifle faire
des prifoaniers ou des chevelures
pour le remplacement des morts.
Toutes les nations de rEft de
l'Amérique , quoiqu'ayant à-pcu-
près le même langage, n'étoient pas
aifez liées entfelles pour qu'elles
ne fe fiflent pas des guerres , dont
on peut voir Ténumération dans les
isuteurs anglois & françois. Les An-
glois les ont trouvées dans ces dif-
pofitions, lorfqu'ils ont commen-
cé à habiter ces contrées; ce qui
a favorifé l'établiffement de leurs;
foionies : mais leurs malheurs coiu-i
ie f Amérique Scptentr, 3S§
niuns ont réuni les Sauvages. Ces
nations ont eu auffi des guerres
confidérables à foutenir contre les
Iroquois, qui leur avaient mis le
machicoté, c'eil» à- dire^ fuivanfe
leur langage g leur avoient deTendu
de porter les armes s les regardant
comme des femmes.
Les Iroquois font fix nations
réunies enfemole, en y comprenant
les Tafcarorins qu'ils avoient pref-
que détruits & qu'ils ont incor-
porés parmi eux, ainli que la na-
tion Erié ou du Chat ^ dont il ne
reitoit plus que quelques perfon-
nés qui ont été adoptées par les
Sonnontoins. La nation iroquoife
efl; la plus intimement liée de tou-
tes celles de PAmérique , ëz formé
une véritable république fédérati»
ve. Cette union leur a donné una
fupériorité décidée for tous les au-
tres peuples, qui étant moins nom-
breux en étoieat écrafés & ne pou-
324 4^inL fur la derrt. Guerre
Toient lui échapper. Les ïroquois
alîoient chercherleurs ennemis avec
des miniers de guerriers 3 jufqu'aux
rivières qui tombent dans le Mit
liffipi 3 & jufqu'au lac Supérieur.
Toutes ces incurfions n'ont cepen-
dant jamais abouti qu'à tuer ou
enlever des hommes , Se à détrui-
re ces nations ; ce que les Sauva-
sres aDpelient les manç^er. lis n'ont
jaiiiais ni Fidée d'étendre leur pays.
pour avoir une chalFe plus éten-
due 3 ni celle de s'affujettir aucune
nation. La preuve en eft que mal-
gré tous les avantages qu'ils ont
eu for difFéreos peupies qu'ils ont
prefqiie détruits 5 comme les Hu-
roDs, le^ Nepicins & les Algon-
quins 3 qui étoient autrefois fort
î3ombreu;c, les ïroquois n'ont ce-
pendant jamais cherché à s'empa-
rer de« terres de ces nations , &
\ les réduire en iervitude. Les pré-.
tentions des Anglois font donc très.-*
de f Amérique Sept eut f . g % f
. frivoles , îorrqu'ils Tuppcfent qu'en
vertu de leur alliance prétendue
I avec les Iroquois , ils ont des droits
! fur les pays de toutes les nations
avec lefquelles ce peuple a été en
guerre & qu'il a fubjuguées. Ces
nations peuvent avoir diminué ^
mais elles n'ont jamais changé d'é-
tat dans leurs dilîerens cantons.
Les Uotaouais, les Sauteurs ou
Ochibois 5 & les Miffifakes^ qui ont
à-peu>près la même langue & font
fort liés entr'eux , quoique très-
voifnis des Iroquois, fe font fou-
tenus contr'eux, à caufe de cette
union. Les autres nations plus éloi-
gnées & moins unies ont cepen-
' dant peu fouffert : elles fe font mê-
me confédérées pour les eliaOer.
On pourroit encore beaucoup ra-
battre de ces grandes armées d'I-
roquois , qui niontoient, à ce qu'on
dit 5 quelquefois à aooco hommes.
5i elles avoienl; e^ifte ^ il eft cer«
$26 Mém.furla dern. Guerre
tain qu'elles auroient détruit tou-
tes les nations chez qui elles au-
roient palle.
Lorfque les François font entrés
en Amérique, ils font arrivés fur
les terres des Algonquins , une des
plus ancieniies nations de ce con-
tinent , comme on peut en juger
par l'étendue de leur langue , &
fur celles des Népicins & des Hu-
ions 5 qui étoient en guerre avec
les Iroquois. Les François ont pris
leur parti contre ces derniers , qui
font devenus par là ennemis na-
turels de leurs établiiTemens. Nous
les avons délogés de l'ide de Mont-
Béal, & des plaines à l'Eft dafleu--
ve St. Laurent, où ils venoient
à la chalTe ; auffi nous ont-ils f^ùt
des maux confidérables dans les
premiers temps de la colonie ( a).
(tz) lis Font mile pjufiturs fois à
deux doigts de fa ruine. Voyez l'hit
toire de la Nouvelle -France parle
P, Charlevoix,
de P Amérique Septentr, §27
Ils y ont toujours été portés parles
foliicitations d'abord des Suédois
& des Holiandois, qui fornioieiil
des établifiémens fur la rivière
d'Hudfon , & eafuite par les An-
glois qui ont pris leur place. Cela
nous a donné occafion de nous
lier plus particulièrement avec tou-
tes les nations du continent, parce
que toutes redoutant les Iroquois ^
nous étions toujours prêts à les fou-
tenir ou à les faire allier entr'elies
pour repoufler Fennenii commun.
D'ailleurs les François ne fe rencon-
trant ordinairement avec les Sau-
Tages^que dans des polk-s où ils leur
fourniflbient de quoi fatisfaire a leurs
befoins ; ils leur font devenus né-
ceflaires. Quand ils ont eu quelques
démêlés avec quelqu'une de ces na-
tions, ils ont toujours eu atten-
tion de s'unir avec les autres con-
tre celle-là, & l'ont obligée bien-
tôt d'être tranquille ^ parce que les
32§ Mem.furhdern. Guerre
■ Sauvages fe craignent bien plus
• cntr'eux qu'ils ne redoutent d'avoir
a faire aux Kuropéens.
Les îTHtions laiivages fe trouvant
quelquefois mêlées les unes avee
les autres , ïoit au retour de leur
cliafle 5 ou dans des ambaffades ré-
ciproques , elles paffent le tems à
des feftins ou plutôt à des débau-
ches d'eau - de - vie. Elles tâchent
fouvent de prendre des précautions
pour qu'il n'arrive pas quelque mal-
iîeur. Les fenifues cherchent à ca-
cher les armes de leurs maris autant
qu'elles peuvent ; car il y en a tou-
jours qui ne boivent point, pour
fervir tous les autres. 11 y a des
feftins à tout manger, duiTent-ils
en crever. Leurs feftins confiftent
ordinairement en boiiïbn ; il n'y eft
pas queilion de manger. \j\x à
douze Sauvage ^ boiront jufqu'à i f
ou 20 pots d'eau-de-vie , & plus , à
proportion. Le plus jeune eft char-
tïe l'Amérique Septenfr. 3-29
jgé de verier à boire ; chacun boit
là foîi tour la même Quantité. Le
didributeurfait Q. bienfon compte,
que fa portion fe trouve toujours
légale à celle des autres. Les femmes
iqui ne fe foucient pas de boire ,
iprennent leur portion , la mettent
dans la bouche ,& la rejettent en-
Ifuite dans leur petite marmite. Elles
la revendent, lorfque Teau-de-vie
imanque aux convives. Les Sau-
■ vages ont une fi grande fureur pour
I cette boiflbn 5 que quand une fois
ils font en train à'Qn boire 3 ils fe
dépouillent généralement de tout
ce qu'ils ont, pour avaler quelque
coup de plus. L'on peut juger quel
tintamarre & quelle confufion ce-
la occailonne. Ils commencent p^r
chanter : fuccédent enfuite des hur-
lemens afïl'eux. Ils attendent ce
temps d'ivreiTe. pour fc faire des
reproches ou des querelles; c'eft
toujours fur le manque de bravou-
330 Ment, fur la dern. Guerre
re. La mort de quelqu'un Ca) eft
prefque toujours la fuite de ces
rixes, ou au moins ii en coûte queU
ques oreilles déchirées. S'ils atta-
quent un homme qui n'eft pas ivre ,
& qu'il n'ait pas le fecret de s'ef-
quiver de bonne heure , il en eft
fouvent la vidioie , parce que ce
feroit un deshonneur à lui de frap-
per un homme dans cet état d'i-
vreffe , difant qu'ils n'ont point
alors d'efprit. S'il s'en va, il craint
que l'autre ne lui reproche de l'a-
Toir fait fuir. Dans cette alternati-
ve, pour montrer fon courage, il
lui dira de le frapper , & l'autre le
tue. De pareils accidens ont fait
périr de fort bons & braves Sau-
vages.
Si le mort eft de la même na^
{a) Un homme bielle d'un coup
de feu , ou d'une arme tranchante, elt
asnfé mort k demande vengeance..
tk l' Amérique Septentr. 331
jtion que celai qui l'a tué , ils ne
jdiront rien fur le champ , mais ils
Iferont naître une autre occaiîoii
id'ivreiïe. Si ce dernier s'y trouve 9
ce qui ne manque guère d'arriver,
! parce qu'ils ne peuvent refluer à
'l'envie déboire, quelqu'un despa-
jrens du défunt le tue. Quelques-
jiîns contrefont les ivrognes plus
I qu'ils ne le ïont en effet , pour exé-
cuter leur deifein. Dans un autre
état , ils n'oferoient entreprendre de
fe venger, parce qu'ils ne pour-
roient pas s'excufer, en difani
qu'ils n'avoient pas de l'efprit, Aiîii
de remédier à ces inimitiés fucceffi«
ves , les parens du meurtrier cou-
vrent le mort , comme nous Pa-
vons dit, & cela occafionne encore
un parti de guerre pour aller cher-
cher à le remplacer. Ce moyen
, n'empêche pas toujours que la mè-
re ou la femme du mort , déplo-
rant fa perte , n'engage queLju'ua
33^ Mem, far la dern. Guerre
à toer fon aflaffin. On doit juger
quelle defirudion d'hommes ces
accidens entraînent. Si ce dernier
en a tué plufieurs , la nation con-
feot volontiers à le faire mourir
dans un feftin exprès, où même
fon père affifte. Quand les Euro-
péens veulent les exhorter à fe dé-
lider de i pareils delïeins , ils ré-
pondent tranquillement, il veut
mourir , cela n'eft pas de valeur.
Si un femblable événement arri*
ve entre des nations différentes,
il ed: bien plus férieux ; toute la
nation fe trouve ofFenfée & efl:
obligée de vengsr cette mort Si
la nation du meurtrier veut éviter
]a guerre, il faut qu'elle le livre
& qu'elle couvre le mort; encore,
n'eft-on pas toujours content. Les
parties léfées veulent prendre leur
revanche , même long-tenis après ,
& ces querelles ne îi aident fou-
vent que par la deftruaioii des
de l'Amérique Septentr. 333
luns ou des autres , ou que lorfque
l'd'autres nations inCerporent leur
'autorité. Plus on fait de mal à une
nation iauvage , plus on la rend
jintraitable , & on ne peut venir à
jbout de fe la concilier que par la
jdouceur.
I Dans les ambaffades d'une na-
jtion à une autre , pour parler de
Ipaix, d'alliance ou de quelqu'au-
itre iujet politique, la députation
eit toujours nombreuiè : elle eit
jccmpoiee de quelques chefs ou
'anciens de la nation 5 des chefs de
guerre & de jeunes guerriers ; ils
ont avec eux un orateur, il s'en
rrouve dans prefque tous les villa-
ges, te font ordinairement les meil-
leurs difcoureurs. Ils portent avec
eux des colliers de porcelaine blan-
che, fur laquelle eil exprimé le fajec
de rambaffade. hi c'eil une allian-
ce, ils y repréfenteot des cabanes
qui défignent leurs villages ^ la tra-
9 34 Mêm.fur h dern. Guerre
ce du chemin d'un village à l'au-
tre , & des Sauvages qui fe tien-
nent par la main. On juge bien
qu'il faut deviner ce que cela veut
dire. Plus la chofe eft de confe-
quence , plus les colliers doivent
être grands. Ils portent un calu-
met de paix avec eux , c'eft: miz
pipe faite de marbre , ou d'une
pierre très-douce , rouge brun , ou
noire, dont le grain eft fort fin , &.
que l'on peut travailler avec un
couteau. Ils y adaptent on tuyau
de bois de deux à trois pieds de
long, te bois qui eft très -dur a
une moëie épailTe qu'ils tirent aveC'
lin fil de laiton rougi au feu. Il
eft peint en jaune & noir, d'un,
deffein à flamme , ou couvert d'un,
cordonnet de porc-épic blanc, jau-j-
ne , rouge & noir , & d'une aile>
de plumes d'aigle, attachée avec unv
cordon deporc-épic & des rubans
pendans , de différentes couleurs ;.|
r*
de l'Amérique Septentr, $ 3 f
2 qui forme un joli effet. Le cor-
ge s'étant rendu dans la cabane
u chef, tous ceux qui le com-
fofent s'afleyent à terre fans rien
ire, & allument le calumet : le
jhef commence à fumer, enfuitc
!. le préfente à celui de la nation
vec laquelle ils négocient , & ce
aiumet paiïe des uns aux autres.
Is en fument chacun une gorgée ;
'ed la plus grande marque de paix
k d'amitié , -qu'ils puiffent fe don-
>lier. S'ils n'étoient pas d'accord,
Is refuferoieot de fumer. Après
'à cérémonie, l'orateur fe levé , ra-
:nte fou voyage, dit qu'ils font
::2 fatigués , & iixùt par indiquer
: jour qu'ils partiront. S'ils font
iniis 3 on leur envoyé de quoi man-
der, & ils fe rerireot tous enfem-
,:5lepour fe cabaner , fans rien dire.
.lu jour indiqué , ils viennent au
:onfeil ; l'orateur y débite tout ce
l^u'ils ont à dire , en donnant des
s 3 6 Mêm.fur la dent, Guerrs
branches ou des coiiiers , fuivant
la conféquence de ce- qu'il propo-
fe : on ent@ndroit voler une mou-
che ; tous ont le calumet aux dents,
ainfi que fouvent l'orateur. Aux
endroits importans , les députés
approuvent le diicours par un /jo
ho. Les autres ne répondent point
le même jour ; ils indiquent feu-
lement celui où, avec la même cé-
rémonie , l'orateur de la nation ré-
pond pour tous 3 en reprenant ar-
ticle par article , & en rendant des
colliers ou des branches pour cha-
que fujet. Le confeil étant fini,
ils fe réparent , & alors commen-
cent les danfes & les feilins en-
tr'eux , juiqu'au départ.
S'ils veulent engager une nation
dans une guerre , ils portent des
colliers de porcelaine noire, avec
des haches peintes dclTns, rougis
en vermillon. Plus il eft grand,
plus
/mmqm Septentr, 3 3 f
plus l'invitation eil prefiante ; c'efl
leur façon d'offrir la hache.
La danfe du calumet , qui eft une
de leurs grandes cérémonieSjnelaiC.
Ife pas d avoir fon agrément ; tous
Iles Sauvages font affis en rond avec
leurs haches ou calTe-têtes & leurs
icouteaux à la main. Quelques-uns
lont feulement des cbiclùpiois , qui
font de petites calebaiïes remplies
ide petits caillons , ou des éperons
de pied de chevreuil attachés en-
femble au bout d'un manche. Il
y en a un qui fait une timbale avec
une chaudière recouverte d'une
peau. On choiiit le plus ingambe
p~nrdanfer; un antre chante l'air
propre à la danfe. Toutes ces efoe-
■«.11. i,
ces dlnllraoîens battent la caden-
(-...;; & le daofeurj fon calumet à
la main & un chichiquoi de Tau-
' ~ , au milieu du cercle , fuit l'air
. himnt des mouvemens caden*.
: s , mais violens, de toutes les par-
Tome IIL F
138 Mém.fur la dern. Guerre
ties du corps. Il fe baiiïe jufqu'à
terre , & après avoir bien fait des
contorfions, il fe relevé brufque-
ment; laiffknt quelques momens
d'intervaile, il recommence enfui- 1
te cette danfe , pour laquelle il faut
beaucoup de foupleiïe & de force, j
Elle a des agrémens & nedéplai-|
roit pas for un théâtre.
Farce que nous avons dit, on!
juge bien que les Sauvages ont fou- 1
vent des occalîons de guerre; auili
faut-il qu'ils ayent toujours quel-
que nation à manger , parce qu'ils
ne peuvent être tranquilles fans
cela. U n Sauvage qui reîleroit trois
ansf fans aller en guerre , ne fe-
roit pas réputé un homme & ef-
fuyeroit des reproches dans leurs
feitins.
Lorfque la guerre eft décidée
contre une nation, il ne manque
pas de chefs de guerre qui cher-
chent à faire des partis ; on choifiti
de PAmêriqus Septentr. 3 3f
icelui qui a le plus de réputation.
lil fe munit d'eau-de-vie & de quel-
'ques équipeniens; il invite les jeu-
ines gens, iur-tout (es parens, à un
jfedin qui confifte à manger un
I chien que l'on tue en récorchant
Xe repas fait,on commence à boire
jde i'eau-de-vie. Le chef de guerre
|fe levé , chante fa chanfon de guer-
jre : chacun en a une particulière;
|il raconte tous fes exploits , frap-
jpe un poteau & jette un gage pour
jaiTurer le fait. 11 parle de toutes
les nations chez qui il a frappé ^
en déiigoant avec la hache le côté
cù elle eil fituée. Il annonce [on
projet , de l'air le plus menaçant
iqifii peut, & invite ceux qui ont
du courage àlefuivre. Il finit par
jeter un collier de porcelaine noire^
barbouillé de rouge , avec dédain
à terre, invitant ceux qui ont du
coeur à le relever, & annonçant
Iqu'il le deftine pour celui qui f^
34^ Mém. fin' la dent. Guerre
montrera le plus courageux. Tous
les jeunes gens affis en cercle ré-
pondent par un hé hé en cadence
Se qui fert de refrein à la chanfon.
Lorfque ce chef a fini,le premier
qui fe décide, fe levé, fait la mê-
me cérémonie , chante fa chanfon
de guerre , compte fes exploits en
frappant au poteau, & jette des ga-
ges pour affurance , relevé le col-
lier toujours en chantant,& le mon-
trant protePce qu'il fera digne de
le gagner , & le rejette. Les autres
fe lèvent à raefure qu'ils fe déci-
dent, &font la même cérémonie.
Ceux qui ne veulent pas être de
la partie boivent , mais ils ne dan-
fent pas. La cérémonie finie,
tous ceux qui doivent partir vont
s'habiller en guerriers ; ils fe met-
tent nuds , au braguet & mittesi
près, fe barbouillent tout le corpSj
d'un brun rouge avec des rayes
qu'ils fe font avec les doigts , &
(îe V Amérique Septentr, 341"
fe coupent les cheveux , ou plutôt
fe les épilent, excepté la calotte. Ils
s'ornent la téie , la couvrent de
vermillon , & par deiTus ils y jet-
tent du duvet blanc, qui eft la mar-
que que l'on part pour la guerre.
Dès qu'ils fe font tous raifem-
blés , ils marchent enfenihle, leurs
inftrumens à la main ; ils danfent
•en rond 5 vont en chantant de ca-
I bane en cabane , un air dont les
; finales Ibnt ha ha, he he.heu^
hi hi , &c. fe tournant les uns
, contre les autres , & leur caffe-tête
ou leurs couteaux à la main , geC-
ticulant beaucoup. On leur fait de
petits préfens. Fendant ce tems,,
les jeunes filles les fuivent toujours»
danfent des branles enfemble les
foirées , comme nous l'avons dit 3,
& c'eft à qui les traitera le
mieux. Cela dure plufieurs jours
& jufqu'ao moment du départ. Ils
fe mettent alors tous à la file les uns
p 3
54^- Mem, fîîT la dcrn. Guerre
des autres , le chef en tête précédé
du plus jeune qui porte la natte de
médecine, dans laquelle eit ou un
oifeau ou autre animal que chaque
chef de guerre prend pour Ibri
Manitou, il y a auffi dedans cet-
te natte quelques fîmples pour
les bleffures ou les maladies. Ils
©nt un très - grand refped pour
cette natte , qui précède toujours
dans les marches. Le chef de guer-
re chante la chanfon de départ , la-
quelle eit une prière au maître de
la vie 5 pour qu'il les favorife dans
leurs deifeins. Plufieurs filles fui-
vent la bande en portant le paquet
.des jeunes gens, <& les accompa-
gnent quelquefois trois ou quatre
journées , après quoi elles revien-
neiit. lis font leurs voyages en ca-
not 5 parce que les rivières font les
feuls grands chemins du pays.
Les jeunes gens font chargés ,
comme nous l'avons déjà dit , de
de t Amérique Septentr, 343
toutes les corvées , qu'ils fe parta-
igent entr'eux fans murmurer. Si
quelque parefleux ne veut rien fai-
,re 5 il n'eiluye aucun reproche. Si
iquelqu'un jongle & qu'il defire
s'en retourner , il part fans oppo-
fition. Ils campent de bonne-heu-
re pour chalTer, ne portant point
de provifions que leurs munitions.
|lls ont néanmoins quelquefois un.
'petit fac defagamité, qui eft du
ibled de Turquie concaffé , grillé
i& cuit dans une chaudière avec
dsla graiiTe & du fucre d'érable.
m s confervent cette efpece de fari-
?]■" pour le tenis qu'ils font près de
leurs ennemis, ou dans quelque
occafion de àiktt^. En la mêlant
|avec dereaufimpiement 5 elle fait
jun manger fain , nourriiîant &
agréable ; deux poignées de ce
mets par jour fiiffifent pour vivre ,
s'ils craignent de manquer de fub-
fillance. Lorfqu'ils font dans le
p 4
344 ^^'^' /^^^ ^^ àern. Guerre
pays ennemi , ils ne tirent point ;f
sUls n'ont pas des fleches^ils vivent
depoiflbns, ou de quelques raci-
ales 5 ou de leur fagamité. Mais aut
il - tôt qu'ils font près de frapper ,
ou quand ils fuyent, ou après une
aftion 5 ils relieront trois ou quatre-
jours fans manger. En approchant,
de la frontière 3 où ils pourroient
rencontrer quelqu'un , ils ont at-
tention de chercher les fourrées les
plus cachées , d'effacer toutes les
traces par où ils y font entrés. Ils
cachent encore leurs canots &,
tous leurs paquets & ornemens , fe
barbouillent en noir tout le corps »^
& ne portent avec eux que leurr
armes & leur Manitou , fans ou-v
bîier leurs miroirs. Ils tiennent,
fréquemment coiifeil pour déter-
miner comment ils fe difperferont.
après avoir frappé , où fera leur,
rendez -vous , &c. Ils ne mar-
chent jamais qu'ils n'ayent envoyé
de t Amérique [Sept entr, 34f
ides découvreurs autour d'eux à
Ideux ou trois lieues. Sur leur rap-
port ilt; prennent leur parti. Leur
fagacité à découvrir toute forte de
|traces eft finguliere : la terre fou-
jlée , les feuilles renverfées , la ro-
|fée abattue ^ tout cela ne les ern-
ipêche pas de reconnoitre les pif-
jtes des fauves. Les pieds des San-
ivages fe coimoi lient par l'v^fpecë
!de chaufTiire , niais fur -tout par
lia façon dont le pied eft placé ou
tourné, ils jugent encore plus ai«
jfément fi ce font des Européens ,
au pas & à la (èmelie. ils diftiu^.
guent même un Aiiglois d'un Fran-
çois , & devinent aifez juite com-
bieniiya dQ mondes foit par les
traces 5 foit par les kux qu'ils ont
allumés 5 & par leurs couchées ^ fi
ces traces font d'un parti en cam«.
pagne. Celui qui découvre le pre-
mier eft prefque fur de battre les au-
tres. Us les fuivront à la pifte plu-
54^ Mêm, fur la dern. Guerre
fleurs jours , jufqu'à ce qu'ils les
ayent trouvés dans une pofition qui
leur donne l'avantage , comme
dans une cabane où ils fedifperfent
pour dormir, ou dans une mar-
che où ils fe trou ver oient féparés.
Ils s'embufquent près de l'endroit
où ils veulent frapper. Chacun a
fa place décidée par le chef de
guerre, &: fe tient tranquille juf-
qo'au %na! que celui -ci donne,
par un cri , en frappant de la main
fur fa bouche. 11 efl: rappelle par
tous les aîfaillans-qui ont déjà tous
couché en joue leurs hommes.
Dans le premier moment de fur-
prife de rennemijils tirent fur hii,&
il eft rare qu'ils ne le couchent pas
à terre. Ils s'élancent tout de fuite,
la hache à la main, pour fe jeter fur
lui , & ne le quittent pas que tout
ne foit détruit. S'ils croyent qu'il
ne foit pas aifez bleffé , ou qu'il
fuit encore en état de défenfe , il»
(k l'Amérique Septentr, 547
lui donnent de la hache fur la tête ;
s'il fuit, ils la lui jettent après & la
lui plantent dans les épaules , en
quoi ils font très - adroits. Dès que
rhomme efl: tombé s ils courent à
lui 5 mettent un genou au milieu
de fes épaules , lui prennent un
toupet de cheveux d'une main s <&
avec leur couteau de l'autre en
donnent un coup , en cernant la
peau de la ièit , & arrachent le
mortciiu. C'eil une expédition
bientôt faite. Alors , montrant la
chevelure , ils jetrent un cri, qu'ils
appellent le cri de mort. Durant
les combats , ils pouffent les cris
les plus aftVeux qa ils peuventjpour
s'animer & pour intimider l'en-
nemi. S'ils ne fe voyentpas preffés^
& que la vicloire leur ait coûté du
fangj ils exercent bien des cruau-
tés fur ceux qu'ils tuent ou fur le^
morts ; ils les éventrent & fe bar»
bouillent de leur fiinc^.
^ P ^
348 - Mem.fiirladern. Guerre
Quoique ces horreurs leur ré-
pugnent beaucoup , ils s'y livrent
cependant pour s'animer au carna-
ge & s'infpirer une efpece de fu-
reur ; ce qui les fait paroître plus
braves entr'eux, & les étourdit fur
les périls, ils garrotent tous les
prifonniers qu'ils peuvent prendre
avec les colliers qui leur fervent
pour porter leurs paquets, & qu'ils
ne quittent jamais, ils les lient fi
hkn au col, aux bras & à la cein-
ture, qu'il leur eft impo/Tible de fe
détacher. S'ils craignent d'être at-
taqués, ils fe mettent à courir en
fedifperfant jufqu'au rendez- vous
indiqué , qui eft quelquefois à
îieuf à dix lieues , feion is pays &
les circonftancesoù ils fe trouvent
lis fe mettent quelquefois deux
pour aider aux prifonniers à mar-
cher, en les prenant par les niains ;
fi , malgré cela ils ne peuvent les
fcivre a ils leur lèvent la chevelure^
de ^Amérique Sepfentr. 34f
Quand ils font en embufcade
auprès de quelque village ou de
quelque fort, comme il y a ordi-
nairement des découvertes aux en-
virons, ils tâchent de s'y embuC
quer la nuit : fi c'eft de jour , ils fe
couchent ventre à terre , en fe
couvrant le dos & la tête d'herbes ^
de feuille , ou de paille , fuivant
la couleur de ce qui eft auprès de
cet endroit ; ils s'avancent fur leurs
mains , pouffent leurs fufils en
avant jufqu'à ce qu'ils foyent à la
portée convenable. Ils jugent fui-
vant leurs forces , fi le polie eit at-
taquable ou non ; ce qu'ils déci-
dent toujours à leur avantage; car^
pour peu qu'ils fe voyent en dan-
ger, ils le laiffentpaffer 5 & atten-
dent le moment & i'occallon favo-
rables avec une extrême patience ,
fur ~ tout lorfqu'ils ne font que
deux ou trois. Leur expédition
feitÇâ ils pouffent uacri en fuyante
3^0 3ïêm, fur h dern. Guerre.
êc laiffent à portée quelques mar-
ques qui dérignent quelle eil la
nation quia iirappé.
Ils ne s'amufent guère à piller;
s'ils ont le teins ils tâchent de tuer
des animaux pour vivre. Il eft
très -rare qu'ils brûlent des mai-
fons 5 parce qu'ils ne veulent pas
fe faire découvrir. Leur objet prin-
cipal eft d'emmener les prifonniers
ou d'enlever des chevelures. Qjiand
ils n'efpérent pas d'y parvenir , ils
ce tirent pas. Ils s'embarraflent
peu de fouiller & de dépouiller
les morts. Il eft eflentiel de remar-
quer ici que s'ils ont occaiion de
faire beaucoup de prifonniers , ou
d'enlever beaucoup de chevelures,
ils le font jufqu'à ce que l'opéra-
tion foit finie; mais quand ils fc-
roient trois cents & qu'ils ne fe-
roieiit qu'une ou deux chevelures ,
ils ne recommenceroient pas une
autre opération « duITent-ils poiî«
de tA'ûierlqite Septentr. 3 ) 1
voir ruiner un pays ou tuer d'au-
tres hommes. Ils difent que s'ils
ii'étoient pas contens , le maître
delà vie feroit fâché contr'eux, &
qu'ils coiirroient rifque de ne pas
réuffir ou de perdre leurs gens;
ainfi ils vont chez eux toucher bar-
re, fi j'ofe m'expliquer ainfi, y
eut -il deux à trois cents lieues 9
font d'autres partis Se retournent.
Dès qu'ils font à leur rendez-
vous , ils ajuftent leurs prifonniers
dans le goût de leur p/ation. Si
c'eil un Européen , ils lui coupent
les cheveux à leur façon & rhabil-
lent en Sauvage. Us Je matachent
le foir & l'attachent à quelques
branches d'arbres par un pied &
une main , de façon à ne pouvoir
fe débarrafîer. Us lui mettent au-
tour du col un cellier de porcelai-
ne , comme nos Dames le portent,
barbouillé de rouge ; ce qui marque
fou efclayage. Us ont attention de
3 5' 2 Mlm. fur la dern. Guerre
lui faire manger de tout ce qu'ils
ont 5 pour qu'il ne pâtilTe pas en
route, ils étendent leurs chevelu-
res autour d'un petit cercle en for-
siie de peau de tambour , & le côté
des cheveux pendant ; ils les graif-
knt & les faupoudrent de vermil-
lon , ainii que le dedans de la
peau.
Le chef de guerre a foin de don-
ner le collier promis à celui qui
le premier eil allé fur l'ennemi , ou
qui a fait le plus beau coup ; ce
qui fe juge entr'eux très - équita-
blement &; fans murmure. Si le
chef a quelque équipement, & que
quelqu'un en manque , il fe dé-
pouille pour le lui donner. C'efl:
par la bonne conduite , la bra-
voure, le bonheur, & la libéra-
lité , qu'il acquiert la réputation ^^
de bon chef de guerre, but - il
réuGî au delà de fes efpérances dam
fon attaque a s'il a eu le malheur d(
de t Amérique Septentr. 5^3
perdre quelqu'un , tout eft plon-
Igé dans la trirteffe, & la gloire
dont il s'eil couvert n'eft comptée
pour rien. On l'oblige de retour-
j ner à la guerre,pour venger le fang
I du défunt & remplacer le mort
; dans fa famille. Les Iroquois ont
'. grand foin de rapporter tous les
bleifés , quand même ils feroient
de nation étrangère; c'eft un de
leurs premiers devoirs. Ils leur
font un brancard , ou ils leur pat
fent un collier fous les cuiiTes
qu'ils fufpendent à leur front , &
les portent par là des centaines de
lieues, s'ils n'ont pas de canots.
D'autres nations abandonnent
leurs prifonniers dans les bois ,
leur laiîfentce qu'ils peuvent pour
vivre , fauf à ces miférables de
chercher dans les bois le reRe de
leur fubfiftance & de quoi fe pan-
fer. PiufieurSs après y avoir refté
des mois 3 reviennent ; les autres
3 5' 4 Mêîmfur la dern, Gimre
périffent de mifere; auffi regar-
dent - ils un bleiïe & un prifonniejp
comme des hommes morts.
Jnfques à ce qu'on foit au villa-
ge , les prifonniers font bien trai-
tés & fans humeur. Dès que le
parti arrive, ceux qui le compo-
ient Ibnt tous à la file les uns des
autres, comme à leur départ; ce-
lui qui porte les chevelures eft à la
tête ; elles fontfufpendues tout le
long d'une perche : enfuite vien-
nent les prifonniers, avec un chi-
chiquoi à la main , chantant, quoi-
qu'ils n'en ayent pas envie. Tous
les guerriers font en filence. Ce-
lui qui porte la perche des cheve-
lures , fait d'abord autant de cris
qu'ils ont perdu de monde. C'eft
un cri lugubre qu'ils finiffent avec
un ton de voix mourante : après
ceux-là, il fait autant de cris aigus
qu'ils ont de chevelures ou de pri-
fonniers j & un cri général ternii-
ie V Amérique Septentr, s 5' f
ne le compte. Ils recommencent
enfuite jufqu'à ce qu'ils foyent ar-
rivés à la cabane du chef. Un doit
imaginer avec quel empreilement
les jeunes gens , les femmes & les
enfans courent au devant d'eux.
Le plus ingambe va prendre la per-
che pour la porter au chef, com-
me pour lui annoncer la bonne
nouvelle ; d'autres s'emparent des
prifonniers , que chacun s'empref-
îè de mener jiifqu'à la cabane du
chef. Ils font heureux d'avoir
bonne jambe ; car alors ils font af-
faillis d'une grêle de pierres & de
coups de bâtons , & c'eft à qui
leur en donnera davantage. Tous
s'en mêlent , excepté les guerriers,
qui laifTent faire tranquillement &
continuent toujours leur marche,
comme une proceffion. Qiiand
quelqu'un de ces malheureux tom-
be, il eit encore plus maltraité,
fur -tout s'il erie, parce que cela
15^ Mcjm fur la dern. Guerre
les amufe. Il eft rare qu'ils n'arri-
vent pas tout meurtris à la cabane,
où tous les chefs & les anciens fe
trouvent affembîés. Celui qui a
conduit le parti de guerre, raconte
fon voyage & fon expédition, rend
juftice à chacun , & fait l'éloge de
fes guerriers,en faifant mention de
leurs adions; après quoi on préfen-
te à l'affemblee les prifonniers, qu'ils
font danfer chacun à fon tour :
on imagine bien qu'ils n'en ont
pas envie, fur -tout s'ils font Eu-
ropéens. Les Sauvages ne fe font
néanmoins pas prier, & cela leur
donne occafion de raconter leur
bravoure. Cette cérémonie finie, le
chef de guerre difpofe des chevelu-
res & des prifonniers , fuivant la
deftination qu'il en a faite précé-
demment. Chez les Iroquois or-
dinairement le prifonnier deftiné
à remplacer un mort, en occupe
la place dans la famille ^ lanation
de l'Amérique Septentr, 357
entière le regarde comme un de
fes membres, & les nouveaux pa-
ïens lui ôtent le collier d'efclava-
ge. Si ceux-ci ne veulent point
l'adopter , & difent qu'ils font
trop afîiigés pour penfer à rem-
placer le mort , ils livrent ce pri-
fonnier aux jeunes gens pour s'en
amufer. C'eft un arrêt irrévoca-
ble 5 & le malheureux eft brûlé.
Nous n'entrerons point dans le
détail de cette cérémonie horrible ,
que l'on trouve dans tous les au-
teurs : heoreufemeot ces événe-
îîiens deviennent un peu plus ra-
res. Chez les autres nations kg
prifonniers font plus à plaindre ,
parce qu'ils font régardés comme
leurs chiens; elles les tuent fans
conféquence dans leurs moniens
d'ivreffe , & en tenis de àikitQ on
ne fe fait pas plus de fcrupule de
les manger qu'une béte. Si un pri-
fonnier eft affez fortuné pour f©
3 58 Mêm.fur h dern. Guerre
marier chez ces nations , fa famil-
le ne jouit d'aucune confidération ,
& elle eil foumife à toutes les cor-
vées qu'ils imaginent. Quelques-
uns font affez heureux pour trou-
ver des Sauvages doux , avec lef-
quels ils ne mènent pas une vie
dure &: périlleufe , fur - tout s'ils
ont attention d'éviter les parties de
boiiToa , en prenant ce tenis pour
aller à la chaife.
Souvent lorfque les vainqueurs
ont perdu quelques chefs qu'ils
coniidérent beaucoup , il eil: pref-
que impoffible de les empêcher de
facriner quelques - uns de leurs
prifonniers aux mânes des morts.
C'elt alors que pour fatisfaire leurs
mânes , ils mangent un prifonoier
en cérémonie.- On doit cependant
aifarer qu'ils ne goûtent de vian-
de humaine qu'avec répugnance.
On a va plus d'une fois des jeunes
gens la vomir j c'eit uniquement
de r Amérique Septenir. 3<f
par bravade & pour s'endurcir le
cœur , qu'ils fe repaiffent quelque-
fois d'une femblabie nourriture.
Il eft certain que le meilleur parti
que les Européens ont à prendre
pour combattre les Sauvages , c'eft
de les rencoigner dans quelque cul
de fac & marcher à eux à toutes
jambes, la bayonnete au bout du
fufil ; car une troupe qui s'amufe-
roità tirailler,reroit bientôt battue ,
à cauie de la jufieffe de leurs coups
de fufil. Si par malheur on fe dé-
bande , on efrfùr d'écre détruitspar^
leur vivacité à attaquer à coups de
hache & de lance (a).
(a) Les réflexions fur la guerre avec
les Sauvages , &e. qu'on lit à la £a
de la relation de l'expédition du gé-
néral Bouquet contre les Indiens de
rOhio, en 1704, méritent d'être con-
fultées. Les principes de l'auteur ne -
dilTérent pas de ceux de M. Pouchotj
mais ils ont l'ayancage d'être plus dé-
veloppés.
5 6o Mem. fur la dern. Guerre
Quoique le Sauvage ait peu de
connoiffances , il s'en trouve ce-
pendant qui ont un efprit vif &
éclairé, & de la fineffe. Il y en a
de très-ftupides : mais n'en eft-il
pas de -même parmi nos payfans ?
Les Sauvages ont beaucoup de
mémoire : lorfqu'on a quelque
chofe à traiter avec eux, ii faut
bien prendre garde à leur mentir ;
il eft toujours prudent de fe réfer-
ver une porte derrière , pour parer
aux événemens contraires , afin de
leur faire voir qu'on ne les a point
trompés. Ils font naturellement fi
tranquilles qu'ils ne peuvent pas
concevoir nos promenades, & font
toujours furpris de nous voir éle-
ver le ton dans nos difputes ; ils
difent alors que nous perdons i'ef-
prit.
Nous avons dit que pour s'atti-
rer leur amitié, plu fleurs en effet
font fufceptibles à'^n prendre une
décidéç
de l'Amérique Septentr. ^6i
décidée pour quelqu'un , il faut
être généreux. Ce n'ed pas néan-
moins par la quantité qu'on ieLic
donne,qu'on acquiert cette réputa-
tion ; fuivant la manière d'agir, on
paffe pour libéral ou pour avare :
par exemple , en leur donnant de
Peau - de - vie à boire , fi vous leur
préfentez la moitié d'un grand go-
belet, c'eft être vilain ; vous leur
en préfenterez un petit, pourvu
qu'il foit plein , ils feront coatens.
Leur offrez - vous du pain ; qu'il
foit entier : une moitié beaucoup
plus grolfe leur feroit dire que
¥ous voulez les faire mourir de
faim 3 & cela feul fufiîroit pour m-
difpofer toute une nation contre un
commandant. Quand on leur fait
des préfens, il faut d'abord leur
préfenter moins qu'on n'a envie de
leur donner,, parce que s'ils vous
font encore quelque demande ,
¥ous pouvez la leur accorder ; ce
Tame IIL Q
3^2 J^êm. fur la dern. Gficrre
qui les porte à exalter votre gêné-
rofité.
L'eau -de -vie eft fans contre-
dit de toutes les chofes du monde ,
celle que les Sauvages aiment le
plus, j out dépend de la façon de
la leur ménager à propos pour
boire ou pour traiter. Cefl un
moyen de s'attirer toutes ces na-
tions On en a fait un objet de
commerce trop confidérable , &
on auroit pu en tirer meilleur par-
ti dans les occafions. Quoiqu'ils
ne fouffrifient pas à préfent qu'on
les privât de cette liqueur perni-
cieufe, ils font néanmoins très-
fâchés qu'on les y ait accoutumés ,
& en regardent l'ufage comme la
principale caufe de leur deftruc-
tion.
A quelque différence près , foit
dans les ufagcs , foit dans le carac-
tère 5 les bauvages de ce conti-
nent fe rellèmblent tous. On re-
de t Amérique Septentr, 3^3
marque feulement que ceux qui
fréquentent les colonies européen-
nes, font les plus traitables & les
plus éclairés. Ils défignent leurs
liaifons entr'eux, & leur fupério-
rité, par les termes de parenté, d'on-
cles, deneyeux, decoufinsj&c.
Les Outaouais & les Âbenakis
nomment les Iroquois leurs on-
cles : ceux - ci les traitent de ne-
veux ; ce qui marque la grande?
ancienneté de cette nation. On en
pourroit trouver une autre preuve
dans les dénominations de pîu-
lieurs endroits , comme Ohio , qui
lignifie une belle rivière, Theao^
gen , le confluent de deux riviè-
res , Schenutar ( a ) , Niagara ,
& autres noms de lieux dans des
parties fort éloignées , lefquels
(a) C'eft le nom de la ville d'O-
range, fituée fur la rivière d'Hudfon,
dans la province de IS^ew-Yorck.
3 6*4 Mér/f. fur la dern. Guerre
font tous des mots de la langue iro-
quoifc. Les Sauvages donnent aux
Anglois la qualité de frères en leur
parlant, & celle de pères aux Fran-
çois , pour montrer que ceux - ci
îes ont fréquentés les premiers : en
conféquence ils croyent qu'ils ne
doivent laiffer manquer de rien à
leurs en Fans.
Lorfqu'ils veulent défigner cha-
que nation entière, ils appellent
les Aiiglois Saganach ; les François
'Mljiigouch ; & les Sauvages Mi^
chinabê. Ils diltinguent les offi-
ciers François par le nom à'Onon^
tio, qui veut dire montagne , par-
ce qu'un des premiers qu'ils ayent
connus s'appelloit Mont-Magny
(a) 5 enfuite par allufion ik ap-
(a) Le chevalier de Mont-Magny
fuGcéda en idg6à Champlain, Ce fut
le fécond gouverneur de la Nouvel»
k- France 3 & le premkr qui ait eu la
J
de l'Amérique Septentr. 3<^f
pelîent le roi de France la Gran«
de Montagne , Onontio - Go a ; &
le roi d'Angleterre , le grand CoU
lier.
gloire de pacifier les nations fauva-
ges de ce pays , & de faire un traité
avec les Iroquois.
0.3
3^7
ll^ï •*•• V 'é ^ ^t- v -^y 4» V ■ V ■^î■■ •<' - H» y.' «* •■•:•• <i» •^- «iii : I
AD D I T I O N
SUR LE NOMBRE DES SAUVAGES
DE
L'AMÉRiaUE SEPTENTRIONALE,
S
î les premiers voyageurs nous
cuiïent donné un état circonfiancié
de la population des 5auvages de
ce continent, & que ceux qui les
ont fuivis enflent pris le même foin,
nous pourrions juger de la dimi-
nution graduelle qu'elle a éprou-
vée. Mais ces recours nous man-
quent, & nous fommes réduits à
des notions imparfaites , ou à des
rapports vagues. Leur réfuitat n'en
efl cependant pas moins affligeant
pour i'humanité.
0.4
3^8 Mêm,fur h dern. Guerre
Qt^and Champlain jeta les pre-
miers fondemens de la colonie
françoife du Canada , plufieurs na-
tions confidérabies dont le nom
eft aujourd'hui à peine connu , oc-
cupoient alors ce pays. La langue
des Algonquins , encore ufitée
dans plufieurs hordes de SauvageSj
a confervé feule la mémoire de cet-
te grande nation. Les Huro'ns n'en
forment plus une. Ces fidèles &
puifîans alliés des François, après
s'être difperfés , fe font réfugiés
dans deux villages fort éloignés
V\xn de l'autre , le premier près de
Qiiébec 5 & le fécond à Textrêrnité
des lacs. Les Outaouais , autrefois
très - nombreux , n'occupent plus
que trois villages ; Se les Pouté.ou-
taniis deux. On ne trouve aucun
Teftige des Beriiamiamites , des Fa-
pinachois , des Montagnez , des
Amikoués , des Âttikamégues, &g.
Ces derniers étoienè environnés de
éïe t Amérique Septenîr. ^ €^
plufieurs antres peuples quis'é-
tendoient aux environs du lac St
Jean , & jufqu'aux lacs des Miftaf-
fins & deNémifcau. Tous ont été
détruits , principalement dans les
guerres des Iroquois. Ceux - ci, qui
étoient fi redoutables & pouvoient
mettre fur pied , à la fin du iiecle
paffé , 7500 guerriers , en raffem-
bleroient .à peine aduellement
quinze cents.
Les nations de l'eft ont foufFert
une diminution encore plus fenfî-
ble. Autrefois elles ne formoient 3
pour ainii dire , qu'un même peu-
ple, connu des François fous la
dénomination générale d'Abena-
kis. Leurs habitations étoient ré-
pandues dans cette vafte contrée
qui s'étend depuis les rives du
fleuve St. Laurent ^ en fuivant la
chaîne des Apalaches , jufqu'à Tex-
trêmité méridionale de la Caroli-
ne, Quoique féparé en plufîeurs
■ ' ' Q. 5 ■
J70 Mêm.fur la dent. Guerre
tribus , il parloit le même langage»
La portion qui s'étoit établie près
des Côtes s'adonnoit uniquement à
la pèche , & le relte à la chaffe.
A mefure que les colonies an-
gloifei fe font accrues , ces Sauva-
ges fe font retirés dans l'intérieur
des terres, fans céder , comme les
Anglois Pont prétendu , le pays
qu'ils étoient forcés d'abandonner,
n'ayant jamais eu aucune idée de
ce que nous appelions vendre par
contrat , ou céder par un traitée
Les différentes hordes de cette na-
tion qui s'étoient fixées dans W-^
cadie ou aux environs , étoient (^xî--
tinguées par les noms à' Abenakis ^
à'Etchemins^, de Souriqttois ^ de
Mickmack, &c. Api es la fonda-
tion de la iNfouvelle Halifax, ils
firent la guerre aux Anglois,qui les
détrui firent prefque tous. A peine
en échappa - t - il de quoi former
un petit nombre de villaoes qui
ie f Amérique Septenfr. 371
pourroient avoir mille guerriers.
La principale des tribus abe-
nakifes reliée au delà des Apala-
ches , eit celle des Loups , que les
Anglois appellent Delmvares, tlle
habite les bords de TOhio. Un lui
compcoit dix -huit cents combat*
tans, à la fin de la dernière guerre.
Mais ce nombre doit avoir beau-
coup diminué aujourd'hui , par les
pertes qu'elle eiTuya en i7<53 &
en î76'4, lorfqu'elle entreprit de
faire foulever tous les Sauvages àa
continent contre les Anglois.
Les autres nations qui entrèrent
alors daiis cette conjuration, avoient
la plupart leurs habitations fur les
grands lacs du Canada , & aux en-
virons des rivières qui s'y jettent
Leur perte n'a pas été moins cotî-
fidérable A l'exception des Outa-
gumis & des iViiffiiakes , elles font
réduites aduellement à un très-pe-
tit nombre d'hoaiiîie&*
372 Mèm.Jtvr la dern. Guerre
Les Sauvages du nord & du
lîord - oueit , ayant très - peu de
communication avec les Euro^
péens , en font très - peu con-
nus. Nous favons feulement que
les Scioux 5 les Criftinaux & les
Affiniboels font encore aflez nom-
breux. Qiioique les Eskimaux Se
les autres peuples du labrador
ayent quelques liaifons de com-
merce avec les Anglois , nous
ignorons cependant quelle peut
être leur population. Suivant le
rapport de ceux - ci , environ mil-
le perfonnes, tant hommes que fem-
mes 5 viennent tous les ans fur s co
canots au fort ISelfon ou Yorck,
pour la traite de leurs pelleteries.
On fait le nom d'un grand nom-
bre des peuples de la Louiiîane ;
c'elt prefque tout ce qui en refte.
Ils n'ont ceiïe , fi j'ofe le dire , de
s'évanouir, depuis que les François
fe fout établis parmi eux. Dans
de l'Amérique. Septenir, 371
l'efpace feulement de vingt - cinq
ansaleur perte a été innnenfe. Nous
pouvons en juger avec quelque
certitude , par un excellent mémoi-
re que M. de Bienviîle, gouver-
neur de la colonie françoifej avoit
fait fur les lieux ( a ).
11 y fait mention de plus de cin-
quante nations qui , avant l'an
17003 pouvoient mettre fur pied
^4S*ço hommes. Vingt -cinq ans
après ils forent réduits à 24 2 (5o>
Plufîeurs peuples qui avoient au-
trefois 4GO5 500 & jufqu'à 60©
combattans , n'en eurent plus que
30 , 40 & 50. Depuis cette der-
nière époque , les plus puiiTans
ont encore fouffert de grandes di-.
( iz) Ce mémoire a pour titre,/e cours
du MiJJîJJîpi ^ou les Sauvages- de la
Louifiane , leur nombre %f le commerce
qu'ion peut faire avec eux , & fe trou-
ve imprimé dans Je journal deTre-'
Youx du mois de Mars i]Zj»
374 Mêm, fur h dern. Guerre
minutions. Les Chactas , qui avant
rétablKï'ement des François avoient
20GOO guerriers, <& au tems du
dénombrement de (Vl. de Bienvilîe
8ooc> , en fourniroient aujourd'hui
à peine 4000. Les Chicachas , les
plus redoutables ennemis de la co-
lonie françoife , pafToient pour être
auffi nombreux que les Chactas,;
mais ils ne fauroient aduellement
leur être comparés (a).
De ces détails on doit conclure
avec M. de BuiFon, que les na-
tions les plus nombreufes de l'A-
mérique fe réduifent à trois ou qua-
tre mille perfonnes. il eft perlua-
dé avec raifon „ qu'on pourroit
35 avancer, fans crainte de le trom-
3, per , que dans une feule ville,
^ comme Faris (b), il y a plus
(a) Un auteur moderne ne doii-
îîc aux Chicachas que yfo gueiriers.
(/;) En f.ippolant que cette vilie
B'eft que de Cx à fept ctnts mille âmes.
de P Amérique Septenir, 37f
^ d'hommes qu'il n'y a de Sauva-
^ ges dans toute cette partie da
55 TAmérique Septentrionale corn-
,5 prife entre la mer du nord & la
y, mer du fud , depuis le golfe du
^ Mexique jufqu'au nord , quoi-
35 que cette étendue de terre foit
53 beaucoup plus grande que toute
59 l'Europe " ( a ).
Cette diminution rapide des na-
tions fauvages peut être attribuée ,
ï*. à l'ufage immodéré de Peau-de-
vie; i^. à la contagion de la petite vé-
role (è) ; 3^- aux guerres que l'arri-
vée des Européens a fait naître ;
4*. à la coutume de remplacer les
morts par des prifonniers ; ce qui
(a; Hiit. nat. Tom, V. p. 176. éd.
in - 1 2.
(b) A cette épidémie on peut join-
dre la plus terrib e de toutes la ped
te , qu'un vauieau du roi apporta ea
1704 à îa Mobife, où elle détruiiife
deux nntions confidérables appellées
les grands à les petits Ihomes 3 ^G,
3 7 <^ Mêm. fur la dern. Guerre , ^c,
met tous ces peuples dans un état
perpétuel de guerre. L'homme y
feroit donc né , comme le fameux
Hobbes l'a prétendu. Leur con-
duite ne juftifioit-elle pas en-
core la penfée de cet écrivains
qui définit l'homme un enfant vi-
goureux quiconnoitfes forces? Ea
effet, le Sauvage méfufe des Tien-
nes , parce qu'il les fent trop. 11
cède fans peine aux impuliîons de
la vengeance, & fe réveille au
bruit des armes , qu'il prend tou-
jours pour détruire, & jamais pour
acquérir ou conferver. Ses goûts
font tyranniques , & fes befoins
prefians. Les uns & les autres fe
font multiphés depuis la découver-
te du Nouveau Monde. Pour les
fatisfaire , il -a oublié fes intérêts
les plus chers , & eft devenu Tint
trument de la haine de deux puil^
fances rivales , comme celui de fa
propre deftruaiou.
FIN.
ADDITION
A l^aveytijjemeni des ohfervatiom
topographiques.
D
Epuis m. de la Verandiere, les
contrées qu'il avoit reconnues, ont
été vifîtées par M. Carvsr. Après avoir
hyverné fur les bords du Miiîilîipi, par
les 44 degrés de latitude , il a dirigé fa
courfe vers le nord du continent de
PAriiérique , & a paiîe par fa partie la
plus élevée, d'où partent les différents
fleuves qui i'arrofent 5 ies uns allant à
la mer du Nord, les autres vers le cou-
chant da détroit d'Anian. Ce voya-
geur anglois a réjourné dans le pays des
Sakis , des NadoaeiHs , occ. & a été fur
les bord de la rivière Bourbon , du
lac Ouinipigon, àc. Leur exjftence
n'eCl donc plus iKî problèoie. Il feroife
a délirer qu'on traduisît en françois
la relation que M. Carver a publiée^,
en 1778 , defes voyages , pendant les
années 176^, 17^73 I7^S. Elle nous
donne de nouvelles lumières , & étend
.n^s CGmiôiflaiices géograpîiiques.
TABLE
DES CHAPITRES
Contenus dans ce HP. Volume.
o
ESERVATIONS TOPOGRAPHI-
QUES. Hveitiffemeiit, pag. 3
IntrodKclioîi. 7
Chap. I. De la frontière par le
lac Cbamplain, i 7
Chap.1I . Du fictive St, Laurent ^
depuis M ont' Lié al juf qu'à (Jhoue^
g en. 6 6
Chap. 111. De la comJTJumcation
de la rivière de Cf^ouegen aux
pojjejfwm angloifes, 1 29
Chas». IV. De la communication
TABLE DES CHAPITRES 37f
du lac Ontario aux frontières
angloifes , par la rivière de Laf*
conchiagon. i f f
Chap. V. De la communication
de Niagara avec la Belle-Ri^
viere ou Obio, en anglois Alli^
geny , ê«f de tOhio en PenfyU
vanie & en Virginie. %6%
Observations Sur les mont agneî
de V Amérique Septentrionale.
189
Remarques Sur le Saut de Nia-
gara. 203
Des Moeurs et des Usages des
Sauvages de l'Amérique SepteTu
trionale. 2.27
Addition fur le nombre des San*
vages de i Amérique Septentrion
nale, 3 67
Fin de la Table,
APPROBATION.
^ 'Ai lu l'ouvrage intitulé : AJé-
pioires fur la dernière guerre de
l'Amérique Septentrionale , &c, &
je n'y ai rien trouvé qui doive en
empêcher Pimpreffion. A Yverdon
le 20 Décembre 1780.
E. Bertrand ,
. Cenfeur,
Cleaned ^ Oiled
1 c ^